Par définition même, une transition demeure un état transitoire qui permet de quitter une situation donnée pour se mouvoir vers une autre situation. Pour ce qui est de Madagascar, le peuple, comme en 1972, 1991 et 2002 (à l'exception qu'il y a eu élection en décembre 2001) a stoppé net le mandat d’un président pour installer un processus de transition vers plus de démocratie et de libertés. Quoi qu’en pense certains Malgaches -qui constituent actuellement une minorité, surtout d’intellectuels expatriés et informatisés (« internetisés »)- tout le monde, dans la Grande île s’accorde sur le fait que la destination est connue désormais. Cependant, la route devant y conduire reste à définir. Après une perte de temps inutile, causée par des velléités de s’accrocher à une cause perdue, il s’avère, toutefois, qu’il est important de prendre le temps nécessaire pour entamer un processus électoral libre et démocratique. Le bulletin unique sera étrenné. Moins d’une année est suffisante. Mais il faut commencer ici et maintenant et encore faut-il que le dit processus s’enchaîne par de faits cohérents permettant d’aboutir à des résultats pouvant être jugés justes et équitables par tous les Malgaches.
Qu’est-ce que la démocratie, sinon une manière de vivre en commun à travers laquelle le peuple élit ses représentants sans en être contraints ? Normalement, les Malgaches ont entre leurs mains la responsabilité de veiller à ce que ce processus transitoire soit libre, transparent, et… démocratique. Et c’est ici qu’il convient de rappeler aux dirigeants de l’actuelle transition tout le travail d’ordre technique que le peuple attend d’eux, en priorité : recensement des électeurs ; mise en place d’une liste électorale et, surtout rédaction d’une constitution mettant tous les citoyens à légalité devant les lois en vigueur. Si l’on veut que la future IVè république soit une réussite de vraie démocratie, il est Pour asseoir impératif que tous les Malgaches arrivent à réaliser ces préalables. Car si aucun système électoral transparent n’est mis en place, l’histoire sera effectivement un éternel recommencement et le peuple redescendra dans la rue plus tôt que prévu…
A présent, la grande question est : avec tout ce retard pris, le régime de transition pourra-t-il adopter une nouvelle constitution et organiser toutes les consultations au suffrage universel (référendum constitutionnelle, présidentielles, sénatoriales, législatives, régionales, communales) avant le 26 juin 2010 ?  Lors des Assises nationales, la HAT avait déjà établi un calendrier. Mais, avec les accords de Maputo I et II, le délai de 16 mois a déjà été fortement entamé et, actuellement, aucune des institutions de la transition inclusive et tout et tout, n’a été mise en place. Or, cette situation de crise a amené son lot d’insécurité, de corruption, de trafics en tous genres. Pour accomplir ces travaux d’Hercule, Andry Rajoelina ne pourra jamais le faire tout seul. Cela nécessite une parfaite cohérence dans l’organisation, les méthodes et les ressources humaines. Il a surtout intérêt à s’entourer de conseillers qui le conseillent réellement, sans l’encenser et sans hésiter à le contredire, et qu’il écoute. En cette mi-octobre 2009, rien n’a encore été entamé en matière de révision des listes électorales, par exemple. A mon sens, en ce qui concerne la révision de la Constitution, toutes les parties concernées, c’est-à -dire toutes les composantes de la Nation malgache devraient d’abord construire avec le pouvoir de transition et de manière consensuelle, les bases d’élections transparentes.
 La priorité à donner, lorsque les quatre « mouvances « se rendront à l’évidence que ceux qui n’avancent pas reculent -dixit Lapalisse-, consiste en la mise en place d’une constitution crédible et réaliste. Car c’est cette loi fondamentale qui devra régir l’ensemble de tout l’arsenal juridique devant administrer la bonne marche de la nation. C’est elle qui garantira les libertés et les droits de tous les citoyens. Et c’est à travers cette nouvelle constitution, que le peuple souverain décidera de la répartition du pouvoir entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Avec cet art de compliquer les choses que l’on ne trouve nulle part ailleurs, il importe que le président de la transition cesse de promettre s’il ne peut rien tenir. Ayant fait du droit, voici des choix qui seront certainement le centre de débats rudes, en matière de régime.
 En bleu les pays à régime présidentiel, en rouge les monarchies constitutionnelles à régime parlementaire, en marron républiques dont la constitution n’accorde le droit de gouverner qu’à un parti unique
Le régime présidentiel. Il renforce les prérogatives du président de la république et place le législatif en second rang. C’est avec ce genre de régime que Marc Ravalomanana a dévie de toutes ses bonnes intentions de 2002, dès qu’il a été réélu. Les Malgaches -sauf les imbéciles et les vendus- l’ont vécu : l’exécutif a été renforcé et est resté sous la domination seule de Marc Ravalomanana. Ce genre de régime dans lequel le rôle du président demeure prépondérant, s’il n’est pas bien balisé, peut tomber facilement dans la dictature. C’est ce qui est arrivé, rappelons-le toujours.
 Le régime parlementaire. Ici, les prérogatives du parlement sont renforcées. Cependant, l’étroite collaboration entre les pouvoirs législatif exécutif est fondamentale afin d’éviter d’éventuels blocages. Notons que ce genre de régime possède plusieurs variantes. Ainsi, dans certains pays, les membres du gouvernement sont issus du parti majoritaire siégeant au parlement.
Quid du bon fonctionnement des futures institutions ? Tout dépendra du choix du régime. Cependant, un régime parlementaire effectif serait une grande première à Madagascar. Néanmoins, il a déjà existé et sa première expérimentation a été la motion d’empêchement du président Zafy Albert. Rappelons-nous que ce dernier est parvenu à total désaccord avec Me Francisque Ravony, son Premier ministre, dans la conduite des affaires de l’Etat. En tout cas, l’avantage a été que le peuple n’est pas descendu dans la rue. Hélas, de retour au pouvoir, sans que le peuple le sache vraiment, Didier Ratsiraka a effacé de la constitution cette motion de censure. Alors que penser ?
Aux Etats-Unis, tout projet d’amendement de la Constitution doit, entre autres étapes, passé devant le Congrès. A Madagascar, depuis, tous les présidents passés avaient le pouvoir de la toiletter à leur guise et, surtout, à leur avantage
Quoi qu’il en soit, le succès vers une IVè république vraiment démocratique repose sur une loi fondamentale qui ne pourra plus jamais être toilettée, en prenant comme exemple le système d’amendements pratiqué aux Etats-Unis. Il faudra aussi que la Haute cour de Justice soit effective. Ce qui ne fut pas le cas en 7 ans de pouvoir Ravalomanana. Tout cela, les GTT semblent l’oublier, préférant se fourvoyer dans des considérations passéistes cachant très mal des motivations financières. Si ces « Malgaches » de l’extérieur veulent vraiment être patriotes et œuvrer pleinement pour la patrie commune, ils auraient intérêt à rédiger un texte leur donnant le droit de vote. Ce n’est qu’après qu’ils pourront être plus crédibles avec leur manifestations folkloriques qui fait honte aux millions de Malgaches de Madagascar.
Pour en revenir à nos moutons constitutionnels, il y a encore une condition sine qua non. Aucune constitution parfaite, tant dans le fond que dans la forme, ne servira à quelque chose si elle n’est pas respectée à la lettre. Voyez toutes ces lois votées à l’Assemblée nationale et qui n’ont jamais été suivies de décret d’application. Cela nous amène à une indépendance réelle de l’application la justice par ce que l’on appelle « les gardiens de la Constitution ». En ce moment, il s’agit des membres de l’actuelle Haute Cour Constitutionnelle, en attendant la mise en place de la celle de la transition. Encore une étape vers une autre cour plus pérenne. Tous les malgaches doivent garder une vigilance de tous les instants. En effet, de nombreux précédents ont permis de constater que ce sont les magistrats censés appliquer la loi de façon équitable qui sont les premiers à la détourner, à la pervertir. Pour résumer tout ce qui a été écrit, le plus grand facteur de réussite -ou d’échec- repose sur un patriotisme et une probité qui ne sont pas encore l’apanage des dirigeants malgaches...
Tout cela… constitue une projection dans le futur immédiat. Pour en rester au temps présent, et en attendant, quelles sont les réalités de toute période de transition qui se veut démocratique ?
Il faut d’abord savoir qu’il n’existe aucun modèle universel de transition démocratique. En ce qui concerne Madagascar, la démocratie est plus à recréer qu’à perfectionner. Tout y est priorité. Car la démocratie exige trois bases indissociables : une culture politique certaine ; un niveau de développement convenable ; un environnement économique et social viable. Dans la Grande île, la culture politique n’a aucun ancrage réel, le culte de la personnalité primant. Le niveau de développement est tellement incertain que le pays est toujours classé parmi les plus pauvres. Les étapes traversées : pays sous-développé ; pays en voie de développement ; pays moins avancé ; pays pauvre très endetté ; pays parmi les plus pauvres du monde. Si çà continue Madagascar sera un pays en voie de sous-développement très avancé.
 En cette année 2009, le pays se trouve en période de transition. Le credo était : plus de démocratie, plus de libertés. Marc Ravalomanana a fini par démissionner. A présent, comment réussir cette transition de manière démocratique ? Deux phases sont incontournables : la transition politique et la consolidation de la démocratie. La première se définit par « le passage d’un régime à un autre ». La seconde permet d’assurer une évolution plus ou moins stable du processus démocratique engagé dans la transition. Concernant la transition démocratique, en particulier, elle doit amener à l’abandon des anciennes règles du jeu politique et faire émerger de nouveaux acteurs politiques et de nouvelles stratégies. Selon Juan J. Linz : Une période de transition arrive à son terme lorsqu’ « un gouvernement arrive au pouvoir comme le résultat direct du suffrage libre et populaire, quand ce gouvernement dispose d’un pouvoir souverain pour générer de nouvelles politiques publiques, et quand les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire nés de la nouvelles démocratie n’ont pas à partager le pouvoir avec d’autres corps de droit ». Nous n’en sommes pas encore là .
 La démocratie doit d’abord permettre la manifestation des divers intérêts politiques en présence, laissant à l’ensemble des acteurs la possibilité de trouver une voix d’expression. L’ouverture du système politique constitue alors un enjeu capital dans le cadre de la consolidation de la démocratie du pays. Le danger, lors de la IVè république pourra venir d’acteurs qui, malgré l’ouverture du système politique, qui n’auront pas nécessairement participé à la transition. Aussi, dans l’actuelle transition, le challenge doit consister à créer un niveau assez haut de consensus pour éviter un recul politique et assurer ainsi la survie du nouveau régime à venir. Si cela est bien ficelé, le futur premier gouvernement de la IVè république sera à même de garantir efficacement le maintien du régime démocratique avec le soutien, à la fois des autres acteurs politiques, de la société civile et des forces armées.
 En tout état de cause, il sera utopique d’appréhender le processus de consolidation de la démocratie sans tenir compte de la situation de crise précédant la transition et des conditions qui ont entouré le processus de transition politique lui-même. Voilà donc un dossier ficelé de manière la plus sérieuse possible. Espérons que les dirigeants qui feront bientôt partie de cette transition malgache, seconde partie, prévue pour 13 mois à présent, en tiendront compte. S’ils n’ont rien compris, comme nombreux d’entre vous, c’est certain, cela signifiera qu’il faudra s’attendre à des réactions. Sous quelles formes ? Je vous mettrai au courant.
Philibert Tsiranana (1960 - 1972) - Gabriel Ramanantsoa (1972 - 1975) - Richard Ratsimandrava (1975) - Gilles Andriamahazo (1975) - Didier Ignace Ratsiraka (1975 - 1993) - Albert Zafy (1993 - 1996) - Norbert Lala Ratsirahonana (1996 - 1997) - Didier Ratsiraka (1997 - 2002) - Marc Ravalomanana (6 mai 2002-17 mars 2009) - Andry Nirina Rajoelina (17 Mars 2009 -)
Un dossier de Jeannot Ramambazafy
23 octobre 2009