Juriste, diplomate, philosophe et politologue de formation, cette fois-ci je m’adresse spécialement aux collègues de la communauté internationale.
Comme nous le savons tous, les populations des pays en voie de développement sombrent dans un cercle vicieux de la pauvreté, qui les incite parfois à opter pour la violence pour renverser leurs dirigeants. Toutefois, la communauté internationale ne doit plus se contenter d’endormir l’opinion publique mondiale sur le laurier de la soi-disant « réconciliation nationale » ; autant dire, le moment est venu pour elle d’oser dénoncer tous les problèmes de fond de ce monde et donner des solutions adéquates ; en tout cas, à quoi bon bombarder les résidences des chefs d’Etat dits dictateurs, alors qu’on ne fait pas preuve de volonté diplomatique pour réformer quelques pratiques fallacieuses du fonds monétaire international par exemple ; je ne soutiens pas les dictateurs, les dirigeants corrompus des pays pauvres, mais j’invite la communauté internationale à ne pas entretenir l’impunité de leurs complices dans les nations riches ; et pourquoi pas donner une compétence universelle à la cour pénale internationale ou mettre en place un tribunal spécial économique international pour juger ces derniers et les diktats de la finance internationale. Il est également du devoir sacré de la communauté internationale de reconnaître que le fonds monétaire international a déjà outrepassé sa mission officielle (dont le contrôle de la stabilité monétaire internationale) en imposant et son emprise sur les finances publiques des Etats pauvres et le dogme du modèle économique du néolibéralisme débridé dans ces pays ; la communauté internationale n’a plus alors le droit privilégié de cacher qu’une telle mauvaise manie a comme principal objectif le maintien d’une croissance économique non inclusive, c'est-à-dire que le peuple est purement et simplement mis en dehors des fruits de la croissance économique. Et ne parlez pas de dictature quand une personnalité politique qualifie pénalement cette machination de « crime de haute trahison intellectuelle ».
Certes, il serait juste de traduire les chefs d’Etats africains corrompus devant la cour pénale internationale ; mais il serait très injuste et inhumain de ne pas dénoncer et protéger les forces extérieures de connivence avec eux dans le maintien et la mise en œuvre de leur mauvaise gouvernance ; en d’autres termes, il est alors opportun pour la communauté internationale de faire réviser par les bailleurs de fonds internationaux la « politique macroéconomique standard » imposée aux pays sous-développés ; - autoriser ces derniers à adopter une politique créatrice de richesses et de réinvestissement de capitaux ; - y faire accompagner la libéralisation économique par des partenariats équilibrés ; -leur donner les conditions leur permettant de faire face à leur insuffisance de mobilité des capitaux et à la concurrence économique internationale ; -leur offrir une grande latitude pour apprécier discrétionnairement le « benchmarking » (analyse comparative) et pour choisir une économie sociale et solidaire de marché ; -les laisser choisir librement leur taux de change d’équilibre fondamental ; -leur accorder les moyens pour être au même diapason de la compétitivité structurelle ou monétaire ; -leur permettre d’avoir des méthodes de prévision des crises de change ; y établir le couple « libéralisme culturel et démocratisation de l’enseignement » ; -aider les opérateurs économiques locaux pour pouvoir suivre la tertiarisation ; -ne pas négliger les secteurs privés au niveau local ; de même, la communauté internationale n’a pas à favoriser toute manœuvre empêchant les pays pauvres à avoir des marchés monétaires sains et des politiques monétaires bien réglées. Pour sauvegarder les économies de ces pays du risque engendré par la mondialisation, elle doit octroyer des techniques modernes et améliorer leur système bancaire. Tout cela pour dire que laisser les gens s’entretuer, puis tout de suite après les obliger à officialiser une réconciliation nationale, ne résoud pas les crises politiques chroniques dans les pays arriérés économiquement. La diplomatie économique est mieux placée pour savoir que tout problème de fond appelle une solution de fond pour garantir la paix sociale dans le monde qui va de plus en plus mal. En effet, la réconciliation politique est une chose, mais la réconciliation des cœurs en est une autre.
S’agissant du cas de Madagascar dont je suis ressortissant, j’espère que le dénouement de la crise politique malgache nécessite de votre part une décision pondérée, non obnubilée par des intérêts exclusivement diplomatiques et stratégiques, qui tient compte des réalités du pays, du silence éloquent de la majorité de la population face à la lourde pesanteur du passé politique de quelques hommes politiques malgaches. Sinon, quelle que soit la feuille de route adoptée, l’hypothèse d’une révolution ne sera pas à écarter pour les raisons énumérées ci-après : - actuellement, le peuple malgache est bel et bien conscient que les dirigeants se succèdent et se ressemblent, ne leur donnant aucune garantie en matière de lutte contre la corruption et la pauvreté ; -par conséquent, il n’acceptera certainement pas toute « solution pommade » à la crise ; -en dépit de « l’acceptation » de l’économie de marché depuis les années 80 et 90 par la population malgache, les opérateurs économiques locaux n’ont toujours pas les moyens leur permettant de suivre le cours de la tertiarisation ; -les experts comptables et les spécialistes d’audit d’entreprise malgaches pendant la période des « privatisations à-tout-va » n’ont pas été pris en considération ; -aucun effort spectaculaire n’a été fait pour que le droit commercial malgache soit au même niveau de l’évolution de l’environnement économique et commercial international ; -l’effritement des valeurs morales malgaches est dû à une absence de courage politique d’établir une économie sociale et solidaire de marché, sans parler bien sûr de l’appartenance à un réseau de complicité qui défend paradoxalement la mondialisation et le modèle Keynésien d’économie fermée et le modèle d’optimisation inter-temporelle ; -le catalogue des soi-disant réformes, jusqu’ici dictées de l’extérieur, n’a pas tenu compte des priorités de la population malgache ; -le modèle social malgache a été mis dans les tiroirs ; -l’on n’a mis en exergue que les objectifs globaux de la bonne gouvernance et non les recommandations précises sur les réalités géographiques, culturelles et sur le niveau de développement de Madagascar.
Je tiens à défendre que pour faire réussir la diplomatie, il faut que la communauté internationale accepte l’échec de la « théologie financière » de 1990 dans les pays d’Afrique, d’Amérique latine, des Caraïbes, du Pacifique, dont les populations continuent à en pâtir actuellement ; elle doit reconnaître également les dégâts sociaux engendrés par le capitalisme financier dans les pays développés.
En clair, concernant la situation de précarité et de paupérisation des populations dans le tiers monde, acceptons la responsabilité partagée des dictateurs et des détenteurs de la gestion des finances internationales. Cherchons ensemble les solutions fiables pour éradiquer dans leurs racines les crises répétitives dans les pays en voie de développement pour que la démocratie et les droits de l’homme n’y restent pas de simples slogans de mobilisation ; que la cour pénale internationale ne juge pas à sens unique et ne soit pas l’incarnation de la loi du plus fort.
Au nom de la concorde universelle, je vous remercie de m’avoir lu très attentivement.
Paris le 17 Octobre 2011
RAZAFISAMBATRA Louis De Mon Désir