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Dans un entretien exclusif à « La Croix », le vendredi 5 juin 2009, le président de transition de Madagascar, Andry Rajoelina, affirme son souhait d’un rapprochement avec la France et n’exclut pas d’être candidat à la prochaine présidentielle
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Le président de la HAT, Andry Rajoelina et Laurent d’Ersu à Iavoloha, le 5 juin 2009
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La Croix : Vous présidez la Haute Autorité de transition, qui dirige Madagascar depuis la chute du président Marc Ravalomanana le 17 mars. Comment envisagez-vous les prochains mois ?
Andry Rajoelina : Que veut le peuple ? Il veut un changement, car il a constaté des dérives dans la façon de gérer le pays et surtout une confusion entre des intérêts personnels et ceux de l’État. L’ancien président de la République a démissionné par voie d’ordonnance, en confiant le pouvoir à un directoire militaire, qui me l’a par la suite transmis. Avant d’accepter ce pouvoir, j’ai demandé à la Haute Cour constitutionnelle si cette procédure était valable, et elle l’a validée.
Maintenant, c’est le gouvernement de transition qui dirige Madagascar. Cette transition aura plusieurs étapes. Pour que le changement soit effectif, il faut amender la Constitution, organiser des conférences régionales et nationale pour connaître les souhaits de la population, soumettre un nouveau texte à référendum et organiser au plus tôt des élections libres, transparentes et équitables.
La communauté internationale demande que ces élections aient lieu avant la fin de l’année. Qu’en sera-t-il ?
Notre souhait est d’organiser un référendum et des législatives avant la fin de l’année si les conditions le permettent, c’est-à -dire si l’on arrive à bien dresser la liste électorale et à organiser des élections vraiment dans les règles de l’art. Quant à la présidentielle, cela dépendra de l’aide internationale. S’il est faisable de dresser la liste électorale définitive au plus tôt, elle pourra se tenir avant la fin de 2009. Sinon, en fonction des conditions climatiques, il reste possible d’organiser un scrutin jusqu’en mars 2010.
Vous venez d’avoir 35 ans et, selon la Constitution en vigueur, vous êtes trop jeune pour pouvoir vous présenter à l’élection présidentielle. Souhaitez-vous que cette règle soit modifiée ?
Il ne faut pas changer la limite d’âge en fonction d’une personne. Il faut regarder plus loin. Faut-il une limitation ? Si demain la population voulait voir un jeune diriger le pays, va-t-on le bloquer ? Et si l’on instaure une limite d’âge, ne faut-il pas se pencher sur l’âge du président en exercice ? Les fonctionnaires partent à la retraite à 60 ans : ne pourrait-on pas imaginer que les candidats n’aient pas plus de 60 ans ? Ce sont des sujets sur lesquels nous consulterons la population.
Vous avez déclaré à plusieurs reprises que vous ne seriez pas candidat à la prochaine présidentielle. Le confirmez-vous ?
Pour le moment, je pense qu’il est prématuré de donner une réponse. Cela dépendra de la Constitution et du souhait de la population. Celle-ci a voulu instaurer un changement à Madagascar, et on l’a fait. Candidat ou pas, je suis persuadé que je participerai toujours au développement de Madagascar.
Marc Ravalomanana vous a récemment accusé d’être une « marionnette de la France », pays qui chercherait à « asservir » son ancienne colonie. Que lui répondez-vous ?
Depuis le début de la crise, l’opposition a dit que j’étais la marionnette du président Ratsiraka (au pouvoir de 1973 à 1993 et de 1997 à 2002, NDLR). Aujourd’hui, qui peut prétendre que c’est le cas ? L’amnistie le concernant n’est pas acquise. Si j’étais la marionnette de Ratsiraka, il y a longtemps qu’il aurait dû être rentré au pays ! Je suis indépendant, libre dans mes engagements. Il n’y a pas de mal à avoir de bonnes relations avec tel État ou tel chef d’État. De là à dire que je suis une marionnette, c’est un mensonge infondé.
Estimez-vous que, durant son mandat, Marc Ravalomanana a fait preuve d’ostracisme envers la France, notamment sur le plan économique ?
Le règne de Marc Ravalomanana a été celui des monopoles économiques et des exclusivités dans les relations internationales. Tout le monde a constaté que la France, pour ne citer qu’elle, avait été mise de côté. Nous sommes prêts à travailler avec la France, et je ne vois pas de mal à dire cela. Il y a une longue histoire entre la France et Madagascar. Nous sommes prêts à travailler avec elle comme avec tous les autres pays.
Vous vous êtes rendu récemment en Libye, au Sénégal et en France, mais la communauté internationale ne reconnaît pas votre pouvoir. Pensez-vous que cette reconnaissance puisse intervenir avant des élections ?
La transition est un fait. En ce sens, on n’a pas besoin d’être reconnus, on n’a pas besoin de déclaration de qui que ce soit. Tout le monde est conscient que Madagascar doit passer par là . La plupart des chefs d’État en Afrique et ailleurs dans le monde sont conscients de la situation.
Recueilli par Laurent d'Ersu, Ã Antananarivo (www.la-croix.com)
Photo : Jeannot Ramambazafy