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Antsakabary. Un cas d’école pour la Cour pénale internationale (CPI)

Dans cette vidéo, Mme Arlette Ramaroson, ancienne juge au TPI de la Haye, dissèque -en malgache- les raisons qui lui ont permis de déclarer que ce qui s'est passé à Antsakabary constitue un crime sur une population civile (dossier ICI)


Le 22 février 2017, la population malgache des villages suivants, a subi toute une série d’incendies qui a privé des centaines de familles d’habitation:


Ambalamanga : 80 cases parties en fumée

Ambohitranivo : 22 cases incendiées

Ambodinifesy : 75 cases incendiées

Antanimenalava : 20 cases incendiées

Antanamba : 80 cases incendiées

Ambinanindrano : 230 cases incendiées


Une équipe de journalistes est descendue sur les lieux, quelques jours après. Un reportage a été réalisé, qui apporte des preuves et des témoignages irréfutables: ce sont 42 policiers des Forces d’intervention de police de Mahajanga qui, pour venger deux des leurs, ont commis ces actes barbares, aggravés de tortures et de tentative de viol.


Le comportement de l’actuel gouvernement malgache est tout simplement scandaleux dans cette triste affaire. Au lieu de dépêcher une commission d’enquête dans ces mieux difficiles d’accès, il a fait aveu de culpabilité à travers le limogeage le ministre responsable par le président de la république. Et pour ces dirigeants, l’affaire semble en être restée là. Autre fait aussi incompréhensible que répréhensible: le pouvoir a bien voulu faire un geste envers ces populations qui ont tout perdu. Ainsi, il a envoyé des aides (PPN et matériels de survie) bien avant l’arrivée du cyclone Enawo. Cependant, ces aides ont été déposées près du pont de la Sofia, à 90 kilomètres d’Antsakabary. Et jusqu’à présent (mi-mars), ces aides sont toujours là, personne n’a pris la peine de trouver un moyen de les convoyer vers les villages bénéficiaires.


Mais le comble, dans cette triste affaire qui a tout de même causé la mort d’une femme aveugle de 70 ans, brûlée vive, c’est le comportement indécent du président Hery Rajaonarimampianina en personne, le 14 mars 2017, dans la région Sofia même, après un faux bond. Lu sur le site de la présidence malgache: «A Antsohihy (il a rencontré la «population» à l’aéroport), le Président de la République a annoncé la remise d’aides d’urgence, tels que du riz, et d’autres dons qui sont en cours d’acheminement. En ce qui concerne les événements malheureux d’Antsakabary, le Chef de l’État a déclaré qu’il nous faut rétablir le calme et la confiance, et que c’est le devoir de tout un chacun d’œuvrer dans ce sens et éviter d’attiser les rancœurs». Il était venu en hélicoptère mais n’a pas osé faire un détour pour survoler Antsakabary -à quelque 100 km d’Antsohihy par route-, et les villages incendiés. Et il parle «d’éviter d’attiser les rancœurs» («Lolom-po» en malgache). C’est tout simplement une attitude méprisante et méprisable envers son propre peuple. Un homicide par négligence.


Cour pénale internationale, Oude Waalsdorperweg 10, 2597 AK Den Haag, Pays-Bas

Face à ce comportement indigne d’un chef d’État, à quels saints de vouer? Ci-après une démarche pas si utopique que çà. De toute manière, l’affaire Antsakabary sera aussi versé dans le dossier déjà très chargé de Hery Rajaonarimampianina, président de la république, lorsqu’il ne le sera plus. Des preuves pour le Tribunal de l’Histoire.

Depuis le 1er juillet 2002, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale située à La Haye est entré en vigueur. L’Organisation des Nations Unies en est le dépositaire. Ces statuts fondent la compétence de la Cour ainsi que les procédures qui régissent ses actions et les peines encourues par les délinquants internationaux.

Madagascar a déposé son instrument de ratification du Statut de Rome le 14 mars 2008.

Des crimes de la compétence de la Cour pénale internationale


Eu égard à la situation actuelle et à l’incapacité de l’État malgache à apporter des solutions de justice dans cette affaire d'Antsakabary, la Cour pénale internationale pourrait être saisie sur un certain nombre de crimes relevant de sa compétence.

Ainsi, l’article 6 du statut de Rome intitulé «Crime de génocide» prévoit que le crime de génocide est entendu comme «l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national» notamment par la «soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle». La mise en place d’un système organisé, sous autorité d’État, de suppression de l’accès aux soins fondamentaux pourrait relever de cette qualification.

L’article 7 du statut de Rome intitulé «Crimes contre l’humanité» sanctionne une «attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque». Il s’agit, notamment  de «persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique» mais également d’«autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grande souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale». Ces éléments sont définis au même article en ces termes: une «attaque lancée contre une population civile» est entendue comme «le comportement qui consiste en la commission multiple d’actes visés au paragraphe 1 à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque». L’«extermination», également sanctionnée à cet article est définie comme «le fait d’imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population». Enfin, par «persécution», le Statut de Rome entend «le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ou de la collectivité qui en fait l’objet ».

Ces éléments ne sont qu’un aperçu des crimes relevant de la compétence de la Cour et une étude approfondie des statuts et de la jurisprudence pourrait permettre d’en affuter le contenu applicable à la situation grecque.

De la procédure de saisine

L’article 14 prévoit que «tout État partie peut déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et prier le Procureur d’enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient être accusées de ces crimes».

Conclusion

Le droit ne s'use que si l'on ne s'en sert pas et il a vocation à apaiser les rapports sociaux avec un idéal de justice entre des intérêts contradictoires. Le principe de présomption d’innocence que respecte la Cour pénale internationale protège les personnes qui pourraient être mises en cause jusqu’à ce qu’un jugement soit exécutable. Ainsi, il ne s’agit nullement de vouloir la sanction des personnes citées mais d’ouvrir le champ à une investigation permettant de définir s’il y a eu commission d’actes répréhensibles par la Cour dans le cas d’Antsakabary

Par extension, ce type de procédure pourrait être appliquées pour d’autres État actuellement dans des situations similaires à ce qui s’est passé à Antsakabary ou en voie de l’être.

Enfin, il faut se mettre à l’esprit, une bonne fois pour toute, ceci: la communauté internationale ne condamne jamais les causes mais toujours les conséquences.

Dossier de Jeannot Ramambazafy – 16 mars 2017

Mis à jour ( Jeudi, 16 Mars 2017 11:44 )  
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