Communication de l’ambassadeur Ramtane Lamamra, Commissaire à la paix et a la sécurité, sur la situation à Madagascar
1. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) s’est réuni, au niveau ministériel, à Dar-es-Salaam, en République unie de Tanzanie, le 22 avril 2013, pour examiner la situation à Madagascar. Dans la décision qu’il a adopté pour l’occasion, le Conseil s’est félicité des avancées enregistrées dans le processus de mise en œuvre de la Feuille de route, notamment la mise en place des principales institutions de la transition et le bon déroulement des préparatifs pour les prochaines élections présidentielles et législatives, prévues entre juillet et septembre 2013. Il a néanmoins noté que certaines dispositions de la Feuille de route n’ont pas été intégralement mises en œuvre, en particulier celles relatives au caractère neutre, inclusif et consensuel du processus de transition, aux mesures de confiance et de réconciliation nationale, y compris le respect des libertés fondamentales, l’octroi de l’amnistie, la formalisation du statut des anciens Présidents, le dégel de tous les avoirs de l’ensemble des anciens Présidents, et le retour inconditionnel au pays de tous les exilés politiques, et exhorté les acteurs politiques malgaches à redoubler d’efforts en vue de hâter la sortie de crise.
2. La période qui a suivi la décision du CPS a été marquée par la poursuite du dialogue malgacho-malgache et la décision de la Cour électorale spéciale (CES) sur la liste des candidats retenus pour l’élection présidentielle. Le dialogue malgacho-malgache a débuté le 18 avril 2013 par une réunion pilotée par le Conseil œcuménique des églises chrétiennes de Madagascar (FFKM). Il a été conclu le 5 mai 2013. Bien que ce processus entre dans le cadre de la Feuille de route, certaines des recommandations de la réunion, notamment celles relatives à une nouvelle transition et la mise en terme de la Feuille de route s’avèrent préoccupantes, d’autant plus qu’elles s’écartent manifestement du chemin suivi jusqu’ici dans le cadre du processus de sortie de crise à Madagascar.
3. Quant à la Cour électorale spéciale (CES), elle a adopté, le 3 mai 2013, une décision sur la liste des candidats à l’élection présidentielle, parmi lesquels figurent, entre autres, le Président de la Transition de Madagascar, Andry Rajoelina, l’épouse de l’ancien Président Marc Ravalomanana et l’ancien Président Didier Ratsiraka. La décision de M. Rajoelina de se présenter à l’élection présidentielle s’écarte, d’une part, de l’engagement qu’il avait pris, à la suite de la décision de M. Ravalomanana de ne pas être candidat au scrutin présidentiel, et de l’autre, de la recommandation faite par le Sommet extraordinaire de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), tenu à Dar es Salaam, en République unie de Tanzanie, les 7 et 8 décembre 2012, de persuader les deux personnalités à ne pas se porter candidats aux prochaines élections générales comme marche à suivre pour sortir de la crise. Concernant spécifiquement M. Rajoelina, il convient de souligner ici que la doctrine de l’UA prohibe la participation de personnes ayant contribué ou bénéficié d’un changement anticonstitutionnel de Gouvernement aux élections organisées pour rétablir l’ordre constitutionnel ; la Charte sur la Démocratie, les élections et la gouvernance est explicite à cet égard.
4. Il importe de souligner que l’actuel Président de la Transition, Andry Rajoelina, l’ancien Président Didier Ratsiraka et Madame Lalao Ravalomanana refusent, pour l’instant, de retirer leurs candidatures respectives pour assurer le déroulement paisible des élections et la stabilité à Madagascar, tel que demandé par le Sommet de la Troïka de l’Organe des chefs d’Etat de de Gouvernement de la SADC, tenu au Cap, en Afrique du Sud, le 10 mai 2013. Cette situation complique sérieusement le processus de sortie de crise en général, et électoral en particulier, et fait peser un grave danger sur la stabilité de Madagascar.
5. Le processus de sortie de crise à Madagascar se trouve à la croisée des chemins. Alors qu’il s’approchait de sa conclusion, les nombreux défis énumérés ci-dessus risquent de remettre en cause toutes les avancées enregistrés si on n’y prend pas garde. Il importe pour le Conseil de faire sienne la décision du Sommet de la SADC tenu au Cap et de trouver les voies et moyens de persuader les personnalités politiques malgaches mentionnées ci-dessus à renoncer à leurs candidatures respectives à l’élection présidentielle afin de permettre la poursuite du processus de sortie de crise dans un environnement apaisé. Le Médiateur de la SADC, l’ancien Président Chissano, pourrait avantageusement s’employer rapidement dans une telle action de sauvetage du processus électoral et des acquis de quatre années de transition.
Je vous remercie.
Ramtane Lamamra
Addis-Abeba, 16 mai 2013
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