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Affaire Villa Antoinette. En souvenir de notre cher Aimé Razafy et plus…

En faisant des recherches pour un sujet d’article, je suis tombé sur une caricature de notre Aimé Razafy national, décédé le 19 décembre 2009 à 50 ans, et qui repose dans le tombeau familial d’Ambohipo Ampahateza Antananarivo. Cet ami, ce frère, je le connaissais depuis 1988, depuis notre entrée au nouveau quotidien papier « Madagascar Tribune » qui venait alors de paraître. « Affaire villa Antoinette ». Mais que vient faire l’ancien président Didier Ratsiraka, habillé en juge dans cette caricature d’Aimé Razafy ? Un dessin à sens multiples à… dessein. Voilà l’histoire.

Le 8 juillet 1999, Roland Hubert Rasoamaharo, plus connu sous l’appellation de Lôla Rasoamaharo, souscrit un bail emphytéotique concernant un terrain jouxtant la résidence de l’Ambassadeur de France à Madagascar, à Ivandry. Un permis de construire est, par la suite, octroyé par la municipalité de la ville d’Antananarivo, pour que Lôla puisse y bâtir une villa qu’il baptise «Antoinette», en souvenir d’une parente proche… Soudain, Sophie Ratsiraka, fille chérie du président de la république de l’époque, arrive en trombe pour lui opposer un acte de vente concernant un terrain de 42 hectares sur lequel est inclus l’emplacement de ladite villa «Antoinette» (d’où le nom de l’affaire), faisant donc cette Sophie la propriétaire du lieu.

Cet acte de vente est signé du ministre de l’aménagement du Territoire et de la Ville (c’était l’appellation de ce temps-là), un certain Herivelona Ramanantsoa. Du coup, la fille à papa, sûre de son « droit », intente un procès. Mais, malgré sa situation « privilégiée », ce procès sera renvoyé à trois reprises. Le troisième et dernier round avait été mené en 2001 par le regretté Me André Randranto. Ayant piloté la défense avec une maestria peu commune, il infligea une défaite retentissante à cette fille du Président Didier Ratsiraka. Celui-ci en a trois, Olga, Annick et, donc, Sophie, plus un fils, Xavier.


Il faudra attendre la chute du Président Ratsiraka pour que le droit reprenne… droit de cité pour faire vaincre la vérité et la justice. Le 1er mars 2002, Julien Reboza devient ministre de l'Aménagement du Territoire dans le premier gouvernement nommé par Marc Ravalomanana, devenu président. Le 21 mai 2002, le ministre Reboza signe un arrêté qui n’est autre que « l'annulation du titre de vente sous conditions résolutoires, approuvé le 10 octobre 2000 au profit de Mme Sophie Ranaivo Ratsiraka », sur un terrain dépendant de la propriété «Villa Antoinette ». Le même arrêté constate que le titre accordé à Mme Sophie Ranaivo est « entaché de vice de forme et de vices de procédures ». L'article 3 stipule que « le terrain visé revient dorénavant au domaine privé national ». De quoi s’agit-il ?

C’est la loi n° 60-004 du 15 février 1960, modifiée par l’ordonnance n° 72-031 du 18 septembre 1972 (J.O. n°872 du 11.11.72, p. 3001) qui est relative au domaine privé national dont la définition se trouve à l’article premier, qui dit : « Le domaine privé national s'entend de tous les biens et droits mobiliers et immobiliers qui sont susceptibles de propriété privée en raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée ». Voilà. Dommage qu’Internet n’en était qu’à ses balbutiements à Madagascar à l’époque. Mais gageons que Lola a une copie de l’acte de vente de Sophie La Marquise… Didier Ignace est-il responsable des frasques de sa seconde fille chérie ? Passons.

Ainsi, l’acte de vente signé par Herivelona Ramanantsoa a été résilié légalement par son successeur, Julien Reboza. A cette époque donc, l’Etat de droit semblait être de retour et la corruption n’avait pas encore de Bianco, de PAC ni de tout le tralala, inutile jusqu’à preuve du contraire, si l’on se réfère au cas «d’anciens ministres» du régime Hvm dont la procédure pour les amener devant la HCJ (Haute cour de Justice) a été retardée pour la énième fois. Et si Didier Ratsiraka était resté président de la république ?... Alors, Aimé Razafy aurait eu raison à travers sa caricature…


Mais l’histoire ne saurait en rester là et je ne sais pas si cela s’appelle de l’ironie ou de la volte-face mais une autre villa, par la suite, a fait l’objet d’une même tentative mais sans Aimé Razafy. Je veux parler de la « villa Elisabeth » ou plus exactement du terrain où se trouve cette habitation allouée au Président Zafy Albert en tant qu’ancien chef d’Etat. Pour votre culture personnelle, voici les origines de l’appellation : Villa Elisabeth (Elizabeth en anglais), encore située à Ivandry Antananarivo. Il s’agit du nom de l’ancienne résidence britannique à Antananarivo. Baptisée Elisabeth en l'honneur du couronnement, le 2 juin 1953, de la Princesse Elizabeth Alice Louise, devenue, dès lors, Sa Très Gracieuse Majesté Elizabeth II, Dei Gratia Regina, Reine du Royaume-Uni. Ainsi, la Villa Elisabeth est devenue un monument national car faisant partie des patrimoines historiques de l’État. Vouloir la vendre est un acte antipatriotique, une haute trahison envers la Nation malagasy toute entière.

Début octobre 2017, l’affaire « Villa Elisabeth » fait la Une des journaux. Il est annoncé que l’Etat, ou plus exactement le régime Hvm du président Hery Rajaonarimampianina, a vendu à un tiers la Villa Elisabeth sans même en avoir avisé l’occupant au préalable. Une notification indique que « le Pr Zafy Albert doit libérer sa résidence d’ancien chef d’Etat avant janvier 2018 ». Après l’annonce de cette soudaine et terrible nouvelle, le Pr Zafy, 90 ans, est victime d’un AVC (Accident Vasculaire Cérébral). Evacué d’urgence à l’île de La Réunion, il y meurt le 13 octobre 2017… Interrogés sur cette vente, des responsables à la Direction du Patrimoine de l’État, ont avancé une excuse tirée vraisemblablement du moulin de la bêtise : « A notre connaissance, c’est le terrain qui a fait l’objet d’une vente et non les bâtiments qui  y sont construits ». Information irresponsable venant de parfaits irresponsables…


Le ridicule n’ayant plus jamais tué personne et, dans cette affaire a atteint son summum lorsque l’État, ancien propriétaire  qui a bradé son bien, a demandé au nouveau propriétaire de lui octroyer 700 m2 du terrain pour y construire une maison  à deux étages pour le compte du ministère des Finances et du Budget (Mfb) (la construction avait bel et bien commencé et on peut la voir de la route). Une demande accordée par le propriétaire, le 13 septembre 2017, qui lui cède gratuitement  la surface voulue qui a retrouvé son ancienne appellation  de «Saint Antoine ».


En fait, dans cette histoire qui a entrainé et précipité la mort du Pr Zafy Albert,la transaction avait été signée le 24 janvier 2014 (la veille de la prestation de serment du président Hery Rajaonarimampianina) par le gérant de la Société Mada Terrain 0321, et aussi promoteur de la très destructrice entité « Tany Gasy » (3.600 victimes d’escroquerie de promesse de vente de terrain), Herilanja Gérald Ramangasoavina -fils unique indigne du renommé avocat Alfred Ramangasoavina qui fut vice-Président de la 1ère république- et par le Vice-Premier Ministre chargé de l’Aménagement du territoire  de l’époque qui n’était autre que… Julien Reboza. Incroyable, n’est-il pas ?


Si Herilanja Gérald Ramangasoavina, malgré un mandat d’arrêt lancé contre lui, en 2018, court toujours, Julien Reboza, pour sa défense, a affirmé avoir signé le document « par inadvertance » : «Voasonia tsy nahy ny fivarotana ny villa Elisabeth». A son niveau, cela signifie se foutre de la gueule des gens, tout simplement. Que signifie « vu et approuvé » au-dessus de sa signature ? Dire qu’il avait été juste, droit et protecteur de la veuve et de l’orphelin en 2002. Mais qu’est-ce qui fait donc changer les anges en démons, ici-bas ?


Où en est-on, à présent, de cette affaire « Villa Elisabeth » ? Aux dernières nouvelles, qui remontent bien avant la pandémie de coronavirus, le Bianco a bouclé ses enquêtes. Rendues publiques, cela donne : quatre personnes impliquées, qui sont : l’ancien Vice-Premier Ministre en question, un ancien Directeur général des services fonciers, un autre employé des services fonciers et le promoteur immobilier, en cavale depuis maintenant plus de trois ans.


Parmi ces personnes, trois ont été placées sous mandat de dépôt : l’ancien Dg des services fonciers, Hasimpirenena Rasolomampionona ; le conservateur et l’autre employé des Domaines. Et puis plus rien. Certes, depuis, les travaux de construction du bâtiment destiné au Mfb ont été suspendus.

Mais doit-on s’attendre à un rebondissement « inédit » vu que plus personne ne parle de cette affaire-là ? Et jamais deux sans trois : après Antoinette et Elisabeth, à qui le (mauvais) tour ? Aimé Razafy doit bien rigoler dans sa tombe.

Jeannot Ramambazafy - Dossier également publié dans "La Gazette de la Grande île" du Samedi 21 novembre 2020

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Mis à jour ( Dimanche, 22 Novembre 2020 10:05 )  
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