Ignace Rakoto
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Au début des années 1970, il a été notre professeur d’histoire des droits des institutions à l’EESDEGS (Ecole d’enseignement supérieur de droit, d’économie, de gestion et de sociologie) à Ankatso. C’est lui qui nous a fait découvrir les « vady be », « vady kely » et autres « vady masay »… des histoires de concubinages traditionnels malagasy. Notre professeur comme feu Me Jacques Sylla qui nous a enseigné le droit commercial dans le même établissement. Dieu que çà remonte à très loin tout çà et je me sens réellement vieillir. On dit que « tant qu’il y a de vie, il y a d’espoir ». Mais quel espoir ? Celui de vous enterrer tous ? Avec moi en vie, en tout cas, personne ne vous oubliera… Aussi passer ce qu’il vous reste de temps sur terre à faire le bien. La vie est extrêmement courte. Et ce n’est pas un avis mais un constat réel et réaliste.
Où étiez-vous dans les années 1970 ? Je ne parle pas de ces petits idiots qui n’étaient pas encore nés et qui perpétuent le culte de la personnalité et des biens matériels. Plus longtemps je vis, plus ils comprendront que je ne suis pas n’importe qui écrivant n’importe quoi. En tout cas, je parle de ceux qui ont vécu la belle époque malgache -années 1960-1970- et qui sont encore parmi nous. C’était le temps de la discipline, de l’auto discipline, du respect de l’autre, du civisme, du sens de l’honneur, de la fidélité et de la loyauté. A quel moment les citoyens malagasy ont-ils perdu tout cela en même temps ? Après notre combat de mai 1972 récupéré par les politiques. Des connards qui ont réussi à paupériser le pays à outrance pour leur intérêts personnels et familiaux. Ils ont oublié qu'un linceul n'a et n'aura jamais de poches. Hélas, depuis, ce que nous vivons, actuellement, dans la Grande île, n’est vraiment pas beau à … vivre.
Monsieur Rakoto était une idole à nos yeux : il avait un charisme certain et une allure de vedette de cinéma. Toutes les nanas de l’époque étaient bien amoureuses de lui… Si, si, si. Il vient de nous quitter, le dimanche 22 décembre 2013, à l’âge de 73 ans. Il a atteint l’âge biblique, celui des Sages pour qui la mort ne sera jamais une fin mais le début d’une autre vie. Ailleurs.
Je ne pourrais pas aller l’enterrer car il sera enseveli le jour de la Noël à Mananjary. C’est loin d’Antananarivo (cherchez sur une carte). Pour lui rendre hommage, voici sa biographie car on ne dit jamais "mortaugraphie", çà n'existe pas et n'existera jamais. A moins de revenir de l'au-delà .
BIOGRAPHIE DE MON PROFESSEUR IGNACE RAKOTO
Historien juriste, maître de conférences à l’Université d’Antananarivo, Ignace Rakoto est né en 1940 à Mahanoro. Il a préparé son baccalauréat au collège Saint Michel d’Antananarivo, puis a passé ses examens de licence en droit à la Faculté de droit d’Antananarivo.
En 1969, ses fonctions de répétiteur de malgache à l’Institut national des langues et civilisations orientales, à Paris (Langues O’) et de chercheur vacataire au Laboratoire d’anthropologie juridique de la Faculté de droit, Panthéon-Sorbonne, lui ont permis de préparer et d’obtenir un diplôme d’études supérieures en histoire du droit et des faits sociaux, avec publication de son mémoire intitulé : Parenté et mariage en droit traditionnel malgache (PUF, Paris, 1971).
A son retour à Madagascar en 1970, il enseigna à la Faculté de droit d’Antananarivo (devenue EESFEGS) et co-publia l’ouvrage: Corpus d’histoire du droit et des institutions (Institut géographique national FTM, Antananarivo, 1975 ; réédité en 1995). Il a été nommé Doyen de la Faculté de droit, d’économie, de gestion et de sociologie en 1975, puis a exercé des fonctions ministérielles à partir de 1977. Il a été Ministre de l’Enseignement Supérieur de 1984 à 1991. Il était ce que j’appellerai un « ratsirakiste modéré ».
Jusqu’à son décès, il collaborait à l’Institut de civilisations - Musée d’art et d’archéologie, à Isoraka (Antananarivo). Il a dirigé la publication de deux ouvrages: L’esclavage à Madagascar : aspects historiques et résurgences contemporaines (Institut géographique national FTM, 1997) et La route des esclaves. Système servile et traite dans l’Est malgache (L’Harmattan, Paris, 2001).
Après avoir donné plusieurs conférences sur l’Histoire de la magistrature et de la justice à l’Ecole nationale de la magistrature et des greffes d’Antananarivo, il a publié un Recueil de jugements des tribunaux à Madagascar (1841-1896) (Institut de civilisations, Antananarivo, 2006). En 2011, avec Gracy Fernandez et Nelly Rakotobe, il a co-publié « Les mythes d’un tabou », un ouvrage qui traite des jumeaux maudits chez les Antamboahoaka dont est issu Ignace Rakoto. Enfin, en 2012, il était membre du Conseil pour la réconciliation nationale (CRN), considéré comme un Conseil de Sages... A mon sens, Monsieur Rakoto était un homme bien et il a laissé des archives... historiques (c'est le cas de le dire) pour la postérité. Mais un jour, tôt ou tard, il faut quitter cette vallée de larmes dues à certains imbéciles qui se prennent pour Dieu…
En tout cas, je suis heureux de l’avoir connu, même de manière « décalée ». Au nom de l’équipe de madagate.org et en mon nom personnel, je présente toutes mes condoléances à la famille d’Ignace Rakoto. Qu’il repose dans une éternité paisible méritée. Et comme toujours -c’est devenu une tare dans nos contrée ma parole !-, le Conseil des ministres de ce 23 décembre 2013, a décidé de l’élever, à titre posthume, au grade de Commandeur de l’Ordre National de Madagascar.
Jeannot Ramambazafy – 23 décembre 2013