Il y a 42 ans, le 11 février 1975, vers 20h, le colonel de gendarmerie, Richard Ratsimandrava, tombait sous les balles d’un commando dirigé par Zimbo lui-même tué au cours de cette embuscade, au rond-point d’Ambohijatovo ambony Antananarivo. Il avait 44 ans. L’heure n’est donc plus à se demander QUI a tué Ratsimandrava mais POURQUOI l’a-t-on assassiné ? Depuis 2004, j’ai toujours plaidé pour un complot à base d’intérêts plus économiques que politiques. Certains avancent des noms. Voici ma propre thèse. Ma « fiction » serait-elle conforme à la réalité de l’époque ou bien Ratsimandrava n’aura été qu’un martyre de plus ? Voire...
Pas un mystère mais une conspiration
En 1975, il n’y avait pas de portables ni Internet donc pas de communications ni d’informations en temps réel. En ce temps-là , tout était quasiment permis avec cette culture malgache qui n’admet pas que l’impossible puisse se produire (le cas du Rova incendié en 1995 cassera cette croyance). Personnellement, c’est à Paris, alors jeune étudiant de 21 ans, que j’ai entendu l’assassinat de Ratsimandrava, grâce à Radio France Internationale. Cela fait donc 42 ans, aujourd'hui, que le colonel de gendarmerie Richard Ratsimandrava, chef de L’État et du gouvernement malgaches mais aussi ministre de la Défense nationale et du Plan - après que le général Gabriel Ramanantsoa lui ait remis les pleins pouvoirs, le 5 février 1975 -, a été froidement assassiné. Éléments de réouverture du dossier Richard Ratsimandrava.
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Devoir de mémoire
Les bras armés de cette élimination physique sont des membres d'un commando formé d'éléments du groupe mobile de police (GMP) dont le tristement célèbre Zimbo tué lors de cette embuscade à Ambohijatovo ambony. Actuellement, la question ne doit plus être: qui a assassiné Ratsimandrava mais POURQUOI l'a-t-on assassiné ? Qui avait intérêt à le faire disparaître de manière aussi rapide et durable ? En fait, des tas de personnes et personnalités étaient gênées par sa présence au sommet de la Nation malgache. C'est pourquoi, c'est sans ambages que j’ose écrire que conspiration il y avait. Je tiens à signaler que je n'avancerais que des hypothèses glanées à travers des investigations minutieuses, sans fioriture. Il s'agit, ici, d'un devoir de mémoire, pour que le dossier Ratsimandrava ne soit jamais fermé.
L’affaire JFK
Je prendrais comme référence de base, le « cas » du président des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy, assassiné à Dallas, le 22 novembre 1963. Le Terrien moyen ne saura jamais l'exacte vérité, étant donné qu'il s'agissait d'un complot à l'intérieur même de hautes sphères américaines. Par ailleurs, peu de gens, en Amérique et de par le monde, croient que l'assassinat de son frère, le sénateur Robert « Bob » Francis Kennedy, ait été une « coïncidence »... En effet, en 1968, Bob Kennedy se présente aux primaires, afin d'être candidat démocrate à la présidence des États-Unis contre Lyndon Baines Johnson qui assura la transition. Bob Kennedy remporte la victoire aux primaires en Californie, ce qui le conduisait tout droit à la candidature. Mais il se fait assassiner le 5 juin 1968, le soir de sa victoire, par Sirhan-Sirhan. Le film « JFK » (1991) d'Oliver Stone fait allusion à tous ces faits, à travers la réouverture du dossier Kennedy, au péril de sa vie, par le procureur de la Nouvelle-Orléans, Jim Garrison. « La plus grosse conspiration que l'Amérique n'a jamais connu », où sont impliqués la Cia, le Fbi, la mafia, les républicains, le bloc communiste de l'époque, les Cubains et jusqu'au président Lyndon Baines Johnson qui succèdera à Kennedy jusqu'en 1968 (co-listier démocrate de celui-ci en 1961, Johnson a été réélu en 1964 mais ne s'est plus présenté en 1968. Il décède le 22 janvier 1973).
Trop de groupes de pression...
Pour Richard Ratsimandrava, il est aussi impensable qu'une seule personne ait pu décider de son élimination. Mais quel était le MOBILE ? A la suite de cet horrible assassinat, a été créé un Comité national de direction militaire (Directoire militaire) présidé par le général Gilles Andriamahazo. Ci-après les diverses hypothèses à réétudier. Première piste : nommé à la tête de la gendarmerie, Ratsimandrava a commandé la répression contre l’insurrection paysanne d’avril 1971 dans le Sud de l’île, sous l’impulsion de Monja Jaona, leader charismatique du parti MONIMA et père du candidat aux élections présidentielles du 3 décembre 2006, Monja Roindefo. Les médias français avaient alors parlé de « jacquerie »… Seconde piste : nommé ministre de l’Intérieur du gouvernement Ramanantsoa, Ratsimandrava avait élaboré la doctrine du « fokonolona » comme seul cadre institutionnel et économique possible du développement à Madagascar, avec malgachisation de l'économie sans inégalité et décentralisation effective des pouvoirs. Il avait même animé une émission spéciale explicative à ce sujet sur les ondes de la radio nationale : « Ala-olana » (littéralement solutions aux problèmes). Troisième piste : depuis la colonisation, était ancrée dans les esprits la notion que le président de la République malgache ne pourra jamais être un merina, originaire des hauts-plateaux. Ratsimandrava l'était, mais de la caste « Hova » comme le Premier ministre Rainilaiarivony et non de la noblesse « Andriana » ... Quatrième piste : du long procès -une mascarade- qui se déroula sous le Directoire militaire, aucune lumière n'a été faite sur l'assassinat de Ratsimandrava. A cette époque, le général Roland Rabetafika -décédé depuis- avait déclaré : «L'assassin n'est pas présent dans cette salle...». A ce procès, Philibert Tsiranana (ancien président de la république), André Resampa (ancien ministre de l'Intérieur et vice-premier ministre) et Bréchard Rajaonarison (commandant du GMP ayant fait une reddition) étaient parmi les inculpés de « gros calibre ». Ils ont tous été acquittés. Cinquième piste : parmi les membres de ce Directoire militaire, qui a succédé à Ratsimandrava, après la période transitoire ? Et de quelle manière ?
Assassiné pour rien ?
Le 21 décembre 1975, le Directoire militaire est remplacé par un Conseil supérieur de la révolution (CSR). De nos jours (février 2017), les survivants qui ont vécu à l'intérieur même de cette « affaire » se comptent sur les doigts de la main, les autres n'étant pas tous morts de façon naturelle... Bref, beaucoup trop de groupes de pression ayant d’énormes intérêts, financiers surtout, pouvaient souhaiter voir Richard Ratsimandrava disparaître, craignant de voir leurs intérêts fortement remis en question. Actuellement, le paysage politico-social a beaucoup changé à Madagascar. Il existe sûrement, quelque part, des gens ayant des débuts de réponse précis pour axer de nouvelles recherches sur une des pistes citées. Mais oseront-ils se débarrasser de leur lourd secret pour ne pas l'emporter dans leur tombe ? Une chose est sûre alors : 42 ans après, leur silence indique que des risques mortels subsistent encore et toujours. Quoi qu’il en soit, en cette année 2017, beaucoup de personnes impliquées directement ou indirectement par cet assassinat sont décédées depuis.
Rappelons qu'en 2008, avec la nomination du général Charles Rabemananjara au poste de Premier ministre, il est apparu que Richard Ratsimandrava aura été assassiné pour rien. En effet, sous-lieutenant en 1975, le PM Rabemananjara, déjà originaire des hauts-plateaux, faisait partie du corps de la gendarmerie, comme Ratsimandrava, dont la doctrine du développement, à partir du « fokonolona » et du « fokontany », est devenue une priorité, le fer de lance du développement. Grosso modo, il s’agit de faire participer les habitants des 17.500 « fokontany » (quartiers) de Madagascar dont les chefs, nommés et non plus élus, dépendaient alors du Président Marc Ravalomanana, également originaire des hauts-plateaux et qui entamait un second mandat depuis décembre 2007. Quant aux intérêts économiques de la France, malgré leur place de n°1, avec 600 entreprises tous secteurs confondus, ils ont commencé à être durement malmenés par ceux des Anglophones et des Chinois. A ce stade, à qui profite ce crime en ce IIIème millénaire ? Je rappelle -et nombreux sont ceux qui l’ignorent- que deux gendarmes ont également trouvé la mort aux côtés du colonel Ratsimandrava, ce 11 février 1975. Il s’agit des gendarmes GP2 Bernard Rakotoarisoa et Samuel Rabotovao. Enfin, l'&pouse du Colonel, Thérèse Ratsimandrava, née Razafindramoizina, est décédée en 2002.
En 2015, l'ancien président Didier Ratsiraka, sans doute atteint de retour d'âge, avait avancé que c'était le Général Gilles Andriamahazo qui était à l'origine de cet assassinat. Or, jusqu'ici, l'Amiral rouge n'a rien trouvé à répondre aux réactions de la famille Andriamahazo (ICI).
Antananarivo, le 11 février 2017
Jeannot RAMAMBAZAFY