Africa Intelligence ? En allant sur Wikipédia vous saurez qu’il s’agit d’un « ensemble de cinq lettres confidentielles, publié en français et en anglais qui se donne pour mission de décrypter l'actualité des pouvoirs économiques et politiques du continent africain ». Mais qu’est-ce qu’une « lettre confidentielle » ? Voici la définition selon toujours Wikipédia, l’incontournable encyclopédie libre en ligne, lancée par les Américains Jimmy Wales et Larry Sanger le 15 janvier 2001, il y a 20 ans : « Une lettre confidentielle est une publication de presse destinée à un public averti et restreint. Les lettres confidentielles visent des thèmes économiques et géopolitiques stratégiques ».
A Madagascar, Honoré N. Razafindramiandra, ministre de la Culture, des Communications et des Loisirs, au début des années 1990, avait bien lancé une publication dénommée « Confidences au Sommet » qui fit… sensation car dévoilant certains travers de dirigeants malagasy. Mais elle a disparu avec sa propre disparition, le 29 avril 1996, pour des raisons, disons, de manque de convictions et parce que le scoop n’était pas du tout à l’abri de poursuites judiciaires à l’époque. Pour en revenir à Africa Intelligence, elle est la propriété de la société basée à Paris, Indigo publications, créée en 1981 par Maurice Botbol, un Français né à Séfrou, au Maroc, il y a 70 ans, et qui vient de mettre son fils Quentin, 33 ans, de formation en ingénierie énergétique, au poste de directeur de publication, c’est-à -dire responsable devant la Justice des éventuelles plaintes et autres réclamations concernant les publications d’Africa Intelligence.
Actuellement, Maurice Botbol demeure le Président-fondateur (comme le prononce Mamane sur Rfi) d’Indigo Publications, comptant 970 abonnés. C’est bien peu mais tous ces curieux paient entre 1 et 7 euros l’article censé être inédit. Mais rien qu’avec ces gogos, le chiffre d’affaires réalisé par Indigo Publications, avec un effectif compris entre 20 et 49 salariés, s’est élevé, en 2019, à 4.891.100 euros, pour un capital social de 42 803,20 euros ! Eh oui. Effectivement, en France, ils n’ont pas de pétrole mais ils ont des idées.
Quel est donc le parcours de ce journaliste qui n’a que peu mis en pratique l’investigation pour privilégier le sensationnel, souvent ne reposant que sur des bruits de couloir entendus par ses propres abonnés ? Oui, il est précisé qu’Africa Intelligence ne cite pas ses sources. Mais est-ce un scoop ? Pas besoin d’être sorciers pour savoir d’où viennent les… scoups bas.
C’est à 22 ans que Maurice Botbol sort diplômé du Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ) de Strasbourg. Puis, durant presqu’une décennie, il fera ses armes dans plusieurs journaux : «Dernières Nouvelles d’Alsace», «L’Est Républicain», «Le Quotidien de La Réunion», île où il a été correspondant du journal «Le Monde». Il a également été « grand reporter » au Proche-Orient et en Afrique, anglophone surtout. D’ailleurs, au tout début de l’année 1978, il publie un petit guide de 64 pages, rédigé en français, intitulé : « Afrique australe: Afrique du Sud, Botswana, Lesotho, Namibie, Rhodésie (Zimbabwe), Swaziland, Transkeï ».
En juillet 1981, Maurice Botbol crée donc Indigo Publications. Indigo car, pour lui, c’est la couleur de l’Océan Indien, « là où nous avons commencé. Mais c’est aussi une plante de l’Inde, et cela se prononce de la même manière, dans les deux langues [français et anglais] ». Journaliste d’investigation depuis plus de 40 ans, moi, Jeannot Ramambazafy, je me souviens d’un journalisme plus sérieux du temps de Francis Soler (à ne pas confondre avec l’architecte du même nom). De 1990 à 2014, ce confrère était le premier responsable de La lettre de l'Océan Indien (LOI), constituée d’une série de dépêches couvrant l'actualité de l'Océan Indien dans les domaines suivants : Politiques et pouvoir ; première ligne ; en coulisse ; affaires et réseaux ; entreprises et who's who. Francis Soler, était un journaliste assez correct. Ainsi, à propos de la société Bioneex (LOI n°1333 du 26 mai 2012), c’est volontairement qu’il a apporté un rectificatif et a reconnu ses torts comme suit. Pour éviter le droit de réponse, sans doute, et d’éventuelles poursuites…
Bionexx
Lettre de l’Océan Indien du 9 juin 2012 (Extraits) :
Suite à notre brève (Ndlr : article très court) sur la société Bionexx (LOI nº 1333), spécialisée dans l'exploitation et la collecte de plantes médicinales et naturelles, son PDG, le Français Charles Giblain, nous a écrit en indiquant que ces informations étaient erronées. Concernant l'augmentation de capital de 2 milliards d'ariary (760.000€), celle-ci est déjà ancienne et non à venir, comme nous l'indiquions. Par ailleurs, Giblain est toujours PDG de la société et n'a pas été remplacé par son adjoint Cyrille Zebrowski, comme nous l'avait fait croire, à tort, l'absence du PDG à la dernière assemblée générale de la société, mi-avril (…).
Actuellement, LOI a été engloutie dans Africa Intelligence qui publie au quotidien, dès 5h GMT. Dans une interview pour E-PaperWorld (EPC), fin 2009, Maurice Botbol avait annoncé la couleur… de l’euro, concernant «Indigo Publications, l’aventure africaine» : « Nos premiers clients, ceux à qui on s’adresse en priorité, sont les autochtones. On ne s’adresse pas aux français ou aux américains qui ont envie de savoir ce qui se passe du côté de l’Afrique. Le défi est de fournir à partir de Paris de l’information exclusive aux gens qui sont sur place ». Ainsi donc, l’esprit mercantile a laissé la place au journalisme qui devient comme suit, selon ce Maurice Botbol -il existait au Maroc un Maurice Botbol, inspecteur des Institutions israélites. Mais comme on dit, en langue malagasy : « ny anarana tanim-boanjo », n’est-ce pas- : « Il faut être très réactif, car on pense avoir un scoop, mais quelqu’un d’autre peut avoir dégainé plus vite ! ». Donc, pour Maurice Botbol, l’important est de publier sans aucun recoupement, l’urgent est d’attirer des gogos avec des mots jamais lus ailleurs. Mais que peut-il faire en effet, sinon inventer -et non fournir- de l’information exclusive car, à partir de Paris, à 10.000 kilomètres d’Antananarivo ! Un non-sens par excellence. Et c’est fou, mais dans la même interview, il le reconnaît lui-même : « Le modèle de la lettre confidentielle remonte au XIXème siècle. Entachée d’une bien mauvaise répuÂtation, c’était un organe d’influence politique avec son côté rumeurs, intoxication, propagande, etc. ».
Mais en ce XXIème siècle, la priorité est au commerce, au mercantilisme même. Ainsi, selon Maurice Botbol : « Il ne faut pas oublier qu’il faut gérer non pas une audience, mais des clients qui ont une exigence au niveau de la qualité du service. Il faut également prospecter ces clients, et les convaincre de payer ». Question de EPC : C’est donc un travail de commercial ? Réponse de Président Fondateur d’Africa Intelligence : « Tout à fait ». Exit donc tout ce qui a été appris au CUEJ de Strasbourg, surtout à propos des enquêtes et des recoupements. L’important est de balancer un scoop vu et lu nulle part ailleurs ; attiser la curiosité des gogos pour 6 euros. Et ça marche à merveille ! Surtout que durant toutes ces années, les plaintes n’ont jamais été proportionnelles au nombre de déformations des faits, d’amalgame, d’insinuations et d’accusations gratuites pour revenir, de ce fait, à l’atmosphère de rumeurs, d’intoxication, de propagande façon XIXème siècle «botbolisé».
Pourtant, en 2012, c’est du Maroc natal que Maurice Botbol va essuyer sa première confrontation avec le non-respect du journalisme au profit du sensationnel. L’histoire :Hassan Bouhemou, alors Président de la SNI (Société nationale d’investissement) un holding de la famille royale du Maroc, a fait assigner Maurice Botbol en sa qualité de directeur de la publication de l’hebdomadaire Maghreb Confidentiel et du site internet, ainsi que la Sarl Indigo Publications, éditrice de l’hebdomadaire, en raison de la parution et de la mise en ligne, le 12 mai 2011, d‘un article intitulé « Maroc. L’ex-patron de Taqa accuse Hassan Bouhemou » comportant des propos qui constituent le délit de diffamation publique envers particulier (…). Il soutient que les propos poursuivis, dépourvus de nuance, sans réserve ni précaution lui imputent d’avoir été impliqué dans des opérations illicites, consistant à avoir, en sa qualité de principal animateur du festival Mawazine, reçu un montant de 5 millions de dollars par an de la part de la société Taqa en vue d’obtenir l’autorisation de procéder à l’extension de la centrale d’électricité de Jorf Lasfar et que cette imputation, qui s’appuie sur des faits mensongers, porte atteinte à son honneur et à sa considération. Il constate que les défendeurs n’offrent pas la preuve de la vérité des faits et considère que le bénéfice de la bonne foi ne peut leur être accordé, aucun des quatre éléments constitutifs de cette exception n’étant réuni (…).
Le 19 novembre de cette année, le tribunal de Grande instance de Paris a rendu le jugement suivant :
LE TRIBUNAL, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
REJETTE la demande de rabat de la clôture ; JUGE que les propos retenus dans l’article intitulé « Maroc. L’ex-patron de Taqa accuse Hassan Bouhemou » publié dans l’hebdomadaire MAGHREB CONFIDENTIEL n° 971 et mis en ligne sur le site internet le 12 mai 2011 sont constitutifs de diffamation publique envers particulier;
CONDAMNE in solidum Maurice BOTBOL, en sa qualité de directeur de la publication, et la SARL INDIGO PUBLICATIONS à verser à Hassan BOUHEMOU 1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral;
REJETTE la demande de publications;
CONDAMNE in solidum Maurice BOTBOL et la SARL INDIGO PUBLICATIONS à verser à Hassan BOUHEMOU la somme de deux mille euros (2.000 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile; DIT n y avoir lieu à exécution provisoire du jugement;
CONDAMNE in solidum Maurice BOTBOL et la SARL INDIGO PUBLICATIONS aux entiers dépens de l’instance.
Fait et jugé à Paris, le 19 Novembre 2012
Le Greffier.
Cette condamnation a été prononcée bien que Maurice Botbol et la Sarl Indigo Publications aient exposé ceci : « L’hebdomadaire Maghreb Confidentiel est une publication à diffusion restreinte, destinée à un public professionnel ; que le demandeur est un acteur économique important au Maroc et qu’il appartient au cercle des familiers de Mounir Majidi, lequel est le secrétaire particulier du roi Mohammed VI. Ils soutiennent que l’équipe journalistique de Maghreb Confidentiel a opéré un travail d’investigation sérieux, les informations publiées ayant été vérifiées, qu’elle s’est efforcé en vain de joindre Hassan Bouhemou dont il est établi qu’il évitait les contacts avec les médias depuis les manifestations du 20 février 2011, que les informations données dans l’article ne procèdent d’aucune animosité particulière, s’agissant d’un débat d’intérêt général portant sur le monde financier marocain de sorte qu’ils demandent, au titre de la bonne foi, le débouté de Hassan Bouhemou et la condamnation de ce dernier aux entiers dépens (…) ».
Comme quoi, rien n’est jamais acquis en matière de poursuite pour diffamation publique lorsqu’on fait primer le sensationnel, l’obsession de vouloir « être très réactif, car on pense avoir un scoop, mais quelqu’un d’autre peut avoir dégainé plus vite ! ».
Puis, survint l’affaire Alassane Ouattara. De quoi s’agit-il ? Le 07 janvier 2021, le journal français « Le Figaro » met à sa Une : Le président ivoirien perd un procès en diffamation contre un journaliste en France ». Mais qu’en est-il exactement?
A la suite de la publication d’une brève intitulée : «Côte d’Ivoire – Ouattara fait exploser les fonds souverains», publiée le 30 août 2017 dans un bimensuel devenu actuellement le quotidien Africa Intelligence, Alassane Ouattara, Président de la république de Côte d’Ivoire, avait porté plainte en France. Dans cet article, il est rapporté que le Président Ouattara «bénéficiait» d’un fonds souverain de 342,6 milliards de francs CFA soit 521 millions d’euros, «en hausse de 20 milliards par rapport à 2015», une «enveloppe budgétaire» dans laquelle il pouvait «d’autant mieux puiser à sa guise» qu’elle était «directement gérée par son frère, le ministre des affaires présidentielles, Birahima Téné Ouattara». Le chef de l’état ivoirien avait alors estimé que ces propos «lui imputaient par insinuation de se livrer à un détournement de fonds publics, avec la complicité de son frère». Il contestait les chiffres avancés comme étant un «amalgame inexact de plusieurs rubriques budgétaires».
Dans son jugement, rendu 07 janvier 2021, un tribunal de Paris a estimé que les propos étaient bien diffamatoires mais que les prévenus devaient être relaxés au bénéfice de la bonne foi. Ce qu’a stipulé réellement ce tribunal est ceci :«Les propos poursuivis sont diffamatoires envers Alassane. Il a relevé plusieurs termes qui «imputent au président de la République d’utiliser dans son intérêt et selon son bon vouloir des fonds d’un montant conséquent […] composés d’argent public». «Il est par ailleurs insinué qu’il a augmenté le montant de ces fonds dont il use sans contrôle, son frère étant opportunément chargé de leur gestion en tant que ministre des Affaires présidentielles», a précisé le juge. Il a ainsi conclut qu’il est effectivement «porté atteinte à l’honneur et à la considération» d’Alassane Ouattara puisque le comportement déÂcrit «s’apÂparente à l’infraction de déÂtournement de fonds puÂblics».
Mais d’un autre côté, le même tribunal a souligné que l'article s'inscrivait dans un « débat d'intérêt général » et que le journaliste disposait d'une « base factuelle suffisante » pour publier les propos. Il a aussi relevé le « ton modéré » utilisé « à l'exception de quelques termes critiques », qui « demeurent adaptés à la ligne éditoriale » de la publication. Serait-ce l’application de l’expression « couper la poire en deux » qui émane d’un souci de… justice ? Mais attention : entre compromis et compromission, il n’y a que quatre lettres… Qu’en a pensé Me Pierre-Emmanuel Blard, avocat du Président Ivoirien ? La décision est satisfaisante dans le sens où le tribunal reconnaît le caractère diffamatoire des propos. Nous allons étudier l'opportunité d'un appel ».
En tout cas, de nombreux titres ont tous affirmé que le Président Alassane Ouattara avait perdu son procès. Hormis «Le Figaro» cité plus haut, nous avons, par exemple : «Alassane Ouattara a perdu son procès en diffamation contre La lettre du continent» (Infowakat) ; «Le président ivoirien perd un procès contre un journaliste en France» (Africaradio) ; «Alassane Ouattara perd un procès en diffamation contre La lettre du continent» (Isi-africa) ; «Fonds souverains : Alassane Ouattara perd un procès en diffamation en France contre la Lettre du Continent» (ivoirebusiness). La vérité vraie et unique est qu’Africa Intelligence a été déboutée de sa demande de procédure abusive car le caractère diffamatoire des propos a été reconnu, mais sans pour autant que le journaliste ne soit condamné. L’honneur est sauf, si l’on peut dire. Mais jusqu’à quand ?
Le 20 janvier 2021, concernant Madagascar cette fois-ci, Africa Intelligence publie un article intitulé : «L’avion des convoyeurs d’or était aussi celui du ministère des finances». Quel gogo d’ici et d’ailleurs n’irait pas payer 6 euros pour connaître la suite, n’est-ce pas ? L’ayant lu, moi journaliste d’investigation, censé être un «fouille-merde», je suis tombé des nues. La langue française étant ma langue maternelle (non, vous ne savez pas tout de moi et ne saurez pas tout sur moi), ce titre est très éloigné du contenu qui, à bien y voir, n’est qu’un prétexte pour mettre dans le même panier des noms que même les jeunes journalistes de la nouvelle équipe d’Africa Intelligence ne semblent pas bien connaître. Mais, selon la ligne éditoriale dictée par Maurice Botbol, il fallait faire un lien entre tout le monde, forcer cela dans l’esprit d’un public, peut-être averti, mais plus restreint du tout. Ces noms ? Respectivement : Richard Randriamandranto, Karim Georget, Gilbert Biny,Yves Roger Rajoelina, Andry Rajoelina, Rodolphe Razakandisa, Mialy Rajoelina. 10 jours sont passés et plus rien au sujet de ces poissons pourris (« Convoyeurs d’or et avion du ministère des finances ») jetés dans une mare où les requins ne se sont pas toujours manifestés. Or, des réactions qui seront entendues çà et là dépendent de la suite pour mieux manipuler les gogos payeurs en euros et non en ariary.
Car Africa Intelligence, c’est ça, n’ayons pas peur des mots : et, à mon sens (qui n’est pas unique), Maurice Botbol et son équipe déshonorent déjà une profession noble avilie par des considérations mercantiles, recueillies dans l’interview d’EPC : « Clients : nous avons des articles qui vaÂlent de 1 à 4 ou 7 euros ; il faut gérer non pas une audience, mais des clients qui ont une exigence au niveau de la qualité du service. Il faut également prospecter ces clients, et les convaincre de payer. Traditionnellement et depuis le début, nous vendions les articles à l’unité. Aujourd’hui on ne prospecte quasiment plus pour le papier. La prospection se fait par le Web et par courriel ; Il faut payer avec ou sans abonnement pour avoir accès à la totalité des informations, mais la navigation dans le site est complètement libre. On peut librement voir le titre et le début de chaÂque article. Si vous voulez accéder à l’ensemble de l’article, c’est payant ». Connaissant la mentalité qui prévaut dans nos contrées, cela marche à merveille et Africa Intelligence est devenue la référence des opposants sans arguments valables et constructifs, qui s’opposent à tout et de manière personnelle dans tous les sens du mot. Inconscients du fait d’être devenus des colonisés intellectuels gravissimes.