Avec ce coronavirus qui continue à apporter la mort au sein de l’Humanité à travers la planète Terre, beaucoup de convictions, énormément d’orgueil sont remis en cause. Tous ont peur de mourir. Mais qu’est-ce que la mort, justement ?
Lorsque tout va bien dans le meilleur des mondes, et dans son ensemble, l’être humain, simple enveloppe charnelle mortelle, ne se soucie guère de la mort. Ni même de son prochain, de toute évidence. Fils de médecin, je me suis aussi intéressé à tout ce qui touche notre corps, en lisant des documents et des observations écrites que mon père a laissé. En ce qui concerne la mort, du point de vue biologique d’abord, vous allez avoir la peur de votre… vie.
En ces temps de coronavirus mortel où la vie semble incertaine comme l’avenir immédiat, beaucoup commencent à se poser des questions sur la raison de leur existence et de leur devenir. Mais qu’est-ce que la mort ? Je ne dis pas encore : comment se présente la mort, c’est un autre sujet. Mais, je parle du mécanisme et du processus, dès lors que votre mort est constatée. En partant de la définition que vous pouvez lire sur wikipédia : la mort est « l'état irréversible d'un organisme biologique ayant cessé de vivre. Cet état se caractérise par une rupture définitive dans la cohérence des processus vitaux (nutrition, respiration…) de l'organisme considéré ».
Je parle, ici, de l’être humain. Dans le domaine de la médecine, il existe deux sortes de morts que je vous fais découvrir succinctement ci-après: la mort clinique et la mort cérébrale. Voici les différences. On parle de « mort clinique » lorsque les tests cliniques effectués (et répétés plusieurs fois) pour vérifier la mort d'une personne montrent que, simultanément, le patient n'a plus d'activité musculaire spontanée, n'a plus de réflexe (pas de réaction à la douleur par exemple), et ne respire plus. On parle de « mort cérébrale » quand un malade est en stade de coma (perte de conscience prolongée provoquée par une blessure ou une maladie) dépassé et que son cerveau ne fonctionne plus. Comme c'est le cerveau -le système nerveux- qui contrôle toutes les fonctions vitales, le patient n'est plus capable de respirer tout seul.
A présent, que se passe-t-il, au niveau de votre corps (enveloppe charnelle) lorsque vous êtes déclaré mort cliniquement ? Gardez-votre… sang-froid dans cette explication avec des termes de notre siècle. Au premier top, votre cœur est arrêté, entrainant aussi l’arrêt de votre respiration et celui de la circulation de votre sang. Trente secondes plus tard, votre corps passe en mode « économie d’énergie » car aucun oxygène ne l’alimente plus ; toute communication interneuronale est coupée. L’activité électrique de votre cerveau disparaît et vous perdez conscience. Cependant, dans un ultime sursaut, vos neurones parviennent à sortir de leur état d’inhibition et libèrent tout le reste de leur énergie qui était stockée, d’où un pic d’activité électrique soudain.
Cependant, une demi-heure plus tard, privées d’oxygène, les cellules de l’ensemble de votre corps se décomposent. Elles accumulent du gaz carbonique (CO2) dont l’acidité perce des poches d’enzymes situées dans leur cytoplasme. Une fois libérées, les enzymes digèrent les cellules de l’intérieur (autolyse). En se décomposant, les neurones de votre système nerveux central entraînent des lésions irréparables dans le cerveau. Ces cellules n’existant plus, vos organes vont lâcher un par un, en commençant par le foie, riche en enzymes. Puis ce sera le tour de votre pancréas et de vos reins. Affreux, n’est-ce pas ?
Une heure après votre mort clinique, la température de votre corps commencera à baisser de 1°C par heure en moyenne durant les premières vingt-quatre heures, jusqu’à atteindre la température ambiante. Deux heures plus tard, le calcium, nécessaire à la contraction de vos fibres musculaires, va s’accumuler dans les cellules de vos muscles car il n’est plus évacué. Tous vos muscles vont se raidir : d’abord ceux de la nuque, ensuite ceux des paupières et de la mâchoire, puis cette rigidité s’étendra graduellement, habituellement en douze heures, à l’ensemble de votre organisme.
Douze heures plus tard, le sang descendra dans votre corps par gravité et colorera la peau des parties les plus basses (bleu, pourpre). Il s’agit de la lividité cadavérique. Déshydratée, votre peau se rétractera, donnant l’impression que les ongles poussent encore. Chez l’homme, les spermatozoïdes resteront en vie jusqu’à trente-six heures après la mort. Après ces trente-six heures, les bactéries vivant dans votre corps, et en particulier dans votre intestin, ne seront plus régulées par le système immunitaire. Elles commenceront par attaquer votre système digestif puis rejoindront votre foie, votre rate et votre cœur pour enfin atteindre votre cerveau. Il leur faut environ cinquante-huit heures pour se propager dans tous vos organes. Cela se nomme putréfaction. Horrible ! Ces bactéries vont produire des gaz qui gonfleront votre abdomen, décolleront votre peau et bouffiront (du verbe bouffir et non bouffer) votre visage. Elles donneront également une teinte verte à votre cadavre (corps sans vie) qui perdra sa rigidité et deviendra flasque.
Un mois après une mort clinique, les vers peuvent digérer jusqu’à 60% d’un corps non protégé des mouches dès la première semaine. Atroce ! Le squelette apparaît alors. Dans un cercueil, la décomposition peut prendre une dizaine d’années. Enfin, deux années plus tard après un décès clinique, les os sont réduits en poussière s’ils restent exposés à la surface. Mais ils resteront conservés plusieurs millions d’années s’ils sont enterrés. Vous avez certainement vu ces films de momies qui tombent en poussière lorsque leur sarcophage est ouvert. Non ?
Voilà ce qui nous attend tous, sans exception, que nous soyons riches, pauvres, intelligents, idiots, beaux, laids, hommes, femmes ou quel que soit votre genre. Car même l’homme le plus riche du monde ne peut acheter la mort. Mais comment se présentera-t-elle à vous, un jour ou l’autre ? Parlons d’abord de causes de la mortalité. Je reviendrai sur cette histoire de « présentation de la mort » plus loin. Concernant ce volet « mortalité », faites travailler vos neurones, amis lecteurs humains (cela ne signifie pas que les chats savent lire, mais qui sait ?...), car ce qui suit est très sérieusement profond.
Nous pouvons distinguer trois sortes de mortalité : une mortalité endogène qui correspond à la façon dont s'éteindrait un groupe d'êtres humains soustraits aux aléas de l'existence et livrés aux seules forces biologiques ; une mortalité de « civilisation » due au fait que les conditions ci-dessus ne sont jamais réalisées et que les différentes formes de sociétés ont plus ou moins de moyens de « lutter contre la mort » ; une mortalité accidentelle, au sens large du terme, qui résulte de la rencontre de l'organisme avec un agent délétère imprévu. Trop intellectuel, n’est-ce pas ? Je vais vous rendre la mort plus facile à comprendre, en la classant comme suit :
Mort naturelle. Elle résulte d'un état pathologique ou physiologique -connu ou non-. La mort est naturelle uniquement si la mort violente (violence physique ou intoxication aigüe) peut être écartée.
Mort accidentelle. C’est une mort non naturelle causée par un accident tel qu'un glissement ou une chute ; une collision routière, un crash d’avion ou de train ; un empoisonnement accidentel. Les décès accidentels se distinguent de la mort par des causes naturelles et des homicides et suicides intentionnels.
Mort violente. Elle résulte d'une action violente exercée par un agent extérieur (physique ou toxique, une personne, une machine ou un produit) dans des circonstances pouvant être criminelles, accidentelles ou suicidaires.
Mort subite. Elle existe bel et bien chez l’adulte. Elle est définie comme un décès rapide, en moins d'une heure après les premiers symptômes, sans raison médicale évidente. Le cœur lâche et s’arrête de battre « comme çà  », sans raison apparente.
Mort par vieillesse. Il s’agit de cette période de la vie pendant laquelle l'homme meurt de sa mort naturelle, s'il ne succombe pas à la maladie ou à toute autre cause. L’homme s’éteint, sans souffrance, comme une bougie dont la mèche est arrivée en fin de course.
Sincèrement, c’est celle que je préfèrerais mais ce n’est pas moi qui choisis, à moins de demeurer cloitrer comme un moine bouddhiste.
Ainsi, personne ne peut choisir sa mort, sauf dans l’exception confirmant toute règle, représentée, ici, par le suicide. Mais, à mon sens, il s’agit d’un acte de lâcheté pour échapper à des responsabilités, pis d’un acte égoïste exécrable. Exemple-type : le père de famille ruiné qui, par pure honte, tue toute sa famille avant de se donner la mort. Il y a aussi le cas des déséquilibrés mentaux qui tirent sur tout ce qui bouge avant de tirer sur lui-même. Quant aux guerres armées (car il y a des guerres de nerfs et des guerres bactériologiques et mêmes virales…), et aux attentats terroristes, c’est tout simplement ce que j’appelle la mort en vrac…
Quelle que soit la nature d’une mort, parmi celles citées ci-dessus, nous croyons tous, sans exception cette fois-ci, à une force, un pouvoir invisible régissant l’univers dont nous ne sommes, humbles mortels, qu’une infime partie. Dans les trois religions principales monothéistes, on l’appelle Elohim pour le Judaïsme ; la Trinité chrétienne -Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit- pour le Christianisme ; Allah pour l’Islam. En ce qui concerne les « libres penseurs », les agnostiques et les athées (croyants sans Dieu), qu’ils ne se leurrent : ils mourront bien comme vous et moi.
Dans ces trois religions, il existe un ange de la mort nommé Azriel dans le Judaïsme ; Ezra dans le Christianisme et Izra dans le Judaïsme. Il est aussi connu sous le nom d’Azraël dans certaines traditions hébraïques, musulmanes et même sikhes. Quoi qu’il en soit, physiquement cet ange de la mort « a quatre faces et quatre mille ailes. Son corps tout entier est couvert de langues et d'yeux, dont le nombre correspond à celui des personnes vivant sur Terre. Il enregistre, sans cesse, dans un grand livre, le nom des hommes à leur naissance et les efface à leur décès, il sera le dernier à mourir » («Encyclopedia of Religion and Ethics Part 3», Kessinger Publishing, 2003). Selon certaines croyances et certaines personnes, Azraël serait également une femme dotée d’une faux de moissonneur, d’où l’autre appellation de la personnification de la mort : la « grande faucheuse ».
Et nous arrivons à la question cruciale pour chacun de nous, pauvres mortels. Y-t-il une vie après la mort (synonymes : «Après-vie», «Existence post-mortem», «Outre-tombe», «Vie dans l'au-delà », «Vie éternelle»), après que nos corps soient réduits en poussière ? Ici, tout est question de Foi et de Croyance.
Chez les Juifs, on parle de Olma Haba (Monde à venir). Il s’agit de l’une des croyances fondamentales du Judaïsme qui renvoie, pourtant, à deux concepts différents : 1. Le monde des âmes (olam haneshamot), où se trouve l'âme de l'homme, séparée de son corps après la mort, recevant la rétribution pour ses actes dans le monde des vivants ; 2. Ce monde, une fois arrivé dans sa plénitude après la venue du Messie, à la Fin des Jours (du grec eschaton)
Chez les Chrétiens, toute cette croyance à une vie après la mort se situe dans l’Apocalypse de Jean où il est aussi question de « seconde mort » pour les mécréants qui se reconnaîtront... « Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. Et Celui qui était assis sur le trône, dit :" Voici que je fais toutes choses nouvelles. " Et il ajouta: " Ecris, car ces paroles sont sûres et véritables. Puis il me dit: " C'est fait ! Je suis l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin. A celui qui a soif, je donnerai gratuitement de la source de l'eau de la vie. Celui qui vaincra possédera ces choses; je serai son Dieu et il sera mon fils. Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les magiciens, les idolâtres et tous les menteurs, leur part est dans l'étang ardent de feu et de soufre : c'est la seconde mort ». (Apocalypse 21 : 4-8).
Chez les Musulmans, il existe le barzakh, lieu où les âmes (« arwah » en arabe pluriel de « rouh ») seront regroupées. L’âme se détache du corps par l’intermédiaire d'un ange spécial dit ange de la mort. Selon l'Islam, le sommeil est considéré comme une mort. L’âme doit attendre la fin du monde et le jugement dernier. Celui-ci « surviendra alors que la terre sera une autre terre, ainsi que les cieux (Coran 14 : 48), et durera 50 000 ans ».
Pour votre culture personnelle, sachez que Thanatos est la personnification de la mort dans la mythologie grecque. De ce nom est tiré le mot thanatophobie qui est « une anxiété provoquée par l'exposition à un objet ou une situation liés à la mort. Elle se manifeste par des signes cliniques, et elle conduit souvent à un comportement d'évitement. Il s'agit d'une peur irraisonnée de la mort en général, de la mort de ses proches et de sa propre mort ».
En résumé, nous croyons tous, plus ou moins, à une résurrection. Peut-être pas du corps mais de l’esprit si… Mais rien n’y fera. La mort rend forcément toujours triste, et plus encore lorsqu’il s'agit d'un parent ou d'un proche rongé par une maladie incurable ou parti soudainement comme dans le contexte actuel du coronavirus. Cependant, il faudra bien faire son deuil puisque la vie doit continuer. Or, cela n'est pas si simple en réalité. Cependant, ce n’est plus sur la personne décédée qu’il convient de s’apitoyer mais plutôt sur toutes et tous ceux qu’elle quitte : famille, amis, connaissances… A la question : à quoi sert de vivre, je répondrais illico : la vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie ! Mais qu’en aviez-vous fait ? C’est la question la plus vitale pour la suite quelque part (mais où ?).
Et puis, il faut bien le dire : chacun est à la quête d’un sens à sa vie. Chaque individu veut trouver sa raison d’être. Pour cela, nous vaquons à des horizons divers et diversifié. Certains veulent être tous les grands ou tous les sages qui les ont devancés, sauf eux-mêmes. Que l’on veuille ou non la vie aura toujours un sens. Il n’y a pas de vie neutre. Il n’y a pas de vie vide. Chaque vie a une forme quelconque. Si, par exemple, les uns mangent pour vivre, d’autres vivent pour manger. Une sorte de définition lumineuse des misérables et des nantis.
J’ai feuilleté, il y a quelques années le testament de sœur Emmanuelle (née Madeleine Cinquin), décédée le 19 octobre 2008, à l’âge de 99 ans. Voici ce que j’y ai retenu : « L'Amour est plus fort que la mort... La mort détruit ce qui est matériel, mais ce qui est don et générosité est éternel... ». Il ne peut s’agir que d’un crédo laissant sa part à la liberté de l'Homme, lui laissant le choix de collaborer à l'Amour voulu par Dieu, ou de le refuser même définitivement (synonyme de l'enfer purgatoire). Oui, « les salauds vont en enfer ». Il s’agit aussi du titre du « Best seller » de Frédéric Dard, alias le commissaire San Antonio, adapté à l’écran par Robert Hossein. A Madagascar, les salauds en question fourmillent au sein du monde politique depuis des décennies. Ils se reconnaîtront… Maigre consolation mais consolation tout de même, de savoir qu’ils seront tous rongés par des vers comme vous et moi, un jour ou l’autre.
Enfin, amis mortels, le proverbe ci-après n’est pas dû au hasard. Loin de là  : «Si tu veux surmonter de pénibles obstacles, aide-toi, et le ciel t'aidera». (Dictionnaire des proverbes et idiotismes français, 1827). A vous de voir.
Pour clore ce dossier, je vous offre un poème bien malagasy de jadis, qui parle aux vivants, que je traduis ainsi : Ô vivants, rappelez-vous que vos jours passent ; aussi apprenez à vous aimer pour que les regrets ne surviennent pas. Edifiez le Fihavanana qui ne divise pas. Telle est la véritable sagesse, conservez-la dans la droiture.
O RY VELONA O !
O ! Ry velona O tsarovy fa mandalo ny andronao,
Koa mifankatiava ihany sao ho tonga neninao.
Fihavanana no aoka mba hajoro
Ka irina tsy hikoro
Izany no tena fahendrena
Tano mafy tsy hivena
Jeannot Ramambazafy
Dossier également publié dans "La Gazette de la Grande île" du 12.08.2020