« L’éducation est un métier noble mais ingrat ».
Je vous donne ici un aperçu de la vie, du calvaire qu’un enseignant fonctionnaire malgache vit chaque jour de sa vie. L’injustice de la politisation de l’administration. VoilĂ pour vous un tĂ©moignage exclusif.Â
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Les prĂ©parations, je dois les faire tous les soir.Â
Je m’appelle Mme Georgette. J’ai  53 ans et je suis une enseignante Ă l’école primaire. J’ai toujours servi dans une Ă©cole publique durant mes trente annĂ©es de service. Au total, donc, j’ai dĂ©jĂ Ă©duquĂ© 1500 Ă©lèves si on fait une moyenne de 50 par annĂ©e. Quelques fois je vous jure, j’avais plus de 120 Ă©lèves dans une classe.Â
Actuellement, je suis dans une Ă©cole primaire publique dans un village situĂ© Ă 12 km de la ville d’Antsirabe. Un village qui est très productif en fruits et lĂ©gumes et qui dont la population a un niveau d’instruction très basse : le collège d’enseignement gĂ©nĂ©ral a Ă peine quatre ans et n’ouvrira la classe de troisième que cette annĂ©e 2009-2010.Â
Faute de moyens de locomotion et d’infrastructure routière, je me rends au travail Ă pieds tous les jours, allĂ©e et retour. Incroyable, surtout Ă mon âge, mais c’est la rĂ©alitĂ©. Mais quelques fois, des gens de bonne foi me ramène en moto ou en tandem sur leur bicyclette. Mais cela n’arrive que très rarement.Â
Je ne nie pas, et tout le monde de mon école et du village où je travaille le sais d’ailleurs, cet effort que j’effectue me rend souvent malade. La fatigue et le stress me guette chaque jour. Mais pour mes élèves que je considère comme mes enfants, je ne cesserai pas de me consacrer.
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Je me rĂ©fère Ă geaucoup de manuels pĂ©dagogique. Â
Durant les assises des fonctionnaires qui s’est dĂ©roulĂ© au centre de confĂ©rence d’Ivato, dernièrement, mes collègues les fonctionnaires ont dĂ©noncĂ© que les affectations ne sont plus dĂ©cidĂ©es selon les besoins, mais sont devenues des outils politiques pour je dirai « punir ». Et je dis que j’en suis une victime, de cette punition. Non seulement, j’ai Ă©tĂ© soumise Ă une affectation disciplinaire, mais aussi, je n’ai jamais reçu un titre honorifique, alors que je n’ai jamais Ă©tĂ© blâmĂ©e. Mieux encore ; lĂ oĂą j’ai travaillĂ©, j’ai toujours Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme meilleur enseignant. Or, dans la circonscription scolaire oĂą je travaille, je connais une personne qui a juste deux ans de service et qui a dĂ©jĂ accumulĂ© six honneurs. Je me demande par quelle magie. Dans le règlement qui rĂ©git l’attribution des titres honorifiques, selon les peu que je connais, les remises de ces certificats de reconnaissance sont dictĂ©es par la bonne conduite de la personne concernĂ©e. Ce n’est pas pour le bon plaisir de dĂ©nigrer mais plusieurs de mes collègues sont adultères, alcooliques et ils ne le cachent pas  et pourtant, ils en dĂ©crochent. Pourquoi ? Ce sont des « Dit oui oui ».Â
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Je vous raconte mon histoire car je sais, nous sommes plus de 100000 fonctionnaires Ă Madagascar et je sais qu’au moins un bon millier a connu cette situation. Au cĂ´tĂ© du peuple malgache, je me suis battu pour un meilleur avenir pour les enfants d’abord et pour nous enseignants fonctionnaires aussi.  « L’éducation est un mĂ©tier noble mais ingrat », je fais de cette citation mienne jusqu’à ce que la situation change car je suis convaincue qu’un changement s’opère. Nous avons dĂ©jĂ choisi la voie pour cela. Elle est toute tracĂ©e devant nous. Et je tiens Ă tirer la sonnette d’alarme avant qu’aucuns de nos enfants ne veuille plus devenir enseignant.Â
Textes et photos : R.HASINJOÂ