Le Président Andry Rajoelina, très pensif devant le Palais de la Reine inachevé. Il parait que la pensée crée… VIDÉO DE LA VISITE ICI
VIDÉO AU TEMPLE DE MANJAKAMIADANA ICI
Lors du culte œcuménique organisé le 27 janvier 2019, dans le temple sis à proximité du Palais de la Reine, le Président de la république, Andry Rajoelina, a annoncé que les travaux concernant la finition de ce patrimoine historico-culturel malagasy, « vont reprendre incessamment pour s’achever d’ici à la célébration du 60è anniversaire du retour de l’indépendance, le 20 juin 2020 ».
Cette annonce me fait penser à celle concernant la reconstruction de l’Hôtel de ville d’Antananarivo, qui n’était pas une promesse lors de sa campagne pour devenir le premier magistrat de la Capitale de Madagascar. Incendié le 13 mai 1972, et malgré toutes les promesses de tous les dirigeants passés ; malgré tout l’argent donné par diverses entités nationales et internationales, passé à la rubrique « pertes et profits », il aura fallu attendre 36 ans pour que les choses bougent, avec l’arrivée du jeune maire Andry Tgv. En effet, celui-ci, procéda -cinq mois après son élection- à la pose de la première pierre de la reconstruction de l’Hôtel de ville, le 17 mai 2008, en l’absence totale de représentants de l’Etat dirigé alors par Marc Ravalomanana. L’inauguration officielle du bâtiment, sis avenue de l’Indépendance, a eu lieu le 11 décembre 2010, le même jour de la promulgation de la IVème république de Madagascar.
Il aura fallu deux ans, diriez-vous alors, pour reconstruire l’Hôtel de ville. Dès lors l’annonce de la finition du Palais de la Reine pour 2020 n’est-elle pas démagogique voire utopique ? Deux seuls mots font la différence : reconstruction (donc parti de rien) et finition (elle se fait à partir de quelque chose déjà existant). Et après la construction du Coliseum, du stade de rugby, des hôpitaux aux normes et des logements en location-vente, soyons assurés que le Président Andry Rajoelina n’a pas parlé en l’air en faisant son annonce, et en y précisant une date. En attendant ce mois de juin 2020, voici une rétrospective de la reconstruction de ce Palais de la reine incendié la nuit du 6 novembre 2005.
Je me rappelle qu’au lendemain de cet incendie dont la cause réelle n’est toujours pas élucidée, Nosy Rabejaona avait créé l’association Mamelomaso dont la mission reste la restauration et la valorisation du patrimoine culturel malagasy. A son actif : la restauration des 7 « Vavahady » (grandes portes rondes en pierres) sur les 16 répertoriées à Ambohimanga ; la participation à la conservation et au catalogage de la collection de l’ancien Palais de la Reine au Musée d’Andafiavatra (qui mérite aussi une attention présidentielle) ; la restauration du tombeau royal Fitomiandà lana et valorisation touristique de la colline d’Alasora… Cela dit -pour prouver que les patriotes malagasy authentiques et désintéressés, çà existe- revenons à Manjakamiadana.
D’emblée, il est temps de rectifier une méconnaissance originelle et historique reprise par nombre de personnes et de sites web censés être experts et/ou spécialistes. Ainsi, il y a les mots «Rova » et « Lapa » qu’il faut dissocier, le premier étant un ensemble où est dressé le second. La définition simplifiée du « Rova » est donc : un domaine, une place forte royale entourée d’une palissade. Quant à « Lapa », il peut signifier à la fois Palais et tout lieu ou édifice à caractère socio-culturel (« Lapan’ny Tanà na, Lapan’ny Fanatanjahantena… »). Il y a sept ans, j’avais effectué des recherches profondes qui m’ont amené à rédiger le texte très historique suivant :
Le Rova de Manjakamiadana est situé à 1.463 m d’altitude, sur la plus haute colline d’Antananarivo, Analamanga (Forêt bleue), position stratégique pour avoir une vue imprenable (encore un adjectif français au sens très bizarre ici) sur toute la plaine du Betsimitatratra et plus loin encore.
La grande porte à l'entrée principale, située au Nord, a été construite en forme d’arc de triomphe par James Cameron en 1845. Elle est majestueusement surmontée d’un faucon noir royal (« Voromahery »), entourée d’une enceinte de palissade faite de rondins de bois pointus, recouverte de briques, aménagée sous les ordres de Joseph Gallieni en 1897. Le Rova était constitué d’un ensemble de bâtiments, dont cinq palais, un temple et neuf tombeaux.
«Manjakamiadana» (signifiant littéralement : régner harmonieusement) était la résidence royale depuis le 17ème siècle, et le centre du gouvernement malgache de 1794 à 1895. Plusieurs bâtiments ont été érigés dans le grand domaine, dont le palais principal du Rova. La première construction a été entièrement en bois date de 1839, durant du règne de la Reine Ranavalona I. Jean Laborde en a été l’architecte. La poutre maîtresse du palais mesurait 39 mètres et 5.000 hommes étaient nécessaires pour la transporter de la forêt épaisse de la côte Est vers Analamanga.
En 1868, la Reine Ranavalona II décida de fortifier le palais en le couvrant de pierres dont a eu la charge l'anglais James Cameron. Dans l'enceinte du palais se dressent les Tranomanara et Tranovola. Le Tranomanara est le tombeau royal.
Le Roi Radama I fut le premier Ă s'y reposer, suivi de la Reine Rasoherina.
En 1897, la dépouille mortelle du Roi Andrianampoinimerina y a été transférée de son tombeau d'Ambohimanga pour y rejoindre celles du Roi Radama II et des Reines Ranavalona I et Ranavalona II.
La dépouille mortelle de la reine Ranavalona III était la dernière à y intégrer en 1938, après sa déportation d'Alger. Enfin, le Tranovola constituait la résidence du roi Radama II. Les autres noms du Rova de Manjakamiadana sont : Anatirova et Palais de la Reine (un non-sens pourtant largement répandu).
Peu de temps après l’incendie du 6 novembre 1995, le régime du Président Didier Ratsiraka décida de créer la DNOR (Direction Nationale des Opérations Rova) co-dirigée alors par quatre experts du ministère de la Culture. Ils avaient été chargés de dresser des plans pour la reconstruction du Palais. Dans ce contexe, l’Unesco et l’Afd (Agence française de développement), ainsi que le peuple malagasy, avaient versés de l’argent dont le montant faramineux n’a jamais été divulgué officiellement. Or, malgré des gesticulations sous forme de déblayage, les ruines sont restées ruines…
Début 2006, le Président Marc Ravalomanana créé le CNP (Comité National du Patrimoine) et de vrais travaux de réhabilitation sont entrepris. De 2006 à 2009, deux phases (modernisation des fondations de l’édifice et reconstruction des murs extérieurs) sont achevées ayant coûté plus de six millions d’euros. Sous la transition, son Président, Andry Rajoelina, a gardé le CNP et, début 2011, deux autres phases sont commencées (reconstruction de l’intérieur du palais et rénovation du musée au rez-de-chaussée), qui ont coûté à peu près quatre millions d’euros comprenant des dons de citoyens malagasy et un investissement de l’Etat.
Entre ces deux années, ce que je ne peux toujours pas comprendre, c’est la nécessité du régime Ravalomanana, d’avoir transféré les restes de six personnes, dont un roi, de Manjakamiadana vers Ambohimanga. C’était dans la nuit du 3 août 2008 et l’information a été confirmée, plus tard à la TVM, par le ministre de la Communication et de la Culture de la Transition, Gilbert Raharizatovo et le directeur du Patrimoine et des archives historique dudit ministère. Aussi bizarre qu’étrange mais Marc Ravalomanana avait bien transgressé un tabou (« Fady »)…
En novembre 2012, le Rova est de nouveau ouvert au public. Sept années après l’incendie. Cependant, si les visiteurs sont revenus, le chantier du Palais de la Reine est loin d'être achevé. En effet, il faut encore en refaire tout l'intérieur. En mai 2013, Elia Ravelomanantsoa, alors ministre de la Culture et du Patrimoine, déclare : « Nous ne savons pas quand les travaux reprendront, la priorité, c'est les élections ». En décembre 2013, Hery Rajaonarimampianina a été élu au second tour de l’élection présidentielle. Mais il n’aura vraiment rien fait pour la Culture de Madagascar en général, les travaux de finition du Palais de la Reine en particulier. C’était réellement le cadet de ses soucis...
Toutefois, le 6 novembre 2015, au Rova de Manjakamiadana même, le couple présidentiel, Hery et Voahangy Rajaonarimampianina, a honoré de sa présence la remise de 45 reproductions des tableaux brulés lors de l’incendie. Ils ont été réalisés par l’experte allemande, Roth Gangen, grâce à des photographies qu’elle avait prises sur place en 1988. Cette remise a aussi inclus dix œuvres d’artistes peintres malagasy dont Dadasamy, Ramanantsoa, et Ramanankirahana.
Le Président de la République, Andry Rajoelina, et la ministre de la Communication et de la Culture, Lalatiana Rakotondrazafy Andriatongarivo, très attentifs aux explications d’un jeune guide-historien
17 janvier 2019. Le Président de la République, Andry Rajoelina, accompagné par la ministre de la Communication et de la Culture, Lalatiana Rakotondrazafy Andriatongarivo, a visité le site de Manjakamiadana. Et c’est ce jour-là qu’il a fait l’annonce de l’achèvement des travaux de finition pour que le Palais de la Reine reconstruit puis rénové soit inauguré dans le cadre des 60 ans du retour de l’Indépendance de Madagascar. Les gars, que vous soyez ou non de mon avis, la mise sous tutelle en un ministère des domaines de la Communication et de la Culture (qui a déjà été faite sous la Transition 2009-2014) est une bonne chose. Pourquoi ? Parce que « la culture est ce qui subsiste, quand on a oublié tout ce qu’on avait appris ». Cette phrase originelle et originale, émane de l’essayiste suédoise Ellen Key (1849-1926) et non d’Edouard Herriot et encore moins d'Emile Henriot à qui l’on a toujours attribué la phrase pastichée suivante : « La culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié ». D’accord par d’accord ? Quoi qu’il en soit : Rendez-vous à Manjakamiadana le 26 juin 2020 alors !
Jeannot Ramambazafy – Article également publié dans « La Gazette de la Grande île » du mercredi 30 janvier 2019