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Ainsi donc, c’est avec le plus grand sérieux du monde que le Groupe international de contact, initié par l’Union africaine, va se pencher sur le « cas Madagascar ». C’est formidable mais qui compose cette entité qui a succédé à l’OUA, depuis 2002, n’ayant jamais rien résolu dans les grandes crises africaines sans l’intervention des grandes puissances ?
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Le Colonel Mohamed Bacar, dictateur comorien chassé par les militaires de l’UA
Certes, le récent cas des Comores est une exception. En mars 2008, l'armée comorienne et les troupes mandatées par l'Union africaine (UA) sont entrées sans résistance dans la capitale d'Anjouan pour chasser le président de l'île, Mohamed Bacar. L’opération a été pompeusement dénommée « Démocratie aux Comores »… Le Colonel Bacar (encore un militaire) avait pris le pouvoir à Anjouan lors d'un coup d'Etat en 2001. Il avait ensuite été élu président d'Anjouan le 31 mars 2002.
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Les Présidents après les Indépendances de 1960. On parlait alors d’OCAM ou Organisation commune africaine et malgache
Actuellement, l’UA est composée de 53 états membres :  Afrique du Sud, Algérien Angola, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Egypte, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Kenya, Lesotho , Liberia, Libye, Malawi , Mali, Maurice, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, République arabe saharaouie, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Swaziland, Tanzanie, Tchad, Togo, Tunisie, Ouganda, Zambie, Zimbabwe.
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En effet, trois pays géographiquement et culturellement différents ont été suspendus pour le même motif : coup d’Etat :
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Le Général Mohamed Ould Abdel Aziz
La Mauritanie, « suite au coup d’Etat du 6 août 2008 et la prise du pouvoir par le Général Mohamed Ould Abdel Aziz (Chef de la garde présidentielle) »;
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Le Capitaine Moussa Dadis CamaraÂ
La Guinée, « suite au coup d’Etat du 23 décembre 2008 et la prise du pouvoir par le Conseil national pour la démocratie et le développement présidée par le Capitaine Moussa Dadis Camara » ;
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L’ancien Maire d’Antananarivo Andry Nirina Rajoelina
Madagascar, « suite à suite à la prise de pouvoir par Andry Nirina Rajoelina, Président de la Haute Autorité de la Transition ». Ici, le terme « coup d’Etat a finalement été abandonné. Il faut se rappeler encore et toujours que jamais, au grand jamais, les militaires n'ont voulu d'un Directoire du même nom. Madagascar n'est pas l'Afrique, même si on l'y intègre. C'est pourquoi les officiers les plus gradés ont préféré transmettre ce cadeau empoisonné et anticonstitutionnel de Marc Ravalomanana à Andry Rajoelina. Etait-ce logique oui ou non ? Alors ? De quoi va-t-on discuter si ce n’est de partage de gâteau hérité de la colonisation ?
Ces trois pays sont donc suspendus, conformément à l’article 4 de la Charte de l’Union africaine qui « interdit les coups d’Etat ». Ce sera en fait le Conseil de l’Hypocrisie (« Council of Hipocrisis »).
En ce qui concerne le Maroc, ce pays a quitté l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), le 12 novembre 1984 pour protester contre l’admission de la République arabe saharaouie. Un territoire que le royaume marocain ne cesse de revendiquer.
Voilà le décor et les acteurs plantés pour s’inquiéter du sort, non pas des peuples qui luttent réellement pour un avenir meilleur, mais pour se conformer à une phrase fourre-tout qui ignore l’exception confirmant toute règle. Mais qui sont donc ces valeureux dirigeants qui brandissent l’arme constitutionnelle pour vouloir « régler » une situation, « en gros », comme s’il s’agissait des articles de quincailleries ? Les cas de la Mauritanie, de la Guinée et de Madagascar n’émanent que d’une aspiration : celle de peuples longtemps brimés que personne n’entend ni n’écoute et qui se sont trouvé un leader apte à faire bouger les choses.
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Chantal et Paul Biya, devenu l’Empereur de l’impunité totale
Je ne prendrais, ici, que le seul cas du Cameroun qui est vraiment une matière à réflexion sur les orientations exactes de cette UA. Grâce au « respect de la constitutionnalité », Paul Biya, peut dormir tranquille jusqu’à la fin de ses jours. En effet, après avoir fait une révision autocratique et unilatérale de la Loi fondamentale du Cameroun, il peut être considéré, depuis le 10 avril 2008, comme l’Empereur de l’impunité totale. Car, l'article 53, alinéa 3, stipule désormais que « Les actes accomplis par le Président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10, sont couverts par l’immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l’issue de son mandat ».  A un certain niveau de compréhension, cela s’apparente aussi à un coup d’Etat envers le peuple camerounais. Qu’en pense la Communauté internationale ? « Il s’agit d’un Etat souverain. Nous n’avons pas à nous ingérer dans des affaires intérieures d’un pays ». Une phrase stéréotypée, servie systématiquement pour se donner bonne conscience. Mais c’est comme cela que débute une révolte. Combien de temps, à partir de maintenant, Paul Biya va-t-il tenir ? Aura-t-il assez d’argent pour contenir l’armée pour s’adonner au sport favori des dictateurs africains : se remplir les poches et après eux le déluge. Mais chut ! Ce n’est pas le moment de vouloir bouleverser les accords économiques avec ce pays très riche (comme Madagascar) mais dont le peuple continue volontairement à être paupérisé. Qui a, en plus, le privilège d’être à la fois francophone et anglophone.
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Jacques Foccart recevant feu Omar Bongo à l’Elysée. Jacques Koch-Foccart (1913-1997), dit Jacques Foccart, était un conseiller politique français, secrétaire général de l'Élysée aux affaires africaines et malgaches de 1960 à 1974
Pour le moment, Paul Biya va être accueilli en grande pompe et à bras ouvert par Nicolas Sarkozy, le 21 juillet 2009, au Palais de l’Elysée. Sarkozy n’est pas responsable des dictateurs africains (entendu lors de son discours à Dakar) mais il demeure leur grand copain. Intérêts économique de la France obligent. C’est cela la diplomatie de haut vol, incompréhensible au commun des Africains. C’est la continuité de la FrançAfrique de Jacques Foccart.
Le gabonais Jean Ping, élu Président de la Commission de l’UA, le 1er février 2008
«  Pour bâtir une Afrique unie, intégrée, développée et pacifique, l’UA doit également relever le défi - qui n’est pas le moindre de tous - d’établir un juste équilibre entre la nécessité d’une stabilité politique et d’un développement socio-économique rapide, auxquels les peuples du continent aspirent légitimement ». En regard de ce coup d’Etat constitutionnel de Paul Biya, arrêtez de parler pour ne rien dire, Monsieur Jean Ping !
L’impunité totale d’un dirigeant ne sera jamais source de stabilité. Qu’elle soit politique ou économique. Ce n’est qu’une question de temps pour que le peuple réagisse à sa manière. Vous êtes déjà responsables, aujourd’hui, des émeutes de demain. Paul Byia n’y coupera pas car aucun dictateur africain n’est devenu une icône comme Nelson Mandela qui ne s’est plus représenté pour un second mandat. Qu’il aurait gagné haut la main et sans tricheries.
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Justin Rakotoniaina, Premier ministre malgache (1976-1977). Le sosie malgache de Jean Ping. Décédé en novembre 2001. Cette photo pour le "Fun" et paix à son âme.
René Dumont et son célébrissime ouvrage que peu de jeunes connaissent actuellement. Hélas...
Ainsi donc, le 22 juillet prochain, l’UA va se réunir pour voir le « cas Madagascar », afin de perpétuer ce culte de l’impunité qui permet aux dictateurs majoritaires de cette entité continentale de donner des leçons de constitutionnalité. Que vont-ils recommander en regard de leur propre situation paradoxale au pouvoir ? L’Afrique noire est encore mal partie, en ce Troisième Millénaire (« L’Afrique noire est mal partie » est le titre de l’ouvrage de René Dumont, paru en 1966 !).
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Le Président des Etats-Unis d’Amérique, d’origine kenyane, Barack Hussein Obama
Heureusement qu’il reste l’espoir Obama (« Obama’s Hope »). De quoi s’agit-il ? Le samedi 12 juillet 2009, dans son discours devant le Parlement ghanéen, le Président américain Barack Obama a été clair vis-à -vis des présidents qui modifient la constitution pour se maintenir au pouvoir. Condensé très explicite de ce discours d’espoir :
*  Les gouvernements qui respectent la volonté de leur peuple, qui gouvernent par le consentement et non par la coercition, sont plus prospères, plus stables et plus florissants que ceux qui ne le font pas.
*  Il ne s’agit pas seulement d’organiser des élections - il faut voir ce qui se passe entre les scrutins-. La répression revêt de nombreuses formes et trop de pays, même ceux qui tiennent des élections, sont en proie à des problèmes qui condamnent leur peuple à la pauvreté.
* Aucun pays ne peut créer de richesse si ses dirigeants exploitent l’économie pour s’enrichir personnellement, ou si des policiers peuvent être achetés par des trafiquants de drogue. Aucune entreprise ne veut investir dans un pays où le gouvernement se taille au départ une part de 20 %, ou dans lequel le chef de l’autorité portuaire est corrompu.
* Personne ne veut vivre dans une société où la règle de droit cède la place à la loi du plus fort et à la corruption. Ce n’est pas de la démocratie, c’est de la tyrannie, même si de temps en temps on y sème une élection ça et là , et il est temps que ce style de gouvernement disparaisse.
* Alors ne vous y trompez pas : l’histoire est du côté de ces courageux Africains, et non dans le camp de ceux qui se servent de coups d’État ou qui modifient les constitutions pour rester au pouvoir. L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de fortes institutions.
* Ce que fera l’Amérique, en revanche, ce sera d’accroître son aide aux personnes et aux institutions responsables, en mettant l’accent sur l’appui à la bonne gouvernance :
1. Aux parlements, qui maîtrisent les abus de pouvoir et s’assurent que les voix de l’opposition peuvent s’exprimer ;
2. A la règle de droit, qui garantit l’égalité de tous devant la justice ;
3. A la participation civile, afin que les jeunes soient actifs dans la vie politique.
* Nous avons le devoir de soutenir ceux qui agissent de façon responsable et d’isoler ceux qui ne le font pas, et c’est exactement ce que fera l’Amérique (…) »
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1987. Photo de famille prise au Kenya, lors d’un voyage initiatique que Barack Obama narre dans son autobiographie  « Dreams of my Father . Grand absent sur cette photo, Hussein, ce père dont Barack Obama tient à se réclamer lorsqu’il est en Afrique. Puisque je vous dis que la famille c’est sacré
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Les Présidents Sarkozy et Biya : un marché de dupes ?
Au contraire de Nicolas Sarkozy qui va donc recevoir Paul Biya, il est plus que certain que le Président Obama ne recevra jamais ces dictateurs qui parlent de démocratie tout en toilettant leur constitution à leur guise. Dès lors, les habituels travaux de couloirs ne serviront plus à rien : Barack Obama n’ira jamais salir son image et serrer la main d’hypocrites sanguinaires qui pensent plus à eux-mêmes qu’à leur peuple qu’ils oppriment et paupérisent.
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Car , malgré une campagne sans précédent de désinformations et d’intox menée par Marc Ravalomanana sur Internet, qui s’est servi de « Malgaches » -ignorant à la fois le contexte historique et les réalités- qui ont inondé la toile de blogs et de sites web, la vérité est (enfin) parvenue à la Maison-Blanche, concernant le « cas Madagascar ». A présent, il importe qu’Andry Rajoelina -qui n’a rien à voir, mais alors rien !-avec le Général mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz et le Capitaine guinéen Moussa Dadis Camara, tienne bon et poursuive la véritable mission dévolue à la Haute Autorité de la Transition. La Jeunesse demeure aussi l’Espoir de toute l’Afrique. Le reste n’est plus que « littérature et commentaires », dixit l’ambassadeur de France, Jean Marc Châtaigner. C’est quoi la mission de la HAT, déjà  ? Tenants et aboutissants dans un prochain dossier. Avec des… inédits. Promis.
Jeannot RAMAMBAZAFY - Journaliste
Antananarivo, le 18 juillet 2009