Décidément, il faut croire que l’histoire contemporaine de Madagascar est un éternel recommencement. En pire. Alors que le candidat Andry Rajoelina et son TGV s’envolent vers une victoire, c’est le président Marc Ravalomanana qui devient littéralement le directeur de campagne de son poulain Hery Rafalimanana. Du coup, c’est tout l’appareil de l’Etat malgache qui est mobilisé face à ce jeune homme imperturbable qui a démontré un sang-froid, un esprit de battant et de visionnaire à la Jules Verne, lors de l’émission « Invité du zoma » de TvPlus Madagascar. C’était le vendredi 7 décembre 2007 où l’audimat a littéralement explosé.
Ainsi, tous les comptes en banque du candidat Andry Tgv ont été passés au crible. En effet, le Tim, donc l’Etat, le soupçonne d’être financé de l’extérieur, particulièrement par Pierrot Rajaonarivelo, ancien Premier ministre de l’Amiral Ratsiraka, en exil en France et condamné pour détournement de deniers publics. D’une manière qui respire la vérité, même à travers l’écran, le « bandy kely » Andry répondu à Onitiana Realy : « Je ne connais pas ce monsieur et je ne l’ai jamais rencontré de ma vie ». Cette enquête a d’ailleurs fait chou blanc. Et puis, Andry Tgv a répété qu’il ne dirige pas une seule société mais plusieurs. Sa stratégie de gestion lui permet de faire face aux dépenses essentielles à cette campagne. « Et puis, l’association Tgv ne paie pas les gens ni ne loue des véhicules pour les transporter. Chez nous, aucune contrainte et la majorité de ceux qui nous appuient le font bénévolement. Tout le monde, sans distinction de quoi que ce soit, est accueilli à bras ouverts. Nous ne connaissons pas la politique d’exclusion ». Trop sûr de lui, se mentant à lui-même, l’actuel pouvoir, Marc Ravalomanana en tête, est en train de déclencher un mouvement irréversible, réplique du 13 mai 1972. En effet, étant donné que les gens sont quasi certains qu’il y aura fraude, les jeunes Malgaches d’aujourd’hui ne vont pas accepter facilement une victoire du Tim. Si, par bêtise, le tribunal administratif joue la partition d’un bis repetita, les mêmes jeunes -qui forment la majorité de la population tananarivienne- vont se lever comme un seul homme pour lancer à la face de Marc Ravalomanana : « Premier tour dia vita ! ». Du coup, le président dévoile une dangereuse bicéphalité. D’un côté, un homme fort, sensé, rassembleur qui veut démontrer à la face du monde qu’il maîtrise son pays, de l’autre, un homme qui a la pure étoffe des dictateurs en puissance avec sa réélection en décembre 2006. Lui qui déclare qu’il faut retenir les leçons de l’histoire, verse lui-même dans une contradiction ahurissante. A-t-il oublié que tous ses prédécesseurs qui ont toiletté la Constitution à leur avantage ont été déchus par le peuple en colère. Ne sait-il pas que le peuple est versatile mais pas idiot ni enfantin ? Dans ce combat style David et Goliath, l’issue risque fort d’être la même que celle dans la Bible. Best seller sur lequel, justement, il a prêté serment d’œuvrer pour le bien de tous les Malgaches, dans le respect de la vérité (des urnes inclus et de la sainteté.
Le plateau de TvPlus ce vendredi 7 décembre 2007
Pour ce jeune homme, père de trois enfants, l’état d’esprit qui prévaut toujours à Madagascar est l’attentisme : « On attend pour après-demain ce qu’on aurait du faire avant-hier ». Plan d’urbanisme ? « Il y a le mahafinaritra et le mahasoa (le decorum et l’utilité publique). Ce qui a été réalisé sera poursuivi avec un plus vers le mieux-être et l’amélioration de l’environnement au quotidien de la population. Il existe de nombreux urbanistes malgaches. Nous les mettrons à contribution pour embellir les quartiers que les visiteurs de passage ne voient pas, qu’on ne montre jamais aux bailleurs de fonds ». Enfin, bref, des révélations techniques immédiatement réalisables, aux antipodes des habituelles phraséologies soporifiques et démagogiques que font montre les imbus de leur personne. Etre intellectuel ne veut pas dire forcément être intelligent, chers ministres et politicards à la dérive.
Sur ce sujet, Manandafy Rakotonirina, le fondateur du parti Mfm, a fait un deal irréaliste et irréalisable avec M. Rafalimanana. C’est complètement ridicule car tout le monde sait que Manandafy, qui se veut « rouge et expert » a mangé dans tous les râteliers des dirigeants passés et présent. Le parti Grad Iloafo de Tovonanahary Rabetsitonta, le champion de « la pauvreté n’est pas une fatalité », roule aussi pour le Tim, parce qu’il « n’est pas certain de ce qui va arriver si quelqu’un d’autre accède à la première magistrature de la Capitale ». En tout cas, aucun parti d’opposition n’a aligné de candidat dans la Capitale. Quant à la plate-forme de l’opposition elle reste « dans l’expectative ». Pour prendre le train en marche, comme d’habitude, en cas de victoire d’Andry Tgv. Mais, au moins, les opposants ont publiquement dénoncé le report illégal et non fondé de ces élections à Nosy Be, Sainte Marie et Fort-Dauphin…
Concernant les meetings à caractère politique dans la Capitale -interdits en lieux publics depuis 5 ans-, le candidat Andry Tgv ne les interdira pas. Mais ils n’auront plus lieu sur la place du 13-mai, « car nous ne sommes pas là pour détruire ce qui a été réalisé ». Nous allons trouver un emplacement pour que la liberté d’expression soit respectée ». Enfin, au nom de la transparence, la commune qu’il dirigera fera paraître un rapport de comptes annuels destiné aux administrés. Actuellement, les coups bas pleuvent : les chefs de quartiers interdisent aux mandataires des Tanora MalaGasy Vonona de consulter les listes électorales truffées d’erreurs. Des cartes d’électeurs sont bien distribuées mais avec des fautes de frappe intentionnelles ; le chef de quartier n’est pas là car il est allé faire de la propagande… Des choses de ce genre.
Onitiana Realy, rédactrice en chef à TvPlus, la télévision toujours objective
Le dernier mot du candidat, concernant ces élections du 12 décembre prochain : « Je ne réponds jamais au mal par le mal (Tsy mamaly ny ratsy amin’ny ratsy aho). Ce que je demande est que ces élections se fassent dans la plus grande des transparences et le respect des lois en vigueur ». il est permis de rêver. Quoi qu’il en soit, Andry Rajoelina s’est procuré un logiciel spécial qui traitera toutes les données à partir des résultats recueillis manuellement dans chaque bureau de vote et inscrits sur les PV. Un travail de fourmi mais il ne faut rien négliger face à un ogre dont l’appétit ne sera jamais assouvi. En plus, il faut s’attendre à des listes « additives » intensives.
Andry Rajoelina, un "bandy kely" (jeune homme) au calme olympien et l'esprit d'un grand visionnaire
La Une du quotidien "Ao Raha" du vendredi 7 novembre 2007, révélant l'épluchage des comptes d'Andry Tgv
"Ao Raha" du samedi 8 décembre 2007, expliquant la dérobade suspecte d'Hery Rafalimanana
Dernière heure : Hery Rafalimanana s’est désisté pour le face-à -face du 10 décembre. Argument : « Le Tim ne prend pas part à des débats dans le cadre de la campagne électorale ». Ah bon ? A quoi sert la campagne alors ? En bref, la logique du Tim, comme de l’Arema, comme du Psd reste : on ne change pas une équipe qui gagne jusqu’à ce qu’elle perde ». Sincèrement, il est temps que les jeunes prennent leur propre destinée en mains et qu’ils fassent l’histoire pour ne plus la subir éternellement. Il y a un début à tout ! Car à Madagascar, l’alternance n’existe toujours pas : c’est avec moi ou contre moi. Nous faisons bien partie du continent africain. Et, justement, dans quelques mois, Antananarivo va accueillir le prochain sommet de l’Union Africaine. Pour lequel Marc Ravalomanana a vraiment fait des pieds et des mains pour que le pays qu’il dirige l’abrite… La souffrance du peuple peut passer après. Non ?
Jeannot Ramambazafy