Le sommet de Tokyo sur la Nutrition pour la Croissance (N4G) du 7 au 8 décembre 2021 offre une opportunité historique de transformer la façon dont le monde relève le défi mondial de la malnutrition.
Le Sommet arrive à un moment critique, à mi-chemin de la Décennie d'action des Nations Unies (ONU) pour la nutrition, avec seulement cinq ans pour atteindre les objectifs de l'Assemblée mondiale de la Santé (AMS) sur la nutrition de la mère, du nourrisson et du jeune enfant, et 10 ans pour atteindre les ODD (Objectifs de développement durable ou encore Objectifs mondiaux).
Ce Sommet constitue une occasion importante de pointer la communauté mondiale vers la réalisation des cibles des objectifs de développement durable – en particulier, de mettre fin à la malnutrition sous toutes ses formes d’ici 2030 et de renforcer le lien entre l’alimentation, les systèmes alimentaires et la santé. L’objectif est de galvaniser l’engagement des gouvernements, de la société civile, du secteur privé, des organismes donateurs et de l’ONU pour mettre fin à la malnutrition sous toutes ses formes.
Ci-après le discours du Président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina, prononcé le 07 décembre 2021, via liaison vidéo à partir d’Antananarivo, à cause du brusque regain du coronavirus.
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C’est un plaisir et un grand honneur, pour moi, de pouvoir prononcer ce discours, aujourd’hui, au sujet d’une cause qui nous tient particulièrement à cœur. Je tiens à saluer l’initiative du Japon pour l’organisation de ce « Sommet sur la Nutrition pour la Croissance », qui intervient dans un contexte où, plus que jamais, les populations du monde sont dans une situation de précarité alimentaire à cause de la pandémie.
Ce Sommet nous rappelle que la malnutrition est une problématique mondiale. En 2020, 811 millions de personnes ont souffert de la faim ; plus de 155 millions d’enfants ont présenté un retard de croissance par rapport à la moyenne de leur âge, les empêchant, ainsi, de se développer physiquement et intellectuellement. Cela a également un impact sur leur scolarité.
L’insécurité alimentaire a été particulièrement aggravée par la pandémie de la Covid-19 : 124 millions de personnes sont, désormais, en situation d’extrême pauvreté. L’Afrique et l’Asie sont les continents les plus touchés, avec un Africain sur cinq confrontés à la faim. Soit plus du double que les autres régions du monde. Et l’Afrique est le seul continent où, selon les projections, le nombre d’individus confrontés à la faim ne cessera d’augmenter dans les années à venir s’il n’y a pas d’actions concrètes de notre part.
Nous le savons, l’insécurité alimentaire est causée par différents facteurs, les principaux étant les conflits et le changement climatique. D’ailleurs, Madagascar est un des pays les plus durement impactés par ce phénomène. Dans le Sud de mon pays, le dérèglement climatique, qui a entrainé de graves épisodes de sécheresse et une diminution de la pluviométrie, provoquant la réduction dramatique des réserves en eau. Tout cela rend quasiment impossible toute activité de subsistance pour les familles.
En effet, le changement climatique aggrave le « kéré » ou la famine qui affecte le Sud de Madagascar depuis plusieurs décennies. Mes compatriotes de cette partie de la Grande île, subissent le lourd tribut de la crise climatique à laquelle ils n’ont pas participé. A ce jour, 1.300.000 de mes concitoyens souffrent de la malnutrition. Parmi eux, 200.000 personnes sont en phase 4, c’est-à-dire dans une situation de crise alimentaire. Près de 75.000 enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aigüe.
Face à ces chiffres alarmant, nous devons trouver des solutions plus adéquates. C’est un impératif car des millions de vies humaines sont en danger. C’est pourquoi, depuis près de deux ans maintenant, l’État malagasy mène une lutte acharnée contre ce mal.
Mesdames et Messieurs,
Pour gagner ce combat, il est essentiel de changer de paradigme et de mode d’action en développant des projets multisectoriels, aussi bien dans les domaines de l’Agriculture, de la Santé, de l’Eau, de l’Assainissement, de l’Éducation et de la Protection sociale. En ce qui concerne Madagascar, l’État malagasy a déployé plusieurs solutions pour venir en aide aux Malagasy du Sud. Parmi elles, l’organisation de plusieurs caravanes du Sud pour acheminer l’aide humanitaire en produits de première nécessité.
Également, la systématisation du transfert monétaire pour plus de 100.000 familles. Une initiative répondant aux besoins humanitaires immédiats en cette période de crise. Avec le soutien des Partenaires Techniques et Financiers, nous avons également lancé un appel-éclair à la Communauté internationale. Grâce à cela, près d’un million de personnes ont reçu une aide alimentaire, médicale et ont pu accéder à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène.
Pour venir en soutien aux élèves, mais pour lutter aussi contre l’abandon scolaire, nous avons mis en place, à l’échelle nationale, le programme de cantines dans les écoles. C’est également avec fierté que nous avons implanté, il y a quelques mois, la première usine de fabrique d’aliments nutritionnels, NUTRISUD, pour lutter contre la malnutrition infantile. L’usine produira 600 tonnes, soit 8 millions de dosettes de solution nutritionnelle destinées à l’approvisionnement des cantines scolaires.
La maîtrise démographique étant centrale dans notre stratégie d’action, un programme de planning familial sera mis en œuvre. Car, malheureusement, dans ces régions de grande précarité, on constate le jeune âge des mères : elles ont entre 16 et 20 ans, et elles ont déjà trois ou quatre voire même six enfants de bas âge. Sans ce programme, tous nos efforts seront vains.
La construction d’un grand pipeline pour alimenter en eau la région du Sud afin d’irriguer les terres, est un de nos principaux chantiers. L’eau étant source de vie, et plus que vitale, ce projet d’envergure permettra une véritable renaissance dans ces régions, dans le domaine de l’Agriculture et de l’Élevage pour créer de l’emploi et promouvoir la résilience communautaire. Les populations pourront, enfin, cultiver et vivre.
La préservation de l’Environnement et une gestion plus raisonnée des ressources mondiales, est fondamentale si nous voulons endiguer durablement la précarité alimentaire. J’appelle donc mes Homologues, les Leaders d’opinion, le Secteur privé mondial à se mobiliser en faveur de la protection des forêts, de la préservation des littoraux et la vulgarisation des énergies renouvelables et des biocombustibles en alternance au bois de chauffe et au charbon de bois.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
La problématique de la sécurité alimentaire est une urgence planétaire, pour laquelle nous devons nous mobiliser massivement. Alors, il est temps que nous unissons nos forces pour faire de la sécurité alimentaire une priorité de tous les Leaders. La lutte est encore longue, les défis sont encore grands, mais l’espoir que je place dans ces actions menées et à mener l’est encore plus.
Assurons-nous donc, chers amis, qu’à l’issue de cet évènement de haut niveau, des courants, des stratégies d’action opérationnelles, loin de la théorie, que nous pourrons déployer rapidement. Nous devons mettre tout en œuvre pour des résultats tangibles, mesurables et quantifiables afin d’enrayer la malnutrition sous toutes ses formes.
Je ne saurais conclure cette déclaration sans remercier toutes les parties prenantes et tous ceux qui ne ménagent ni leurs efforts, ni leur temps dans cette lutte contre la malnutrition.
Votre engagement est précieux et vital.
Je vous remerciement de votre attention.
Andry RAJOELINA
Président de la République de Madagascar
Liaison vidéo du 07 Décembre 2021
Transcription : Jeannot Ramambazafy