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Madagascar : Lettre ouverte au Conseil de sécurité et de la paix de l’Union africaine

La fameuse liste des sanctionnés, établie par des « experts » fait couler beaucoup d’encre… A présent, c’est au tour de Razafisambatra Louis De Mon Désir. Dans une lettre ouverte, il donne un délai de quinze jours au Conseil de sécurité et de la paix de l’Union africaine pour lever les sanctions infligées d’une manière biaisée au peuple malgache. Très intéressant.

Jeannot Ramambazafy, rédacteur en Chef de madagate.com

" Pour ne pas falsifier le cours de l’histoire, je tiens à rappeler que l’Union africaine a pris une position pleine de perspicacité diplomatique en ne reconnaissant pas le pouvoir de l’ex président Marc Ravalomanana en 2002. Cette prise de décision est raisonnablement justifiée par le coup d’Etat militaire et institutionnel perpétré par ce président déchu. S’y ajoute le truquage du résultat des élections en 2007 par cette personnalité politique ingrate qui a failli vendre son pays à un businessman sans scrupules comme lui. Et ne pouvant plus tolérer sa pratique dictatoriale, très indigné par sa situation chaotique où Marc Ravalomanana l’a fait sombrer, le peuple malgache a brandi bien haut le fanion de sa prise de conscience et de sa détermination en prenant la direction vers le palais présidentiel d’Ambohitsorohitra pour que le Premier ministre Monja Roindefo (ndlr : qui ne figure pas dans la fameuse liste comme Ny Hasina Andriamanjato) y rejoint ses bureaux et pour demander la démission de cet ex-président directeur général de l’Entreprise Tiko. Ayant reconnu sa mauvaise gouvernance, Marc Ravalomanana a démissionné et à cédé le pouvoir au vice-Amiral Hyppolite Rarison Ramaroson. Mais n’ayant pas cru à la sincérité de ce transfert de pouvoir (ce vice-Amiral ayant été un des hommes de confiance de Marc Ravalomanana, donc susceptible de préparer et d’organiser le retour du dictateur), quelques militaires animés par leur bonne volonté de faire preuve d’une assistance à un peuple malgache en danger, ne l’ont pas accepté et ont préféré que ce pouvoir soit transmis à Andry Rajoelina, le président actuel de la Haute Autorité de Transition. La solution de la crise politique malgache n’est pas de sanctionner, indirectement ou directement, le peuple malgache, mais de faire évoluer la jurisprudence internationale pour défendre un peuple très appauvri par un dictateur, qui dans les pays pauvres, utilise les moyens coercitifs de l’Etat pour détourner le vote des citoyens en sa faveur.

Officiellement et d’emblée, le Conseil de sécurité et de la paix de l’Union africaine figure parmi les défenseurs d’une véritable diplomatie économique pour le développement et de la diplomatie des droits de l’homme. Par conséquent, il est tenu d’avoir de l’audace diplomatique pour faire de la transparence sur les enjeux stratégiques et économiques, qui ont précédé les Accords de Maputo. En effet, nous sommes en démocratie et l’époque du camouflage derrière la soi-disant « Haute politique » est révolue et ridicule vis-à-vis de la diplomatie du XXIe siècle. C’est un Honneur pour l’Union africaine de manifester une diplomatie décomplexée en mettant en exergue que la démocratie et les droits de l’homme resteront des vains mots si la loi des plus forts de ce monde moderne interdit aux pays pauvres d’organiser des débats démocratiques sur les divers problèmes de fond de la soutenabilité de leurs finances publiques ou de leur dette publique, l’efficacité de la politique budgétaire et le niveau de la dette publique, les bonnes règles d’affectation des instruments de politique macro économique, la manipulation du biais inflationniste par des agents économiques privés, etc.

En ce siècle de la mondialisation, de l’universalisation des droits de l’homme et de la démocratie, la nécessité absolue d’une concorde universelle ne permet pas à qui que ce soit de faire revenir le slogan péjoratif, qui suit, de Frantz Fanon : « Peaux noires, masques blancs ». Par voie de conséquence, il vous appartient en tant qu’institution internationale de dénoncer toutes les entraves à ces valeurs universelles ; par exemple, la part de responsabilité des diktats de la finance internationale en matière de coûts sociaux très élevés du Programme d’ajustement structurel dans les pays pauvres (Mieux vaut tard que jamais). Il est opportun de les inciter même à indemniser ces derniers pour les mauvais choix économiques et politiques qu’ils leur ont imposés. Il faut oser à les pousser à accepter qu’il n’y a pas de démocratie et de droits de l’homme, tant que les soi-disant experts de bailleurs de fonds internationaux empêchent les pays pauvres de débattre la stratégie monétaire, le degré de réactivité souhaitable de la politique monétaire, le statut de leur banque centrale, les rapports entre politiques monétaire et politique budgétaire, la manière dont la politique monétaire doit intégrer l’ évolution des prix sur les marchés financiers.

Ce n’est pas non plus une infraction pénale de vous référer à l’immobilisme de la Communauté internationale quand une cour suprême d’un pays développé a invalidé la loi Massachusetts-Birmanie (loi qui a pénalisé les grandes compagnies étrangères partisanes de la junte militaire), ou lorsque la diplomatie de ce même pays refuse la citation de ses concitoyens devant la cour pénale internationale, ou la non acceptation d’une compétence universelle à celle-ci.

J’espère un minimum de bon sens et d’honnêteté intellectuelle de la part du Conseil de sécurité et de la paix de l’Union africaine pour situer tout mouvement social, toute revendication pleine de civisme d’un peuple, dans leur contexte. Je crois en sa bonne mémoire pour ne pas oublier qu’une simple pénurie de pain au XVIIIe siècle dans un pays développé a engendré une révolution et les droits de l’homme ; et force est de constater qu’au XXIe siècle, ce pays continue de fêter la date de cette dernière, alors qu’elle a été sanglante et meurtrière. Autant dire, la diplomatie de ce pays, qui vous encourage peut être maintenant à pénaliser le peuple malgache par le truchement de ces sanctions aux dirigeants, aux partisans de la transition politique, n’a aucune vergogne pour placer cette révolution dans la conjoncture politique et économique de son temps ; d’où l’impunité de ses acteurs jusqu’à nos jours.

Je me permets de vous rendre à l’évidence parce que le peuple malgache n’acceptera jamais que des ex chefs d’Etat, respectivement déchus une, deux fois, deviennent de « messies facilitateurs » pour résoudre la crise politique malgache.

Vos sanctions vont encore susciter de troubles, réveiller un certain lyrisme nationaliste, parce que la population malgache a besoin d’une autre personnalité politique qui incarne vraiment de nouvelles pratiques politiques, garantes du développement du pays.

Dans tous les cas de figure, toute « diplomatie de salon et des coulisses » destinée à mettre consciemment ou inconsciemment les pays pauvres sous le joug de « l’hégémonie intellectuelle mondiale », n’a plus sa raison d’être en ce second millénaire.

Pour la paix sociale à Madagascar, l’Union africaine doit lever les sanctions dans un délai de quinze jours ".

Fait à Paris le 20 Mars 2010


RAZAFISAMBATRA Louis De Mon Désir

 

Mis à jour ( Dimanche, 21 Mars 2010 23:18 )  
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