Alors que le « grenier à riz de l’océan Indien » va, pour la troisième année consécutive, se retrouver sous les eaux, grâce à la colère cyclonique divine, que rien n’a été fait pour endiguer ce fléau naturel et annuel, voilà -t-il pas qu’un projet totalement déplacé pour un des pays les plus pauvres du monde, a été mis à jour.
Rappelons-nous de ce conseil des ministres du 11 mars 2015 où il était question de la construction d’ « un tour » (écrit au masculin donc dans le communiqué suivant):
Et c’est vraiment ce qui s‘appelle avoir de la suite dans les idées et tant pis pour le peuple, çà lui apprendra à l’avoir choisi, il ne va pas se gêner. Et avec l’extrait ci-dessus, il (Hery Rajaonarimampianina, évidemment) n’osera jamais dire que ce n’est pas son projet. Mais sait-on jamais avec une créature qui ignore ce que parole donnée veut dire… Et voilà qu’il est passé du « grenier à riz de l’océan Indien » à la « Tour la plus haute de tout l’océan Indien ».
Pour qui est destinée cette construction sortie droit de l’imagination d’un architecte malgache dénommé Andriamanalina Mamitiana? Lisez attentivement :
C’est carrément profiter de sa position de président de la république pour investir et faire investir, non pas pour le développement du pays mais pour encore et toujours vouloir s’enrichir sur le dos du peuple malgache grâce au suffrage universel. Comment peut-on nommé un tel personnage sinon un mégalomane et sournois dictateur ? Sous ses airs de pantin sauteur débitant des phrases qui ne le convainquent même pas lui-même, se cache une âme aussi noire que le fond du chaudron du diable. Voici le dossier complet de ce projet qui va faire des Malgaches des étrangers dans leur propre pays.
« Suntower, la Tour la plus haute de tout l’Océan Indien »
Un scandaleux « projet présidentiel » occulte
500.000.000 euros au bas mot. Tel serait, estimé par des connaisseurs en investissement immobilier, le coût de réalisation du « Suntower de Tananarive », désigné par le slogan du projet comme étant « la Tour la plus haute de tout l’Océan Indien ». Une faramineuse opération, purement commerciale et privée, dans laquelle Hery Rajaonarimampianina, si l’on s’en tient aux documents qui circulent sur le sujet en ce moment, serait impliqué à titre personnel. Un « projet présidentiel » occulte (car inconnu du ministère concerné) d’autant plus scandaleux que le terrain sur lequel il est implanté, appartenant à l’Etat, aurait été cédé à un (ou des)particulier(s) pour les besoins de la cause. Au-delà , il faut se demander si un tel projet constitue réellement une priorité pour un pays classé parmi les plus pauvres du monde et s’il ne vient pas, au contraire, comme une insulte à la misère d’une population en détresse.
D’emblée, le dossier commercial du projet, celui publié dans le blog « tana-suntower.blogspot.com », annonce la couleur: au milieu de la page de présentation trône la photo de Hery Rajaonarimampianina, judicieusement insérée entre la carte de Madagascar et une maquette représentant l’imposant immeuble. A la lecture des arguments avancés sur cette page, il apparaît que le Chef de l’État malgache n’y figure nullement en tant que simple caution morale. En effet, le document parle du « nouveau Président » et d’ « entrepreneurs locaux prêts à investir» qui, « tous ensembles ont participé à la conception et à la construction » de l’immeuble dont il est question. On l’aura compris : le chef de l’État malgache est donc parmi les têtes pensantes de ce faramineux projet. Un autre document interne, classé « confidentiel », sur lequel nous avons pu mettre la main, laisse penser que Hery Rajaonarimampianina n’est pas seulement le promoteur mais est aussi un des premiers investisseurs potentiels dans ledit projet.
Il faut savoir en effet que le « Suntower de Tananarive » est une de ces opérations commerciales immobilières consistant à vendre sur plan de futures constructions. Dans ce cadre, le dossier confidentiel intitulé « Stratégie commerciale » cite comme toutes premières cibles du projet « les personnalités politiques qui sont régulièrement appelées au pouvoir par les différents régimes ». Et qui, de surcroit, « voudraient investir avec discrétion et pouvant influencer d’autres personnalités à faire de même ».
Pascal Viltart, spécialiste de l'immobilier de luxe, qui s'occupe du marketing
Investissements faciles…
Et on comprend mieux maintenant pourquoi le portrait du Président de la République - la première personnalité politique du pays - illustre les premières pages de présentation du projet. Ce n’est qu’après que viennent, comme cibles prioritaires, les grands opérateurs économiques « à la recherche de placements », suivis en troisième et dernière position, des « hauts fonctionnaires » de l’Administration « occupant des poste techniques de direction  qui souhaitent investir en vue d’augmenter leur patrimoine ». Un ciblage qui s’apparenterait plutôt à une offre d’opportunité de blanchiment de capitaux. Effectivement, on inciterait les potentiels acquéreurs à ne pas considérer les prix exorbitants, parce que de toutes les façons, le retour d’investissement est« estimé à …119% après seulement quatre ans, soit 595.000 USD (environ un milliard huit cent millions d’ariary) avec un ajustement de 7% par an par rapport au taux de change et une valorisation du bien de +20% compte tenu de l’emplacement ». Bref, un véritable investissement facile, où les personnalités cibles, prioritairement les politiciens, pourront rentabiliser leurs gains sans le moindre effort.
A qui diable appartient ce terrain?
Selon toujours le document confidentiel, ces personnalités politiques, principaux profils cibles du projet, devraient raisonner comme suit« je veux ce qui est rare quel que soit le prix, je veux des choses nouvelles, ma décision influence, je veux l’inaccessible, je veux qu’on voit ma différence, je veux qu’on parle de moi, je n’aime pas être ignoré, je n’aime pas être concurrencé, j’aime être copié. Je dois placer mon argent, je suis capable d’avoir ce que je veux, j’ai tous les moyens, j’aime appartenir à une classe privilégiée ». Cette vérité bien malgache, tristement célèbre, selon laquelle la politique est la source de richesses la plus fiable tend ainsi à se confirmer. Les prix proposés sont scandaleusement élevés, 500.000 euros pour un appartement de 4 pièces faisant au total 178m2, et 380.000 pour un appartement de deux pièces, totalisant 108m2. Au dernier étage se trouveront « 2 penthouses » de 280m2, au prix de 1.000.000 euros de chaque.
Mais comme le dit fièrement le document confidentiel, « les acquéreurs auront absolument besoin d’acheter les produits » (sic).
Une Tour d’Ivoire
Mais le trafic d’influence qui entache la réalisation de ce projet est flagrant lorsque l’on sait que le terrain sur lequel l’immeuble sera implanté, appartenant à l’État et mis à la disposition du ministère des Travaux publics, a été cédé à des particuliers dans des conditions qui restent à expliquer. Une cession qui, quelle que soit la procédure adoptée, ne s’explique guère. Car, si tant il est vrai que l’État n’avait plus besoin du terrain (ce dont on doute), au lieu de s’en dessaisir, il aurait très bien pu le faire fructifier davantage et d’une manière pérenne en s’impliquant dans le projet dans le cadre d’un partenariat 3P. Quoi qu’il en soit, cette privatisation du terrain d’Alarobia vient confirmer, s’il en était encore besoin, que le projet « Suntower de Tananarive » est purement privé et de ce fait, l’implication du Chef de l’État, à quelque titre que ce soit, dans sa réalisation est pour le moins déplacée, pour ne pas dire suspecte. « D’aucuns trouveront choquant une telle réalisation », a d’ailleurs conclu le blog du projet dans sa page de présentation.
On reprochera certainement au Président de la République la priorité (la livraison du building est prévue début 2018) qu’il accorde à ce projet relevant de la mégalomanie. Le building comptera 42 étages dont 35 réservés aux habitations avec 140 appartements, un bâtiment de 36.000 m2, un parking souterrain de 4.500 m2, un plateau commercial de 4.400m2, 3.900m2 de bureaux et 2 salles de cinéma.
Un énorme bla bla. Mais deux ans après, la crise perdure et les Malgaches se sont appauvris, tandis que les entrepreneurs locaux ne savent plus à quel saint se vouer. La mégalomanie est apparue au grand jour. Gare à la dictature qui va passer au turbo!
Beaucoup d’ironiser que « Suntower, la plus haute tour de tout l’Océan indien » n’est que la concrétisation par Hery Rajaonarimampianina de la tour d’Ivoire dans laquelle il s’est enfermé. A l’heure où, selon les chiffres officiels, l’écrasante majorité des Malgaches vivent sous le seuil de la pauvreté et que certains même, notamment dans le Sud, sont à l’article de la mort.
LE SAVOIR-FAIRE D'UN ARCHITECTE MALGACHE
Jeannot Ramambazafy et un collectif de journalistes d’investigation