Notre société, chacun, y compris nous peut-être, est malade de manque d’amour vrai. Ce n’est pas nouveau. Le problème de cette carence et de cette incompréhension a deux origines profondes :
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1. la dimension humaine, parce qu’on ne sait pas aimer son prochain (nous sommes tellement tournés sur nous-mêmes), parce que nous ne savons pas accepter qu’on nous aime (l’orgueil nous aide en cela) et puis peut-être n’avons-nous pas été aimés;
2. la dimension divine : nous avons du mal à percevoir que Dieu est amour, car dans ce que nous estimons relever de sa responsabilité il semble faillir. Cela nous semble incompatible de parler de l’amour de Dieu alors même que la souffrance est partout. Cela est lié à notre incompréhension de son amour.
On trouve dans ce texte le plus beau verset biblique sur l’amour de Dieu ; et il affirme que cet amour est si parfait qu’il est bien difficile de le cerner. Il en parle – un peu mystérieusement – en prenant des images. Ainsi il parle des quatre dimensions de l’infini. Comment pouvoir donner des dimensions à l’infini… ? Il y a là toute l’incompréhension entre un Dieu que l’on ne peut comprendre et un Dieu qui s’est fait connaître à nous, un dieu qui s’est fait homme. L’infini a revêtu quelque chose de notre dimension.
Pourquoi Paul insiste-t-il sur cet amour de Dieu ? Pour que, dans sa vie, chacun découvre la plénitude de Dieu et qu’ensuite cet amour se traduise en actes et en paroles (Éphésiens 5v1-2). Et comme le problème du manque d’amour vient certainement d’une mauvaise connaissance de l’amour de Dieu, Paul en fait le centre de sa réflexion.
La largeur de l’amour de Dieu :
Voyons le contexte: le passage, qui a conduit Paul à parler de l’amour de Dieu, traite de l’élargissement du salut. Jusqu’à la venue de Jésus, ceux qui étaient sauvés étaient presque uniquement des juifs, le peuple choisi. Mais en Jésus-Christ, Dieu offre à chacun cette possibilité: du nord au sud, de l’ouest à l’est, tous ceux qui se tourneront vers Dieu seront sauvés. La grâce de Dieu se manifeste en ce qu’il a envoyé son Fils pour témoigner de cette dimension de son amour: il sauve sans distinction de race, de sexe, de condition sociale. « Les païens participent à la même promesse en Jésus-Christ par l’Évangile » (Éphésiens 3v6).
Comment pouvons-nous à notre tour vivre cette dimension de l’amour selon la Bible ?
Il est normal que nous manifestions le même intérêt pour tous, pour le peuple d’Israël comme pour ceux du monde entier : par notre prière, notre intérêt, nos dons. Il est nécessaire que nous gardions vivante cette vision de Dieu pour tous ; une vision nombrilique ne reflète pas l’amour de Dieu.
Dans nos relations personnelles, l’indifférence peut nous gagner ; certaines idéologies (le rejet de certains, le racisme) peuvent être les nôtres. Dans la parabole du Bon Samaritain, Jésus dévoile l’attitude des religieux qui étaient connus comme racistes (Luc 10). Jésus savait s’intéresser à chacun, aussi bien au jeune homme riche qu’au mendiant aveugle, à une prostituée qu’à un percepteur qui trafiquait avec l’argent. L’acceptation de cette dimension de l’amour de Dieu résoudrait en grande partie le problème du racisme.
L’amour du Seigneur est sans limite ; il ne dépend pas de l’apparence de celui qui s’approche de lui.
La longueur de l’amour de Dieu :
« Bien avant de poser les fondations du monde, Dieu nous avait choisis pour que nous soyons saints et sans reproche devant lui » (Éphésiens 1v4) : la longueur de l’amour de Dieu se manifeste dans le temps.
Déjà Dieu avait affirmé envers Israël : « Je t’aime d’un amour éternel, c’est pourquoi je te conserve ma bonté » (Jérémie 31v3). « Avec un amour éternel, j’aurai compassion de toi, dit ton Rédempteur, l’Éternel » (Ésaïe 54v8). Dieu est amour dans la Bible.
- Il nous aime depuis toujours ; malgré la présence du péché, il a tout préparé pour nous combler de ses bienfaits. Cela est réconfortant pour un enfant de savoir que ses parents l’aimaient même avant qu’il arrive dans la famille ; il sait que cet amour n’est pas lié à son bon comportement mais qu’il est un amour inconditionnel.
- Dieu nous aime constamment : son amour ne varie pas selon ce que nous sommes. Il nous aimera toujours, demain comme aujourd’hui. Certitude ! Nous ne sommes pas à la merci de ses sentiments fluctuants. Dieu est fidèle dans son alliance. Le malheur vient de ce que nous faisons un Dieu à notre image, donc changeant. Non, Dieu ne change pas.
Qu’est-ce que cela devrait entrainer dans notre comportement ? Il nous faut parler de persévérance, de volonté, être pénétré de l’engagement que nous avons pris d’aimer, sans nous relâcher. Mais cela m’aide à le vivre quand j’ai compris comment Dieu m’a aimé et continue à m’aimer, malgré tout… Il est presque bon ton aujourd’hui de zapper, d’être girouette, d’aimer, de ne plus aimer (et donc de ne pas se marier officiellement, par exemple) ou d’oublier d’aimer en étant indifférent ; un rappel : si nous sommes chrétiens, le fait d’aimer chacun, déjà dans l’Église où nous sommes, n’est pas quelque chose de facultatif ; et ça, c’est plus difficile à admettre et… à vivre.
Les problèmes de culpabilité pour le chrétien viennent de l’oubli de la longueur de l’amour de Dieu : il m’aime d’un amour inconditionnel. Les problèmes de relations dans une Église viennent de cet oubli de la longueur de l’amour que nous devons manifester.
Nous sommes appelés à regarder vers Dieu et à vivre unis à Christ : comme Dieu nous a aimés et nous aimera toujours, nous pouvons aimer de la même manière, être pénétrés de son amour, cet amour qui ne change pas (Éphésiens 5v2).
Nous avons besoin d’accepter que Dieu nous aime de cette manière, nous avons besoin que les autres continuent à nous aimer malgré… ; eux aussi ont besoin que nous les aimions malgré leurs défauts, et cela dans la persévérance.
La hauteur de l’amour de Dieu :
« C’est par la grâce (= l’amour immérité de Dieu) que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi ; cela ne vient pas de vous de vous, c’est le don de Dieu » (Éphésiens 2v8). C’est en effet d’une façon parfaitement libre, sans être contraint par quoi que ce soit, que Dieu a fait une alliance d’amour. Il ne nous est redevable en rien. C’est un amour gratuit et qui ne dépend de rien qu’il offre. Cette dimension de son amour parle de sa souveraineté.
Quant à nous, que reflétons-nous dans notre vie de tous les jours ? Peut-être nous rendons-nous compte que notre amour est facilement conditionné par l’attitude des autres ; cet amour n’est pas si libre que ça, en fait ! Nous aimons celui qui nous aime, ou qui est aimable, au moins. En définitive, cet amour dépend de l’autre. Nous aimons dans la facilité, ou dans un esprit de justice, ou par intérêt. Comme quand une poudre de lessive ne nous donne pas satisfaction et que nous en prenons une autre.
Quoi de plus normal, selon notre réaction humaine, d’être indifférent à la sortie du culte vis-à -vis des personnes qui ne nous ont rien donné, ou rien donné d’agréable, ou qui sont indifférentes envers nous… ? Mais nous le savons, l’habitude de l’indifférence est terrible ; plus que la puissance de l’amour ? Jésus disait à ses disciples que le fait de n’aimer que ceux qui les aimaient était une attitude que même les collecteurs d’impôts (réputés pour leur malhonnêteté) avaient ; « si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens n’agissent-ils pas de même ? Votre Père céleste est parfait ; soyez donc parfaits comme lui » (Matthieu 5v46-48).
La hauteur de l’amour de Dieu se manifeste dans sa liberté souveraine et gratuite.
La profondeur de l’amour de Dieu :
« Autrefois, nous vivions selon nos désirs d’hommes livrés à eux-mêmes et nous accomplissions tout ce que notre corps et notre esprit nous poussaient à faire. Aussi étions-nous, par nature, destinés à subir la colère de Dieu comme le reste des hommes. Mais… Dieu est riche en bonté ! Aussi, à cause du grand amour dont il nous a aimés, il nous a fait revivre avec le Christ » (Éphésiens 2v3-5). La profondeur de l’amour de Dieu s’appelle le pardon. Et il n’y a pas de péché, de faute qui ne soit pardonnable par Dieu pour celui qui vient à lui (parce que la liberté souveraine de Dieu n’exclut pas notre liberté et notre responsabilité).
Le pardon de notre Père céleste est plus grand que le poids de nos péchés. Dieu affirmait par Ésaïe : «Si vos péchés sont rouges comme de l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige» (Ésaïe 1v18). « Que le coupable revienne à l’Éternel qui aura compassion de lui, à notre Dieu qui ne lasse pas de pardonner » (Ésaïe 55v7). La profondeur de l’amour de Dieu va jusqu’au plus profond de notre misère. Mais il ne peut nous forcer (sinon ce n’est pas l’amour) : on est libre de l’accepter ou de le refuser. Mais il est un amour qui transforme.
La profondeur de l’amour de Dieu se voit en Jésus-Christ, «lui dont la condition était celle de Dieu, il n’a pas estimé comme une proie à arracher d’être égal à Dieu, mais il s’est dépouillé lui-même en devenant semblable aux hommes» (Philippiens 2v6-7) ; « il s’est humilié, jusqu’à subir la mort, oui, la mort sur la croix » (v8). La profondeur de l’amour de Dieu révèle un Dieu qui s’approche, s’identifie à nous. Par amour, il a accepté de tout perdre et d’être mis au rang des malfaiteurs. C’est le dernier échelon qu’on puisse atteindre. Et là encore, mieux que n’importe où, c’est l’amour de Dieu qui se manifeste.
Si nous avons compris et accepté de quel amour Dieu nous aime, si son pardon nous a transformés, alors il est normal de le vivre autour de nous ! Comment cela se fait-il que nous n’acceptions pas de pardonner, nous dont les fautes ont conduit Jésus à la croix… ? Ou alors nous n’avons pas pénétré l’amour extraordinaire du Seigneur pour nous parce que nous n’avons pas pris conscience de notre état de pécheur.
« Pardonnez-vous réciproquement comme Dieu vous a pardonné en Christ » (Éphésiens 4v32).
En résumé – Dieu est amour dans toutes ses dimensions :
- la largeur de l’amour de Dieu = le salut pour tous ;
- sa longueur = de toute éternité et pour toujours ;
- la hauteur = il est libre et gratuit ;
- sa profondeur = jusque dans notre misère.
En fait, tout cela a été pleinement manifesté à la Croix de Jésus-Christ.
Que par notre vie son amour déborde. La condition ? Que nous soyons unis à lui.
Pasteur Jean Ruben Otge
Pasteur à Agen, Jean Ruben est décédé le 27 mars 2019 d’une tumeur du cerveau. Ceux qui l’ont connu et côtoyé garderont le souvenir d’un grand homme de Dieu qui était intègre, loyal, humble, patient, aimant et artisan de paix en toutes occasions. Ils gardent déjà le souvenir d’un papy Ben tellement joyeux et plein d’amour pour tous ! Son amour pour notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, jusqu’au bout de sa vie doivent rester un exemple et un modèle pour nous tous.
« La mort n’est, pour un enfant de Dieu, que l’ordre qui le délivre de la prison et l’introduit dans la maison du Roi ». Samuel Porchère
« Il y a un temps pour pleurer et un temps pour rire, un temps pour les chants de deuil et un temps pour les danses joyeuses ». Ecclésiaste 3:4