Décidément, le président Marc Ravalomanana fait très peu de cas de la majorité des Malgaches. Son unique souci est de trouver des gros sous pour réaliser son Madagascar Action Plan (Map) en paix et que les autres travaillent dur et bien (« Miasa mafy, miasa tsara »), sans se demander dans quelle conditions et avec quoi ? Après avoir eu une entrevue avec son alter ego Nicolas Sarkozy, le samedi 12 avril dernier, l’ancien laitier pour qui j’ai voté par trois fois (une fois pour la mairie d’Antananarivo et deux fois pour qu’il soit et reste président) est sûr de lui et plus rien ne lui fait peur. Cela signifie qu’il va mater les empêcheurs de « Maper » en rond. Décortiquons donc ses déclarations de ce dimanche 13 avril pour mieux comprendre que, vis-à -vis du peuple qu’il entend développer, il s’isole de plus en plus dans sa tour d’ivoire, grisé par ses apparitions au côté des grands de ce monde : Horst Koehler, Angela Merkel, Nicolas Sarkozy. Avec ce dernier, selon lui-même, « le ciel est bleu, il est prêt à apporter son aide pour le Map ». Peu après, M. Ravalomanana annonce que « l’argent que l’on va recevoir ne vient pas d’un ou deux pays mais le sera au nom de l’Union européenne, de la Commission européenne. Ils ont énormément d’argent et c’est à nous de dire de combien nous avons besoin. « Ils ont l’intention de contribuer pour 677 millions d’euros. A nous de les convaincre que cela n’est pas suffisant, parce que nous avons été ravagés par les cyclones, par exemple. C’est dans ce contexte que le ministre français des Finances viendra à Madagascar, selon le président Sarkozy, pour voir comment nous aider dans le renforcement des capacités. Cela pour vous dire que l’on ne plaisante plus et que nous allons vraiment travailler main dans la main. Et quand ce sont deux présidents qui se font des promesses, ce n’est plus une rumeur mais la vérité ».
Marc Ravalomanana me navre par sa naïveté. Mais il est vrai qu’il ne possède pas le cursus politique de Nicolas Sarkozy qui connaît tous les rouages du langage diplomatique et les enjeux de la France sur Madagascar et non le contraire. Malgré le forcing du président malgache -il n’avait pas été prévu dans le calendrier hebdomadaire du président français-, celui-ci l’a reçu, car il ne pouvait faire autrement en regard du fait que l’ancienne colonie tend à plonger dans le giron anglophone. Géopolitiquement, la Grande Île de l’océan indien doit être le dernier rempart de la France sous les tropiques. D’où une coopération militaire plus dense que la normale. Personne ne saura vraiment ce qu’ils se sont dit à l’Elysée mais il est certain que chacun a voulu convaincre l’autre de sa bonne foi pour œuvrer dans l’intérêt de leur pays respectif. Qui a été le plus ferme ? La question ne se pose pas. La souveraineté nationale ne sera jamais que malgacho-malgache. En matière de politique intérieure, justement, l’incohérence est reine. En effet, le président malgache aurait dit à M. Sarkozy que « de notre côté, nous allons résorber les problèmes de personnes qui dérangent, d’entraves diverses et de non convergence de points de vue ». En effet, cela fait désordre dans un pays qui se dit démocratique. Avant donc de s’engager plus loin, Nicolas Sarkozy enverra de hautes personnalités compétentes pour une table ronde qui aura lieu au mois de mai prochain à Antananarivo. A présent, reste à savoir si le pouvoir Tim invitera les opposants à cette table. On verra bien car la haute politique a ses raisons que la raison ne connaît pas et Marc Ravalomanana ira de contradictions en contradictions.
2008 sera l’année du travail. Le président malgache compte encore visiter deux à trois pays cette année pour trouver des sous. « N’ayez crainte, je réaliserai les promesses que j’ai faites au peuple ». Mais, nous n’avons aucune crainte, Monsieur le président, mais nous commençons à nous lasser d’attendre depuis six ans, sans que notre vie au quotidien ne s’améliore ! Vous parlez d’argent, d’énormes sommes d’argent, de dettes effacées, d’aides futures mais même les délestages continuent de plus bel ! Vous demandez à tous les élus, tous les nommés (présidents d’institution, ministres, maires) et même aux journalistes de redoubler d’ardeur pour œuvrer vers le développement réel car nous sommes les premiers responsables. Vous dites qu’il est grand temps de cesser de jouer à cache-cache (?) et que, souvent, c’est dans les journaux ou autres supports médiatiques que l’on veut faire des pressions sur vous ( ?). « Mieux vaut parler face-à -face… si je ne reçois pas certaines personnes, si je ne dis rien c’est parce que je sais ce qui est bien pour ce pays, ce qui est bien pour vous ». Alors là , je m’insurge totalement devant cette contradiction énorme, ce non-sens anti-démocratique. Même les rois et reines de Madagascar demandaient l’avis du peuple lorsqu’il s’agissait de leur bien-être ! C’est ce genre de décisions unilatérales et l’incohérence de leurs propos qui ont amené vos prédécesseurs à leur chute brutale. Vous semblez voir des ennemis partout alors que c’est de vous-même, désormais, qu’il faudrait se méfier. Marina mafy e ! Ce n’est pas parce qu’on n’est pas du même avis que le Tim et que je dis que le Map est le jumeau du Boky mena (Livre rouge de la révolution socialiste) qu’on va forcément vous renverser. Sinon Nicolas Sarkozy lui-même ne serait déjà plus président avec sa côte qui baisse, qui baisse, qui baisse.
A propos des journalistes (malgaches bien sûr), M. Ravalomanana a étalé la bévue -à mon sens car il fallait utiliser le conditionnel si ce n’est pas sûr à 100%- du magazine ROI (Revue de l’océan indien) qui a affirmé, dans un article, la non-tenue du Sommet de l’Union africaine en 2009, alors que Sarkozy lui a affirmé " sa venue fin décembre, début janvier 2009 pour aider à la tenue effective de ce sommet et que les Allemands avaient aussi promis de nous aider de manière consistante ". Pour tout cela, qui vivra verra. Mais là où Marc Ravalomanana cesse d’être le président pour qui j’ai voté et où je crains pour la libertté de presse, c’est lorsqu’il affirme « connaître la personne qui a fait écrire l’article par le journaliste de ROI. Qu’il était dommage que ce soit un étranger, un Allemand, qui constate que ces gens-là ne m’aiment pas ». Le président Ravalomanana a, ici, fait entrer la notion de fierté nationale et a demandé que l’on lave son linge sale en famille mais pas aux yeux du monde. Parce que maintenant, Marc Ravalomanana demande à être aimé « pour avoir fait effacer les dettes du pays par les Américains et les Européens ». Cependant, comme il s’est tourné vers les Chinois pour la construction des lieux où se tiendra le sommet, celui-ci n’aura pas lieu. C’est sur ces arguments que repose l’article incriminé selon le chef d’Etat malgache.
Ensuite, plus j’écoute et réécoute ses déclarations, plus je constate que ses propos, ses phrases sont remplies de ce fameux passage du coq à l’âne. « Je suis au courant des plans pour déstabiliser Madagascar. Ne me forcez pas, moi et le gouvernement que je dirige, à prendre des décisions qui ne vous (qui ?) seront pas du tout bienfaisantes. Je ne cesserai de le répéter. Si je le dis sur un ton sage de « raiamandreny » (parent aîné en général) du peuple malgache, en tant que je suis président de la république, ne nous forcez pas à prendre des décisions qui ne vous serons pas bienfaisantes du tout. Voilà ce que je voulais dire. « Ne nous forcez pas » signifie quelque chose d’important. C’est vous qui voulez nous forcer alors que l‘éducation du peuple malgache est notre objectif commun et doit se faire comme un seul homme, nous et vous ensemble. Pour le moment, il n’y aura pas d’interdiction ni de sanctions pour ces gens. Mais s’ils osent continuer encore, c’est qu’ils nous lancent un défi. Qu’ils continuent et nous allons bien voir par la suite. C’est je dis cela, ici, c’est qu’il y a une raison. Quant à ceux qui se prétendent indépendants, c’est fini pour eux ( ?), car ils pensaient qu’il n’y aurait aucun accord de partenariat avec Sarkozy ». Cela signifie adieu liberté d’opinion et que le maire Andry Rajoelina -et donc la ville d'Antananarivo, déjà financièrement déclassée-, en premier, n’a plus rien à espérer de l’Etat. Or, au début de ses déclarations, Marc Ravalomanana n’avait-il pas dit qu’il travaillerait avec tout le monde y compris les maires sans distinction ? Je passerai sur le « cas » du ministre de l’Education nationale, ancien Grand argentier, Benjamina Radavidson considéré comme « un enfant qui aurait cassé un verre » par le président et je glisserai sur l’Air Force One, indispensable pour « des plans de vol établis entre la France et Madagascar ». Donc pas aussi « budgétivore comme le clament mes détracteurs », a-t-il précisé. En tout cas, pressé par les journalistes, celui qui ne veut pas que l’on presse, justement, à donner une version complètement à mille lieues des réalités en ce qui concerne la non venue subite de Rossy ayant entraîné l’annulation de tous ses concerts à Madagascar. On va finir aussi par connaître la personne qui l’a informé, un ancien copain de Rossy dont il jalouse la renommée et a mis en premier plan le fait qu’il était proche du pouvoir précédent. En trompant le président, il lui fait dire des inepties dont on se souviendra aussi en temps utile.
« La non venue de Rossy a deux raisons. Si je ne me trompe, hier il est allé voir notre ambassadeur à Paris. Il y a une raison à cela qui peut venir de lui ou d’ici car sa venue correspond à la tenue des élections sénatoriales. Cependant, moi je n’ai pas grand’chose de spécifique à déclarer, mais il faut connaître les artistes. Vous savez, vous les journalistes, que lorsque l’inspiration vient aux artistes, ils peuvent faire la girouette : dire je viens puis l’instant d’après annoncer je ne viens pas. Sinon, je ne vois aucun raison particulière qui l’aurait empêché à venir ». Bon, j’ai gardé soigneusement la cassette de ces déclarations en malgache. A moins d’être très mauvais en français -ce qui n’est pas mon cas, croyez-le bien- il s’agit-là , de la teneur exacte des déclarations du président malgache, ce dimanche 13 avril à l’aéroport d’Ivato. Que dire, que penser de plus sinon que cela va apporter encore plus de rancœur au sein du peuple qui n’a entendu, à aucun moment, des mots de réconfort mais plutôt a ressenti des phrases lourdes de menaces. Le président Marc Ravalomanana, au nom du peuple malgache (voire) a parlé pour lui et pour ses desseins personnels : ceux de devenir aussi grand que Napoléon dans sa conquête du cœur et du portefeuille des grands financiers de ce monde. Le bien-être immédiat de ce peuple qu’il bafoue, par conséquent, peut attendre la quatrième république. Rira bien qui rira le dernier… Et n’ayez crainte pour moi. Personne ne m’a jamais dicté ce que j’écris dans ma lutte contre l’injustice d’où qu’elle vienne. Surtout des tenants d’un trop de pouvoir. Cela depuis les « Tsak tsak zato tsy misy » de Tsiranana en 1972, les « Tsy hiala aho » de Ratsiraka en 1991 et l’appui à Ravalomanana en 2002 avec son « Fahamasinana » et son « Fahamarinana » complètement oubliés déjà en ce fameux dimanche là . Enfin, j’ai la certitude que lorsque mes petits-enfants seront majeurs, Marc Ravalomanana ne sera plus président. Mais comme peut-être je serai mort à ce moment-là , autant profiter que je sois en vie pour laisser en héritage écrit ce qui s’est réellement passé, ce qui s’est vraiment dit de nos jours, qui aura entrainé une situation de diktat incontournable et ses lourdes conséquences. Enfin, il faut retenir que si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. Ino vaovao ? Rien de nouveau sous le soleil de Satan (c’est le titre d’un film, n’ayez pas l’esprit tordu à outrance).
Jeannot Ramambazafy
Journaliste
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