Il ne faut s’étonner de rien dans cette Grande île de l’océan Indien. Vraiment. La démarche du Premier ministre de la HAT, Monja Roindefo est tout à fait… extraordinaire. Elle ressemble, à peu près, à celle de Marc Ravalomanana auprès du GIC, de l’UA et de la SADC.Tous les deux se réfèrent à des textes. Chronologie de cet énième feuilleton de la série : Madagascar ou l’art consommé de compliquer les choses.
Marc Ravalomanana – 9 octobre
Â
Signant sans plus aucun titre (c’est çà l’humilité ?), le président démissionnaire, au nom de la mouvance qui porte son nom, rappelle, rappelle, rappelle comme un noyé qui attend une bouée de sauvetage. Cette lettre est tellement bourrée de contradictions qu’elle va faire un effet boomerang des destinataires vers l’envoyeur. Monsieur Ravalomanana, à l’heure actuelle, l’important n’est plus dans l’attribution de postes mais le devenir immédiat du peuple malgache. En remettant sur la table la notion de putsch, c’est comme si c’était attirer l’attention de la communauté internationale sur ce qui s’est passé exactement le 17 mars 2009 et qui, avec ses lourds moyens de renseignements, va finir se rendre compte que vous avez effectivement démissionné. Le reste n’est qu’un arbre qui cache toute une forêt d’intérêts hautement financiers. Car, lorsque l’on se réfère à la loi, tout coupable crie toujours son innocence avant que la vérité implacable ne lui pète à la figure. A quoi ont servi les deux pardons publics au peuple si, dans cette lettre, il n’y a aucun, mais alors aucun mot se référant à ce dernier. Qu’est-ce que le peuple pour vous, dès lors ? Je vous invite tous à aller sur sobika.com pour vérifier. Marc Ravalomanana va finir par s’attirer réellement les foudres de ces personnalités qu’il prend pour des parjures. Or, leur rôle est limpide : être au côté du peuple malgache et non protéger Marc Ravalomanana qui « se réserve de faire valoir d’autres moyens en temps opportun ».
Monsieur Ravalomanana, voici des conseils judicieux qui ne prennent pas en compte un orgueil flagrant incompatible avec vos titres honoris causa. Si j’étais à votre place, voilà ce que j’aurai fait : négociation pour négociation, j’aurai fait mettre par écrit que, dans ce cas où Andry Rajoelina reste président de la transition, j’exigerai que tout ce pour lequel on me poursuit soit effacé ; que je puisse me présenter aux présidentielles de 2010 comme un citoyen sans peur et sans reproche. Alors là , comprenant réellement que vous aurez agi pour le bien du peuple, peut-être que je voterai pour vous pour la troisième fois. Le peuple est si versatile et il y a eu un précédent. Jeté dehors une première fois, en 1991, battu aux élections de 1993, Didier Ratsiraka, grâce un silence très sage, du haut de son exil français, a pu revenir aux affaires en 1997. Réélu par ce même peuple qui l’avait vomi quatre ans auparavant. C’est cela le prix du silence. La suite, c’est ce qui vient de vous arriver et que vous feignez de comprendre : accaparement de tout le système du pouvoir à des fins financières personnelles. Voilà ce que je ferais, si j’étais vous. Malheureusement, je ne le suis pas et, de toute manière, même pour tout l’or du Pérou, je ne voudrais jamais être dans la peau de Marc Ravalomanana
Monja Roindefo – 10 octobre
Â
Après un report, « pour respecter la hiérarchie » (Monja Roindefo aurait du faire une déclaration le 9 octobre mais la Tvm avait déjà ,programmé l’émission avec Andry Rajoelina), le Premier ministre nommé sur la place du 13 mai s’est exprimé le 10 octobre, à partir de la Primature de Mahazoarivo. Et là aussi, comme Ravalomanana, la teneur de ses déclarations était bourrée de contradictions. Selon le décret je ne sais plus de la Hat et la décision de la Hcc (rappelez-vous que bien avant Maputo, il s’était renseigné sur son sort), il était quasi intouchable à son poste où il a fait avancer tant de choses : sécurité, entre autres. Et il a persisté à dire qu’il devait rester Premier ministre jusqu’aux élections menant vers la IVè république. C’est vrai mais les sommets de Maputo où il a assisté lors du second, ont changé les donnes, avec comme base, l’intérêt suprême du peuple malgache. D’un autre côté, il a également annoncé qu’il se présentera aux élections présidentielles si « les règles de jeu sont claires ». Alors là , c’est bien vouloir le beurre et l’argent du beurre. Sachant pertinemment qu’aucun membre du gouvernement de la transition ne pourra se présenter à ces élections, à quoi rime le cinéma du fils de Monja Jaona ? A mon sens, cette volonté de rester « gluer » à son fauteuil est aussi suspecte que l’amnésie de Ravalomanana lorsqu’il a remis anticonstitutionnellement ses pouvoirs à un directoire militaire. Ici encore, cette insistance de Monja Roindefo cache toute une forêt d’intérêts financiers liés au poste primatorial (çà se dit, non ?). Il a aussi ajouté –et c’est très fort !- : « Tous, dans cette transition, n’ont pas été élus par le peuple ». Plus confus que lui tu meurs.
Rumeurs
Â
Dès lors, les rumeurs de radio trottoir vont bon train. Et on dit que c’est à son niveau que les passe-droits à propos des tonnes de bois de rose saisies dans des conteneurs, émanent de la Primature. Et on se met à lorgner sur tous ses biens matériels acquis en quelques mois à la tête du gouvernement. Et comme Marc Ravalomanana, Monja Roindefo oublie le peuple auquel, pourtant, il s’est référé. " J'ai le devoir de défendre les intérêts du peuple ", a déclaré Andry Rajoelina qui a révélé que Monja Roindefo avait refusé le poste qu’il allait lui confié. Plus encore, il a ajouté : « Ce n’est pas le poste de Premier ministre qui était important, mais d’œuvrer ensemble pour défendre la transition ». En regard des déclarations assez contradictoires de Monja Roindefo, il s’avère donc que le pouvoir corrompt terriblement. Cela peur se traduire par : « Laissez-moi mener à bien mes tractations et mes promesses vis-à -vis de gros sous. On avisera après ». Si vous trouvez d’autres excuses pour comprendre sa démarche, ne cherchez pas : il n’y en pas d’autres. A lui de nous prouver que je diffame, moi l’infâme… Un conseil à Monja Roindefo Zafitsimivalo ? (tiens aussi un valo dans son nom) : pour une fois, démontrez qu’un homme politique malgache sait sortir par la grande porte et soyez psychologue, le peuple, même versatile, vous en sera éternellement reconnaissant. Car même Andry Rajoelina quittera la scène politique un jour. Comment ? « Misitery izany ry zanako ». En fait, tout dépend de la manière de diriger. Mais que tous prennent Nelson Mandela pour exemple, car, en plus, c’est un Africain.
Gendarmerie – 10 octobre
Â
Revenons au comportement de Monja Roindefo. Ce qui devait arriver arriva : l’esprit de Gallieni plane de nouveau avec son « diviser pour mieux régner » ? Lors d’une déclaration, ce jour, le chef ou plutôt un chef de la gendarmerie de fort Duchesne a déclaré se ranger du côté de Monja Roindefo parce que je ne me rappelle plus mais il a parlé du rôle du gendarme qui est de protégé la veuve et l’orphelin. Comme l’a fait Monja Roindefo depuis, quoi. Pour le bien du peuple, le vrai, je ne vais pas mâcher mes mots, ici. Mais, politiquement parlant, quel était le poids de Monja Roindefo avant qu’Andry Rajoelina ne le nomme Premier ministre, le 7 février 2009, sur la place du 13 mai ? Certes, il a hérité le parti Monima de son charismatique père mais pour le reste ? En refusant de s’effacer comme tout homme d’Etat qui se respecte, au nom du peuple, Monja Roindefo apparaîtra dans l’histoire comme un vulgaire opportuniste qui n’a pas résisté aux sirènes de madame Grossous. C’est la grande maladie qui mine tous les dirigeants africains, hélas.
Gouvernement de la HAT – 10 octobre
Â
Assez tard dans la soirée, les journalistes ont été appelés au Palais d’Ambohitsorohitra. Là , la majorité du gouvernement 2 de Monja Roindefo étaient présents, la plupart démunis de leur costume de fonction (complet cravate). Gilbert Raharizatovo, ministre du Patrimoine national et de la Culture a pris la parole en premier. C’était pour annonce que jusqu’à la formation du nouveau gouvernement, tous restés à leur place pour les affaires courantes. Là , au moins, c’est clair et logique. Aucune équivoque. Et puis qu’est-ce qu’un état, même très transitoire, sans dirigeants ? Le second à prendre la parole a été André Haja Resampa, Secrétaire général de la présidence de la transition. C’était pour annoncer la sortie du décret, signé Andry Rajoelina, président de la transition et chef de l’Etat, portant nomination d’Eugène Régis Mangalaza au poste de Premier ministre de la transition. Tout cela s’est fait en deux temps, trois mouvements. Malgré les « ont dit », ces membres du gouvernement en fin de mission, ont démontré une cohésion et le respect de l’alternance. Monja Roindefo a omis une chose importante, lui qui était à Maputo. Une fois signée la Charte de la Transition, elle rend caduque la constitution de feue la IIIè république. Donc, sa nomination par la HCC est aussi caduque par ce décret. en effet, la Charte de la Transition, signée par les 4 chefs de file, vaut constitution de la transition. Il faut tout de même être honnête envers soi-même.
De quoi demain sera encore fait ?
Â
Alternance. Voilà un mot qui ne signifie rien à Madagascar ; Tôt ou tard, de quelque manière que ce soit, tout dirigeant, tout homme politique, doit quitter ses fonctions. Dès son entrée en fonction, même, il doit déjà envisager ce fait. Mais non. En Afrique en général, on a tendance à croire dur comme fer qu’étant dans les bonnes grâces de Dieu, on a été élu ou nommé à vie. L’avenir immédiat nous dira qui seront les rares personnalités faisant partie de l’exception confirmant toute règle. Que va-t-il se passer dans les jours à venir ? Je ne sais pas, mais des alliances contre nature, « au nom du peuple », vont encore se nouer. En fait, ce sera au nom du pèze. Enfin, il ne faut pas se faire martel en tête. Le "cas" Monja Roindefo ? Ce n'est pas un scoop, c'est une banalité africaine qui font tordre de rire les occidentaux. Quand donc les politiciens malgaches s'en rendront-ils enfin compte ?Â
Jeannot Ramambazafy
11 octobre 2009