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Madagascar. De la malédiction des ressources aux malédictions politiques…

« Malédiction des ressources » (« Resource curse »), « malédiction des matières premières ». Pour de nombreux pays d'Afrique, ces mots constituent à la fois un mauvais augure et une situation inéluctable. Ils résument également tout le paradoxe que tant d'observateurs peinent à expliquer et à accepter : pourquoi des pays africains dotés d'autant de richesses naturelles que le Nigeria, la République Démocratique du Congo ou Madagascar, pour ne citer qu'eux, sont-ils également voués à une pauvreté endémique ?

Le capital naturel de Madagascar -comprenant forêts, aires protégées, terres agricoles, ressources halieutiques et minières-, représente l’essentiel de la richesse du pays (plus de 50%, sans même tenir compte des ressources minières). Malheureusement, les infrastructures sont déficientes (le pays a une des plus faibles densités au monde de routes par nombre d’habitants), mal entretenues, et la main-d’œuvre, bien que représentant un potentiel important, est, pour le moment, relativement peu qualifiée.

Certes, Madagascar dispose de sources d’eau potable et d’un potentiel hydroélectrique majeur. Cependant, ces atouts sont mal gérés, et les déficits en matière d’énergie et d’accès à l’eau potable et l’assainissement sont flagrants et vécus au quotidien. Il paraît alors difficile de projeter le développement économique et social harmonieux d’un pays sans accès à des sources d’énergie et à une bonne gestion des ressources aquatiques (y compris l’assainissement). Les ressources minérales, bien qu’encore mal connues, constituent un autre point fort non négligeable. Et l’installation de deux grands projets miniers a modifié le panorama du secteur (Ambatovy et Rio Tinto représentent à eux seuls plus de 8 milliards de dollars d’investissements, soit l’équivalent de presque la moitié du revenu national).

Les potentiels d’exploitation existent, et des compagnies internationales sont en phase d’exploration et de prospection d’autres ressources... Mais, le gouvernement doit rester vigilant de manière à s’assurer que les revenus générés par ces activités ne deviennent pas une tentation pour les opérateurs et les politiciens, aggravant les risques de détournement et de mauvaise utilisation. Le développement de Madagascar repose, pour le moment (Ndlr : année 2013), sur une gestion efficace mais prudente du capital naturel dont il dispose, afin qu’il puisse être efficacement transformé en capital productif et humain et appuyer un développement durable. Toutefois, l’efficacité de cette transformation dépend de la bonne gouvernance des ressources naturelles. Madagascar doit éviter en particulier la «malédiction des ressources», un paradoxe caractérisé par une plus faible croissance économique et une plus forte propension aux conflits dans les pays riches en ressources naturelles, comparé aux pays où celles-ci sont moins abondantes.

La malédiction des ressources reflète surtout la difficulté de gouverner le secteur des mines. Il existe des failles dans le cadre légal et institutionnel malgache qui ouvrent la porte à la corruption, une mauvaise gestion, ou un mauvais partage des recettes publiques issues du secteur minier. Mais qu’est-ce que la malédiction des ressources ?

L’origine de ce fléau, car c’en est un, repose sur plusieurs explications économiques et politiques :

• La sur-dépendance de l’économie aux exportations de ressources naturelles (ressources minérales et pétrole en particulier) se traduisant par une plus grande vulnérabilité aux risques de change et à la volatilité des prix des commodités ;

• La vente des matières premières crée une dynamique de captation des rentes, donnant lieu à des luttes internes déstabilisantes (par exemple : les rentes générées par la vente de bois précieux génère de la corruption et financent des activités illicites) ;

• Le « syndrome hollandais » : l’appréciation de la monnaie locale suite à l’entrée massive de devises, nuisant ainsi à la compétitivité des autres secteurs d’exportation.

Au-delà de la difficulté liée au degré de technicité nécessaire pour rétablir un cadre de gestion favorable, juste et efficace, le secteur minier attire aussi des convoitises et provoque des tentations d’appropriation de la rente. La révision des « contrats » miniers est un exemple où le secteur est victime d’une gestion impulsive destinée à générer un maximum de bénéfices immédiats au détriment du bien public et/ou du long terme.

Bien qu’il est normal qu’un gouvernement puisse chercher à ajuster le régime fiscal pour les projets futurs, il est tout aussi crucial, paradoxalement, de ne pas fragiliser les projets en cours de développement qui entrent à peine en production et n’ont pas encore généré de profits. De telles actions ne seraient que préjuger d’un succès qui ne peut être acquis avant plusieurs années, et pourrait engendrer des conséquences catastrophiques sur le climat des investissements et sur la stabilité juridique. Dans le même temps, le gouvernement doit faire face aux attentes croissantes de la population vis-à-vis des retombées du secteur des mines.

Les uns voient dans le développement des grands projets miniers une opportunité tant pour l’emploi que pour les affaires, les autres une menace sur l’environnement ou l’inflation. Les populations riveraines, en majorité pauvres et rurales, se sentent «déshéritées» et réclament naturellement leur part des bénéfices. Voyez le cas du projet « Base Toliara », voyez ce qu’il en est de Kraoma, une société d’État, avec un Directeur général et un ministre qui, en moins d’un an, ont démontré leurs limites de compétence, en regard de la redevabilité sociale face à cette « malédiction des ressources » pourtant évitable et même éradicable. Si… Pour résister à l’opportunisme dans la gestion des ressources minérales, il faut une ferme volonté politique, un engagement fort de la part des autorités et un renforcement de la redevabilité sociale. L’enjeu principal du secteur minier consiste à maximiser sa contribution réelle à l’économie et au développement, en améliorant le niveau de collecte des recettes fiscales, ainsi qu’en assurant leur utilisation optimale et la bonne gouvernance du secteur.

Dans ce contexte, Didier Julienne, stratège des ressources naturelles, va plus loin ayant déclaré que : « (…) Contrairement à des représentations académiques tenaces, le doute existe à propos de cette malédictions des matières premières : pour chaque Venezuela il y a une Norvège, pour chaque République Démocratique du Congo  il y a un Chili ; le pétrole ou le cuivre qui y sont produits sont quasiment les mêmes, les prix internationaux respectifs qui régissent leurs échanges sont identiques et pourtant des pays réussissent mieux que d’autres. Les marasmes économiques existent aussi sans l’irruption des matières premières, ces dernières ne sont coupables d’aucune malédiction, elles n’y sont pour rien !

Réalité de terrain et théorie académique divorcent, « la malédiction des matières premières » reste une aimable excuse cachant des malédictions politiques : celles d’une succession de dirigeants aux dépenses déréglées, abusives et non désireux de consacrer les mannes énergétiques, métallurgiques ou agricoles au pays. C’est pourquoi, invoquer une malédiction des matières premières pour expliquer une récession économique est ambiguë, voire quasiment une erreur de pédagogie. Il importe également de relever la carence répétée de la matière première politique indispensable pour outrepasser la malédiction : le courage, une ressource humaine inégalement distribuée pour combattre l’imprécation.

Qu’elles soient minières ou bien du bois de rose, les ressources naturelles ne sont pas les coupables à Madagascar. Au contraire, à l’égal d’autres pays, la Grande Ile souffre de la malédiction politique ordinaire qui se dissimule derrière l’ambiguë malédiction des mêmes matières premières.  Les atermoiements malgaches à propos de la modernisation du code minier y ressemblent ; ils semblent parfois être une excuse du temps qui passe, et l’on s’interroge : la politique malgache a-t-elle le courage d’éliminer sa malédiction pour mettre en valeur de manière raisonnée les ressources du pays? Sinon le danger est bien répertorié : une population durablement désespérée de l’accaparement, de la corruption, du clientélisme et du despotisme engendrant misère, malheur, pauvreté et malnutrition, adoptera, in fine, révolte et violence ».

Rappelons que Didier Julienne est l’auteur de nombreux rapports sur les métaux critiques, les mines, l'énergie, les stratégies et politiques minérales nationales, les stocks stratégiques, Didier Julienne a été dirigeant dans des groupes européen, américain et russe spécialisés dans les ressources naturelles.

En cette année 2020 qui tire à sa fin, « The song remains the same »... La malédiction politique frappe encore et frappe dur, mettant K.O. la « majorité présidentielle » à l’Assemblée nationale. Dans la PGE (Politique générale de l’État) figure la lutte contre la corruption avec une tolérance zéro. Je vais simplifier la situation. Certains anciens ministres ont publiquement été reconnus auteurs de crime de détournement de deniers publics et vente de domaines appartenant à l’Etat. Certes, la Haute cour de justice (HCJ), censée les sanctionner, a été mise sur pieds sous le régime Rajaonarimampianina. Mais avec, cependant, un article d’une loi qui bloque net la volonté d’en finir avec cet autre fléau que constitue la corruption. Il s’agit de l’article 46 de la loi N°2014-043 relative à la Haute Cour de Justice, qui stipule que « la résolution de mise en accusation est adoptée au scrutin public et à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale ». Déjà, cela signifie que les députés ont la possibilité légale d’être juges et parties. Merci à la HCC de Jean Eric Rakotoarisoa qui a donné un enfant à son « pacte de responsabilité » inexistant pour sauver Hery Vaovao de la déchéance au cours de son mandat-éclair vraiment maudit. Membres du pouvoir législatif, les députés n’ont-ils pas pour rôle de proposer des lois et de contrôler le pouvoir exécutif ? Non, car à présent, semble-t-il, ils sont à la fois législateurs-gendarmes ET complices-protecteurs des voleurs. Quelle malédiction, n’est-ce pas ?

Avec cet article 46 de la loi N°2014-043, il faut donc que 76 députés, sur les 151, adoptent la résolution de mise en accusation. Hélas, pour la énième fois, depuis le début de ce mois de décembre 2020, seuls 51 députés ont répondu présent pour en finir avec cette corruption endémique qui mine Madagascar. Ainsi, comme la majorité absolue n’est donc pas atteinte et comme le veut cette loi, qui est dure dans le mauvais sens mais c’est la loi, la prochaine session aura lieu en mai 2021. Cela signifie-il vraiment que la « malédiction politique » a frappé ? Voyons la situation en gardant la tête froide. Ces anciens ministres n’ont pas volé une poignée d’ariary mais ils ont détourné des milliards d’ariary. Qu’importe la présomption d’innocence : leurs actes sont prouvés et leurs noms ont même été cités. Seulement, ils ont les moyens d’acheter ce (et ceux) qu’ils veulent (et qui le veulent). Surtout en cette veille de la Nativité et de la Nouvelle année, synonymes de Fiesta… Il paraît que tout s’achète. D’autres, sentant le vent tourné, ont déjà pris la poudre d’escampette malgré une IST (Interdiction de sortie du territoire) bien établie mais inutile face à cette facette de la « malédiction politique ». Aussi, le Président Andry Rajoelina lui-même, face à cette défection qui lui échappe au nom du principe de la séparation des pouvoirs, doit revoir sa copie de « majorité ». Même dans la prochaine composition du Sénat. Il a dû avoir des échos de certains députés qui ont osé déclarer qu’ils « ne sanctionneront pas leurs amis politiciens ». Les électeurs eux-mêmes se sont sentis piégés par ces irresponsables. Mais où sont les autres « miaraka amin’i Prezidà Andry Rajoelina » ?

L’occasion faisant le larron (Souvenons-nous du « confinement » bien rémunéré, à l’hôtel « Le Paon d’Or » à Ivato, de certains députés, tout un week-end avant l’annonce loupée -et pour cause !- de la déchéance du président Rajaonarimampianina à Tsimbazaza), la seule parade contre ce genre d’article pro-corruption (qui satisfaisait bien les anciens tenants du pouvoir), est de l’extirper à travers un referendum et une excellente communication pour le pourquoi de la démarche. Sinon, les trois années qui restent aux tenants du pouvoir actuel à Madagascar, risquent de ne pas être de tout repos avec des parlementeurs girouettes pour quelques ariary de plus. Attention, ce n’est pas une catégorie humaine en voie d’extinction, bien au contraire… Je n’accuse personne, mais un proverbe malagasy dit : « Na amboako na amboan’olona rehefa vandana : kary ». Signification : Que ce soit mon chien ou celui d'un autre, le chien qui est tacheté est un chat sauvage. En d’autres termes plus clairs : chassez le naturel, il revient au galop. Enfin, sachez qu’en malagasy, malédiction se traduit pas « ozona ». Dia sanatria ve voahozona daholo isika mianavaky ? Là, il faut vous faire traduire…

Jeannot Ramambazafy - Egalement publié dans "La Gazette de la Grande île" du samedi 19 décembre 2020

Sources : Banque mondiale in « Madagascar: Pour un dialogue sur les enjeux de développement », juin 2013 ; Didier Julien : « Malédictions, misères, malheur : Madagascar », in « Les Echos » du 19 août 2016 ; Assemblée nationale et Haute cour constitutionnelle de Madagascar

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Mis à jour ( Samedi, 02 Janvier 2021 07:05 )  
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