Effectivement, lorsque l’on veut vraiment aider son prochain sans rien en attendre en retour, c’est souvent dans la discrétion la plus totale. Néanmoins, dans cette action du vendredi 13 avril dernier, c’est pour des raisons précises que nous en parlons sur notre site, à propos de la remise de matériel à notre confère TAITSY GILBERT (sur la photo à nos côtés
Une seule phrase entendue au Centre de ressources des médias (CRM) à Ambatonakanga Antananarivo pour que le mouvement s’enclenche illico : « Dire que je n’ai même pas les moyens de posséder un dictaphone bien à moi, pour effectuer des interviews ! ». Cette déclaration émanait de Taitsy Gilbert. Qui est-ce ? Au plus fort des évènements de 1991-1990, ce confrère de la presse radiophonique a eu le cran et le courage d’être le seul à ne pas couper tous les contacts liant les médias publics et le… public justement. A cette époque de la révolution socialiste paupérisante, il avait été traité de tous les noms d’oiseaux possibles et imaginables. Or, en tant que fonctionnaire au service de l’Etat, il n’avait fait que son métier. Celui de servir la politique d’un pouvoir à la dérive. Il fallait oser le faire en connaissance de cause.Qui, à Madagascar, ne se souvient pas de ce « speaker » -coiffé à la Angela Davis et Jim Kelly réunis- qui, sur les antennes de la télévision nationale malgache –la seule à l’époque- présentait pratiquement tous les programmes. Tout seul. En ces temps, heureusement révolus, j’étais correspondant de Madagascar Tribune à Diego où j’ai été pris en otage par les fédéralistes. Pour certains, les apparitions de Taitsy étaient du courage, pour d’autres des interventions « lucratives ». Pour moi, il s’agissait plutôt d’un professionnalisme pur et dur, comme il n’en existe pas beaucoup de nos jours. Taitsy Gilbert respectait son métier, un point c’est tout, puisque personne d’autre ne voulait pratiquer cette fameuse continuité de l’Etat jusqu’à la fin. Cette fin, d’ailleurs, arriva pour le pouvoir Arema et Taitsy Gilbert, victime de la chasse aux sorcières, passa à la trappe.
On le croyait parti à l’extérieur, riche et tout et tout. Que non, il était resté au pays. Coincé entre des attaques émanant de partout, il a préféré se mettre en disponibilité, en attendant que çà se tasse. De nos jours, les années passant à vive allure, il est Secrétaire général du Club des Journalistes Doyens (CJD), s’occupant des relations avec les régions. Par ailleurs, il a été reconduit au sein de la Commission de délivrance de la carte de presse officielle et professionnelle malgache. Mais un journaliste n’est jamais à la retraite. Il le reste jusqu’à la mort ! Malheureusement, faute de moyens techniques, il se sent diminué. Cette carence, Taitsy Gilbert l’a clamé comme pour résumer une situation valable pour nombre de journalistes malgaches. Car, lui, Taitsy, avait une émission culturelle extraordinaire sur la radio nationale : « Vakoka malagasy » ou un truc de ce genre, pour promouvoir les cultures traditionnelles de Madagascar.
Deux jours après, je lui ai dit que j’allais faire quelque chose pour pallier ce déficit. Il m’a cru parce qu’on se connaît depuis fort longtemps. Avec l’accord de l’équipe de madagate.com en France, nous avons mis de côté quelques sous pour acheter un combiné radio FM/enregistreur à cassette standard. Et, ainsi, en présence des journalistes doyens Daniel Rakotoseheno alias Dany Be, Max Ratsimandisa alias Big Max, Rabefananina et Yvonne Razanamasy, je lui ai remis ce don au nom de madagate.com. J’ai préféré attendre ce vendredi 13 avril 2007 pour prouver que cette date peut aussi être un jour faste. Par ailleurs, ce geste, pour nous les journalistes, est un pied-de-nez pour les politicards en mal de colonisation. Taitsy Gilbert vient du Sud de Madagascar, moi des Hauts-plateaux. Les photos prises par Dany Be sont l’image même de l’unité nationale qui n’a été en danger que pour ces politicards en mal de fauteuil et tous les avantages allant avec.
Dans le monde du journalisme à Madagascar, quelle que soit la ligne éditoriale de chacun, nous sommes tous des Malgaches. Si le confrère Latimer Rangers, l’antandroy devenu ministre, me traite d’Ambaniandro, il faut y voir quelque chose d’affecteux et ne pas monter sur ses grands chevaux pas plus que d’être plus royaliste que le roi. Dans le monde artistique, c’est le pire cauchemar pour ces politicards champions du développement rapide personnel et éternel. En effet, qui a entendu dire, par exemple, Jaojoby ou Bery kely de Diego, ou Gaby Saranouffi de Sainte Marie, ou Tovo J’Hay et Poppy de Tana, ou encore D’Gary de Toliara? Certes, on dit Dada de Fort-Dauphin mais c’est un nom de scène en entier et non une provenance ethnique. De ma vie, je n’ai jamais entendu non plus : Philibert Tsiranana, Président tsimihety de Madagascar ou Didier Ratsiraka, Président betsimisaraka de Madagascar, ou Zafy Albert, Président antakarana de Madagascar ni Marc Ravalomanana, Président Merina de Madagascar ? Et on n’entendra jamais dire Jacques Chirac, Président corrézien de France.
Aussi, je vais paraître rédactionnellement incorrect -mais une fois n’est pas coutume- : arrêter vos conneries une fois pour toutes ! La pire des pauvretés, ici-bas, est bien la pauvreté de l’esprit… Enfin, et non des moindres, pourquoi attendre le titre posthume pour aider son prochain ? D’ailleurs nous n’avons aucune médaille d’aucun ordre à offrir. A quoi donc servirait un dictaphone dans un tombeau ? Nous souhaitons donc beaucoup de futures interviews à notre confrère Taitsy Gilbert et nous aurons l’honneur d’en mettre quelques-unes en ligne pour vous. Quelqu’un demandera sûrement combien a coûté ce matériel ? Je répondrais que c’est le geste et la volonté d’aider qui coûtent et comptent le plus.
Jeannot Ramambazafy
Journaliste
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