Comme c’est écrit noir sur blanc sur le site web de la présidence de Madagascar : « Le professionnalisme étant de rigueur, le Président de la République a, en outre, insisté sur l’importance d’une recherche de partenariat pour appuyer cette préparation, qu’il soit local ou international. C‘est ainsi qu’il a fait part de la visite du Président actuel de la SADC et de son Secrétaire exécutif, le 17 février prochain, pour étudier sur place les secteurs ou les domaines qui nécessitent la contribution de cette communauté régionale ». Uniquement pour ce Sommet de juillet 2009 ! Dans ce même ordre d’idée hautement bénéfique pour son image, Marc Ravalomanana a révélé que « des parlementaires francophones seront également en visite à Madagascar pour faire un état des lieux des préparatifs en vue du Sommet de la Francophonie de 2010 », qui aurait aussi lieu à Antananarivo. Ce qui n'est pas encore sûr à 100% étant donné que la République Démocratique du Congo est aussi candidate pour l'organisation de ce sommet francophone. Toutes ces gesticulations pourquoi, au fait ? « Pour faire de ces sommets une réussite, ceci au nom de la fierté nationale et pour asseoir l’image de Madagascar sur de bonnes bases ». Qu'est-ce à dire sinon que la fierté nationale à la Ravalomanana passe par le retour en force du culte de la personnalité des dictateurs déchus ? Qu’on le veuille ou non, tout cela signifie que, malgré le bel optimisme à propos du MAP, malgré les séances tenues au Palais d’Etat d’Iavoloha, le pouvoir actuel, en 2009, sera encore au stade de l’IEC (Information-Education-Communication) à l’extérieur, alors que l’année butoir est 2012. Or, ce MAP a été établi en décembre 2006 (voir site web du FMI, rapport 07/59). Il faut savoir et se rappeler qu’en ce début de l’année 2008, seulement le 10eme du budget pour réaliser ce beau programme est à disposition. Belle rédaction qui, pour les bailleurs de fonds traditionnels, n’est qu’un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté parmi d’autres. En un mot, tout est à faire sinon à refaire. C’est aussi dans cette démarche IEC que l’ambassadeur de Madagascar aux Etats-Unis, SEM Jocelyn Bertin Radifera a initié, le 17 décembre 2007, le FOMAC (« Friends of Madagascar Advisory Council »). Il s’agit d’un groupe informel d’hommes d’affaires et de personnalités malgaches et américaines. Le but est de « créer une synergie entre les actions menées par tous les acteurs, Malgaches ou Américains, en faveur du développement de Madagascar ». Ainsi, le 4 février 2008, un « road show » est prévu à Whasington, sur le MAP, en présence de hautes personnalités malgaches. Puis en avril 2008, des membres américains du FOMAC viendront à Madagascar pour constater de visu les réalités qui prévalent. Pour SEM Jocelyn B. Radifera : « Le FOMAC entend jouer un rôle dans la mobilisation et la sensibilisation de tous les partenaires de Madagascar en Amérique du Nord ». Mais où en est-on en ce début du mois de février 2008 ?
68,7% vivent en-dessous du seuil national de pauvreté
Voici des extraits du rapport du FMI no 07/240, en date de juillet 2007, intitulé : « République de Madagascar : Note consultative conjointe des services de la Banque mondiale et du FMI relative au Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté ».
« Le gouvernement de Madagascar a préparé sa deuxième stratégie de croissance économique et de réduction de la pauvreté intitulée Plan d’action pour Madagascar (MAP), programme de développement ambitieux qui couvre la période 2007-2012. Le MAP s’appuie sur le premier DSRP préparé en 2003 et sur une large consultation. Il énonce les engagements, stratégies et mesures qui devraient, selon le gouvernement, déclencher un processus de croissance rapide et entrainer un recul de la pauvreté, conformément à la Vision nationale développée par le gouvernement (« Madagascar naturellement ») et aux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies. Le MAP, qui définit les grandes orientations du programme, est complété par des stratégies sectorielles et des plans d’action spécifiques. Cette note consultative conjointe du FMI et de l’IDA met en lumière les domaines dans lesquels, de l’avis des services des deux institutions, les stratégies et programmes qui étayent le MAP doivent être encore affinés, puis mis en œuvre en priorité ». Dans le volet d’analyse de la pauvreté, cette note conjointe précise que « le MAP ne consacre pas de section à l'analyse de la pauvreté, mais la stratégie de réduction de la pauvreté et de croissance économique qu'il énonce repose sur l'analyse de la pauvreté développée dans l’Enquête périodique auprès des ménages (EPM) de 2005. Plus des deux tiers de la population (68,7 %) vivent en-dessous du seuil national de pauvreté. Le taux de pauvreté dans les zones rurales est sensiblement plus élevé que dans les zones urbaines, puisque près des trois quarts de la population rurale et un petit peu plus de la moitié de la population urbaine sont classés parmi les pauvres. Les taux de pauvreté diffèrent aussi d'une région à l'autre; ils sont plus élevés dans les régions côtières de l'Est et du Sud, où plus de 80 % de la population est pauvre. C'est dans la capitale Antananarivo que le taux de pauvreté est le plus bas (…). La nouvelle EPM pour 2007 permettra de disposer de chiffres plus actuels sur la pauvreté, qui seront inclus dans les mises à jour ultérieures du MAP ». En réalité, on ne trouve cette EPM 2007 nulle part.
Détails précis insuffisants sur les sources de la croissance espérée
Ainsi, cette note conjointe révèle que « le suivi de la pauvreté est entravé par l'absence d'une base de sondage actualisée. Les autorités devraient, par conséquent, s'employer en priorité à lancer un nouveau recensement de la population. Le dernier en date a eu lieu en 1993 et, plus de dix ans plus tard, la croissance démographique et les mouvements de population l'ont rendu obsolète. La mise à jour de ce recensement, quoique coûteuse, est essentielle pour assurer un suivi crédible de certains indicateurs clés du MAP (pauvreté monétaire, statistiques des secteurs de l'éducation et de la santé, etc.) ». Miracle ! Le vendredi 1er février 2008, le Dg de l‘INSTAT (Institut national de la statistique), Andriamampianina Rakotomalala a annoncé à la presse que : « Dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement de la statistique (SNDS), validée en décembre 2007, le recensement de la population est programmé ». Ainsi, les préparatifs sont en cours et la descente sur le terrain aura lieu en… 2010 ! Mieux vaut tard que jamais, n’est-ce pas ? A présent, un regard sur les politiques macroéconomiques du MAP. « Conformément à leur programme économique pour 2006-2008, les autorités prévoient de resserrer la politique monétaire pour atteindre leur objectif d'inflation à un chiffre et de conduire une politique budgétaire prudente pour préserver la viabilité de la dette. S'ils sont atteints, les objectifs fixés -diminuer de moitié les avances statutaires de la Banque centrale à l'État d'ici 2012 et augmenter de 50 % les recettes intérieures- devraient permettre de consolider très sensiblement les bases d'une croissance plus rapide. Une augmentation modeste de la couverture des réserves se justifierait compte tenu de la vulnérabilité de l'économie aux fluctuations des termes de l'échange et aux aléas climatiques, mais le doublement de cette couverture prévu dans le MAP apparait excessif si on le rapporte au volume d'importations nécessaire pour atteindre les objectifs de croissance économique et de réduction de la pauvreté. Le MAP envisage un doublement de la croissance du PIB réel, qui porterait celle-ci autour de 7 à 10 % à moyen terme, mais il ne donne pas suffisamment de détails précis sur les sources de cette croissance, les mesures d'accompagnement requises et les niveaux de financement interne et externe nécessaires pour engager l'économie sur ce sentier de croissance durablement élevée. La politique budgétaire envisagée pour la période couverte par le MAP, qui prévoit une réduction du ratio déficit budgétaire/PIB, risque de comprimer plus que nécessaire le niveau de dépenses souhaité. En outre, comme il est indiqué dans la récente analyse de viabilité de la dette effectuée par les services de la Banque mondiale et du FMI, les autorités pourraient maintenir le déficit budgétaire constant (en pourcentage du PIB) sans compromettre la viabilité de la dette si ce déficit est financé à des conditions fortement concessionnelles (Rapport du FMI sur les économies nationales n° 06/306, Appendice-Madagascar : « Joint Bank-Fund Debt Sustainability Analysis ») ». Ainsi, « jusqu'à ce que les réformes clés soient mises en œuvre et que l'on ait identifié des financements externes plus élevés, les autorités devraient continuer de bâtir leur politique à partir du scénario plus prudent sur lequel repose leur programme économique pour 2006-2008 ».
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Les autorités malgaches devront spécifier davantage les politiques à mener…
« Tous les indicateurs du MAP sont liés au scénario de forte croissance retenu par les autorités, qui table sur une augmentation très sensible de l'aide des bailleurs de fonds, une plus forte mobilisation des recettes intérieures et des investissements publics et privés plus élevés que ceux projetés à l'heure actuelle. Le programme économique des autorités pour 2006-2008 s’appuie cependant sur un scénario plus réaliste, qui repose sur les flux d'aide extérieure déjà identifiés et sur des hypothèses de recettes intérieures et d'investissement plus prudentes ». Enfin, dans ce contexte de politiques macroéconomiques, la note conjointe FMI/Banque mondiale indique que : « les autorités devront spécifier davantage les politiques à mener et les besoins de financement interne et externe à satisfaire pour que le scénario de forte croissance du MAP se réalise, et en évaluer les conséquences macroéconomiques. Étant donné le niveau élevé des projections de croissance (par rapport aux chiffres du passé), les autorités auraient pu préciser de manière plus explicite les sources spécifiques de cette expansion et les politiques requises pour atteindre les niveaux évoqués, mais aussi leur engagement à emprunter à des conditions non concessionnelles, à renforcer leur gestion de la dette et à utiliser l'allègement de la dette pour soutenir les dépenses prioritaires. Pour atteindre les ratios recettes fiscales/PIB ambitieux qui sont envisagés, les réformes du code fiscal et du code des douanes seront également essentielles. Elles supposent que l'on renonce aux régimes fiscaux spéciaux et aux incitants fiscaux pour simplifier le système et élargir l'assiette de l'impôt. L'amélioration de la mobilisation des recettes exigera aussi une réforme énergique des administrations douanière et fiscale. Les autorités ayant un programme de réformes fiscales et administratives chargé, elles devraient se montrer prudentes dans la poursuite de l’objectif de recouvrement décentralisé de l'impôt, car les capacités institutionnelles de l’État sont limitées. Il conviendrait aussi qu’elles évaluent les conséquences possibles -notamment pour la viabilité de la dette- des nouveaux emprunts requis pour étayer le taux de croissance élevé projeté à moyen terme ». Il semble que le Président Ravalomanana a cessé toute fanfaronnade et a mis le bouclier de la souveraineté nationale dans le placard des colères non retenues face au Président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick, à Addis-Abeba. Car, ce programme économique des autorités malgaches pour 2006-2008 est appuyé par un accord au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance ou FRPC du FMI. Ainsi, le 30 janvier 2008, le Conseil d'administration du FMI a conclu les deuxième et troisième revues des résultats économiques de Madagascar dans le cadre d'un accord triennal au titre de FRPC. L'achèvement de ces revues permettra à Madagascar de tirer un montant équivalent à 15,7 millions de DTS (environ 25,0 millions de dollars EU), ce qui porte le montant total des décaissements au titre de la FRPC à 31,4 millions de DTS (environ 49,9 millions de dollars EU). D’après vous, c’est gratuit ou les générations malgaches futures sont-elles déjà endettées ? Car une banque, aussi mondiale qu’elle puisse être, demeure une banque avec agio, taux divers et compagnie.« Si nous voulons que l’Afrique (y compris Madagascar donc) change son destin, nous devons établir la paix, la stabilité, la continuité, l’efficacité, la discipline, la bonne gouvernance et le professionnalisme dans nos pays. A Madagascar, nous essayons de suivre toutes ces règles et de trouver notre propre voie ». Ces propos du président Ravalomanana à la tribune de 10ème session ordinaire de l’Union Africaine d’Addis-Abeba, indiquent clairement que la Grande île, en 2008, est bel et bien un pays en voie de… développement encore à la recherche d’elle-même. Aussi, ce n’était pas la peine, il y a quelques semaines, d’avoir annoncé la ferme intention de quitter l’ASECNA (Association pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique), si c’est pour déclarer laconiquement, ce 2 février 2008, que « nous restons membre de l’ASECNA ». Pour l’heure, il y a plus grave. Comme madagate.com l’avait écrit dans un précédent dossier (voir Madagascar : la démocratie confisquée), nul ne peut prévoir le déchainement des forces de Dame nature. Ainsi, le cyclone « Fame » a entrainé des pertes humaines et des dégâts matériels, agricoles et rizicoles énormes. Selon le BNGRC (Bureau national de gestion des risques et des catastrophes), il faudrait 50 millions de dollars EU pour tout reconstruire. Cela n’est pas prévu dans le MAP. Or, Madagascar, classé premier pays en Afrique à être le plus exposé aux cyclones tropicaux, entame à peine la saison cyclonique 2008. La politique extérieure que le ministre des Affaires étrangères Marcel Ranjeva veut « pragmatique » va devenir une politique S.O.S. C’est clair : en ce début du mois de février 2008, l’année 2012 pour atteindre les huit défis du MAP du pouvoir TIM, c’est comme l’année 2000 pour atteindre l’autosuffisance alimentaire sous le pouvoir AREMA. Une promesse du président Didier Ratsiraka dans les années… 1980 ! Faut pas rêver. Madagascar importera encore du riz en cette période de soudure 2008. A l’intérieur du pays. Â
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