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Madagascar/UE: Re-bonjour l’aide comme adjudant et adjuvant !

Jean Michel Servet et Andris Pielbags

Bruxelles, le 19 mai 2014

9562/14

(OR. en)

PRESSE 272

L'UE décide la reprise complète de sa coopération au développement avec Madagascar

Le Conseil a décidé ce jour d'abroger la décision qu'il avait prise à l'égard de Madagascar au titre de l'article 96 de l'accord de Cotonou, qui était en vigueur depuis 2010, entraînant ainsi la reprise complète de la coopération au développement de l'UE avec ce pays.

Cette décision s'inscrit dans le prolongement des élections présidentielle et générale organisées en 2013 à Madagascar, qui ont marqué une étape importante dans le retour à l'ordre constitutionnel ainsi qu'un point de départ pour la consolidation de la démocratie, de l'État de droit, de la bonne gouvernance et de la stabilisation politique.

Les deux élections ont été suivies par une mission d'observation électorale de l'UE, qui les a jugées crédibles.


Mme Catherine Ashton, Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a fait la déclaration suivante: " Je salue cette décision, qui ouvre une nouvelle ère de coopération avec Madagascar ".


M. Andris Piebalgs, membre de la Commission en charge du développement, a ajouté: " La décision d'aujourd'hui montre que l'UE est déterminée à soutenir Madagascar sur la voie de la prospérité et de la stabilité, ainsi qu'à aider les personnes les plus vulnérables du pays, qui ont le plus grand besoin d'une assistance, à sortir de la pauvreté. Je me réjouis à la perspective de me rendre dans le pays en juin pour faire démarrer les travaux de programmation."

La coopération au développement de l'UE avec Madagascar était officiellement suspendue depuis juin 2010, date à laquelle le Conseil avait pris des mesures appropriées à la suite de la prise de pouvoir par la force intervenue dans le pays le 17 mars 2009, en violation flagrante, selon l'UE, de la démocratie et de l'État de droit. L'aide humanitaire et le soutien direct à la population n'ont pas été affectés par le gel de la coopération.

La programmation de l'aide au développement de l'UE en faveur de Madagascar au titre du 11e Fonds européen de développement pour la période allant de 2014 à 2020 débutera sous peu.

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Ah bon ? On attend alors impatiemment la mise en place d’une Haute Cour de Justice incorruptible… Ce qui n’est pas le cas de l’actuelle HCC Rakotoarisoa Jean-Eric… (Photo et titre à la « Une » de Midi Madagasikara du 19.05.2014)

Bravo ! Mais le temps de l’euphorie enthousiaste passé, il faudra bien revenir sur terre, tôt ou tard. Concernant les violations intentionnelles et répétées du nouveau président malgache en trois mois, -et qui se conduis, à travers ses discours "prometteurs" comme s’il était toujours un candidat- j’y reviendrai avec force arguments... Pour l’instant, je vous invite à vous pencher sérieusement - et je m’adresse spécialement aux fameux intellectuelles malgaches, style SeFaFi et autres experts en tous genres, devenus aphones, la situation semblant les arranger- sur la notion d’aide au développement.


Située au cœur du district international de Genève, la Maison des Etudiants Edgar de Picciotto de l'IHEID comporte 135 appartements meublés pour 243 étudiants et l’hébergement de quelques professeurs

Votre attention doit se focaliser sur l'article édifiant rédigé par Jean-Michel Servet, Professeur d'études du développement, à l’IHEID (Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement) Genève, fondé en 1927. Économiste de formation, Jean-Michel Servet s’est spécialisé dans la microfinance, ainsi que dans les politiques de développement et d’aide. Professeur depuis 2003, il a enseigné à l’Université de Lyon II et a occupé la fonction de directeur de recherche au CNRS, à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et à l’Institut français de Pondichéry, en Inde. Il se définit comme un « historien de la pensée économique »…

Makthar Diop reçu par le Président Hery Rajaonarimampianina, le 16 mai 2014

Cet article de Jean Michel Servet s’intitule : « Aide au développement : six décennies de trop dits et de non dits ». Je vous livre, ici, de larges extraits, avec le résumé, le passage sur "l'augmentation de cette aide", suggérée par Makthar Diop, vice-Président de la Banque mondiale pour la région Afrique, en personne, et la conclusion.

Jeannot Ramambazafy – 19 mai 2014

 

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Aide au développement : six décennies de trop dits et de non dits


RESUME

Depuis six décennies alternent des arguments favorables à et critiques de l’aide au développement. Ils s’inscrivent dans les débats politiques, idéologiques et économiques de chaque période, depuis la diffusion concomitante du terme «développement». L’article montre comment le terme «aide» a étonnamment résisté à l’usure du temps et des idées. La liste des pays privilégiés par l’aide, son contenu et donc son système de justification ont considérablement évolué, de même que se sont notoirement transformés les rapports au sein de l’aide entre apports publics et apports privés, soutien technique, apports en nature et contributions financières, aide bilatérale liée et aide multilatérale, etc. Toutefois, quelles que soient les logiques de justification de ces soutiens, quelle que soit la nature des critiques qu’on lui a opposées, quel que soit le constat d’une certaine inefficacité à permettre une croissance des pays bénéficiaires, la désignation d’un ensemble de pratiques sous le vocable commun d’«aide au développement» a perduré en relation avec la montée du poids des institutions publiques et privées qui en ont la charge.

La rhétorique de l’augmentation de l’aide. Du déjà-vu

En 1950, un groupe d’experts est nommé par le secrétaire général de l’ONU pour préciser les intentions de la Charte de l’Organisation en matière de développement. Leur rapport, Measures for the Economic Development of Under-Developped Countries, initie la publication d’une longue série de travaux qui quantifient les besoins, qui indiquent le montant global nécessaire de l’aide et l’effort parallèle des pays bénéficiaires et qui analysent les conditions structurelles préalables au développement. Dix ans plus tard, le président John F. Kennedy (1917-1963) encourage le lancement aux Nations Unies de la première décennie du développement.

C’est un beau programme visant à satisfaire les besoins essentiels des populations. Notons que le contexte est comparable à celui de janvier 1949 pour ce qui est vécu comme un péril communiste. En l’occurrence, l’Amérique latine est pensée comme étant menacée depuis la révolution cubaine. L’Alliance pour le progrès des Américains apporte 20 milliards de dollars d’aide des États-Unis à l’Amérique latine sous condition de réformes agraires et fiscales, qui, sauf au Chili, resteront sur le papier. Le terme «développement» est alors installé au cœur du discours des organisations des Nations Unies, tout comme les pratiques d’aide aux pays désormais dits «PVD» ou «en voie de développement», et l’on annonce encore que cette aide sera efficace rapidement, ce qui permettra qu’elle cesse plus tard…

Ce lien entre aide et développement a été ensuite réaffirmé dans les grands rapports concluant et initiant les décennies des politiques du développement (Rapports Pearson, Brandt, etc.). Il n’est pas une de ces grandes commissions ayant mobilisé des dizaines d’experts réputés qui ne rappellent sous une forme ou sous une autre la nécessité de l’aide, le besoin de l’accroître immédiatement et, pour mieux la justifier celui de la rendre plus efficace ; ce qui signifie que par nature elle pourrait l’être.

En 1960, l’Assemblée générale des Nations Unies avait adopté une motion demandant aux pays dits « riches » de consacrer 1% de leur revenu national à l’aide au développement, proposition que l’on retrouve lors de la Première Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) en 1964 et dans de nombreuses conférences ultérieures, au point de pouvoir la désigner comme un vœu pieu. Avec plus ou moins de réticences, les pays à haut niveau de vie moyen votent mais en général n’acceptent aucun calendrier contraignant pour sa réalisation.

En même temps que fleurissent les rapports des institutions spécialisées et subsidiaires de l’ONU, les pratiques d’aide s’étendent à des pays qui ne sont pas ou plus d’anciennes puissances coloniales (tels les pays nordiques ou l’Allemagne et le Japon qui de fait donnent à l’aide une dimension plus ou moins universelle). En s’universalisant l’aide adopte une double mesure commune, et donc une langue unique pour mesurer le sacrifice du donateur et l’avantage supposé du bénéficiaire : les pourcentages du Produit national brut ou du Revenu national, grandeurs macroéconomiques nées du développement des comptabilités nationales encouragé par les Nations Unies.

Plus concrètement l’aide au développement parle essentiellement au quotidien en dollars, la monnaie du pays aux grandeurs économiques parmi les plus élevées, qu’il s’agisse d’agrégat national ou de son montant moyen par habitant. Ces mesures font partie de la rhétorique de l’aide.

Il est impressionnant de relire aujourd’hui ces rapports, dont, statistiques mises à part, les trémolos sur la pauvreté, sur la nécessité trop souvent opportuniste de la combattre, sur l’ampleur des moyens à mobiliser et sur leur faiblesse par rapport à des dépenses qui peuvent être jugées dans ce contexte futiles, etc., sont aujourd’hui quasi inchangés. Les techniques d’intervention peuvent changer. Les croyances restent, comme les promesses qui n’engagent que ceux qui les reçoivent et auxquelles on fait semblant de croire.

En 1969, la rédaction du rapport visant à savoir «où en est le développement» a été confiée par le président de la Banque mondiale, Robert S. McNamara (1916-2009), à un ancien premier ministre canadien Lester Pearson (1897-1972). Il constate les échecs et insuffisances des vingt années écoulées, sans proposer de changements fondamentaux. Il met l’accent sur l’intégration croissante de ces pays dans le marché mondial par l’essor de leurs exportations(Rapport Pearson, 1969). Il suggère que l’objectif de 1% de la richesse produite par les pays dits «riches» transféré aux pays supposés « pauvres » soit atteint avant 1975 et que, avant 1980, au moins 70% de cette aide soit composée d’aides publiques. Et la deuxième «décennie pour le développement» s’achève en 1980 sur les mêmes insuffisances de mieux en mieux reconnues et mesurées.

La troisième décennie dans les années 1980 correspond à une prise de conscience de l’extrême diversité des «Suds». Mais alors que le retournement néolibéral pourrait ajourner les politiques d’aide, tant le lien peut apparaître important entre les idées keynésiennes et néo-keynésiennes et les politiques d’intervention par l’aide, elles ne sont pas fondamentalement remises en cause. Certes on va alors penser à une aide qui est chargée de favoriser les transformations institutionnelles nécessaires à la soumission des pays aux sacro saintes règles supposées de «l’économie de marché». Mais persiste la croyance dans le miracle du développement, qui pourra se réaliser une fois cette mission ou purge accomplie. À la conférence de Monterrey en 2002 (Nations Unies, 2002), la différence reconnue dans la capacité différente des pays à recevoir des investissements fonde une nouvelle promesse d’accroissement de l’aide au développement pour donner des capacités humaines et institutionnelles à la croissance, matrice supposée du développement économique, social et humain.

L’insistance à affirmer la nécessité de dégager une augmentation de moyens et une meilleure utilisation de ceux-ci devient d’autant plus forte dans les périodes où est constatée une diminution de l’aide (pas nécessairement en termes absolus mais selon la proportion du revenu national des pays donateurs qu’elle représente). La promesse, chaque fois renouvelée, est que ce sacrifice, aux intérêts bien compris, doit permettre à terme plus ou moins rapproché de se passer de l’aide, puisque les pays bénéficiaires quitteront progressivement leur état désigné comme de sous-développement (en 1950 on s’illusionnait sur une période transitoire brève, en se calant sur ce qu’avait été en Europe le plan Marshall et en se leurrant par la confusion entre une reconstruction et une construction).

La politique nouvelle dite des Objectifs du Millénaire de lutte contre la pauvreté a dépassé ce type d’approche parce que la pauvreté est appréhendée comme universelle : elle existe même au sein de pays dits «développés» et persiste dans des pays qui ont accompli des changements positifs pour une majorité de leur population (Servet, 2007b). Mais il est évident que la même idée d’un soutien momentané pour faire décoller les économies se retrouve dans ces OMD. Toutefois l’échéance a été considérablement reportée. Mais dans tous les cas, il y a promesse et espérance de changements grâce à l’aide. Les OMD, comme l’a été pendant plus d’un demi-siècle la promesse de l’aide, sont en quelque sorte tout aussi millénaristes par l’annonce d’un âge d’or après un effort présent.

La menace pressentie, s’il n’est pas mis un terme à la pauvreté, a changé. Ce ne sont plus les mouvements communistes alliant ouvriers et paysans ; ce ne sont plus des maquis ruraux ; ce sont ici le narco trafic, là des intégrismes religieux. L’aide, gage d’une prospérité future, est toujours le prix à payer pour faire face à une menace d’un ennemi dont la pauvreté et donc d’une certaine façon l’envie et la recherche de reconnaissance constitueraient le principal mobile.

CONCLUSION : l’aide comme adjudant et adjuvant


Depuis six décennies, arguments louangeurs et critiques de l’aide au développement perdurent. Ils se moulent dans les débats politiques et économiques contemporains, qui sont chargés de faire face aux ennemis ou aux dangers que les peuples – et surtout leurs dirigeants – se donnent. Selon les époques, les «contre» se situent politiquement à droite et les « pour » à gauche, et inversement, sans qu’il y ait dans aucun des camps du champ politique un consensus assuré, tout au plus des dominantes momentanées.

Le premier temps de cette opposition est celui des origines supposées progressistes liées à l’invention même du terme «développement» dans l’immédiat après seconde guerre mondiale, dans le contexte de guerres anti indépendantistes menées par des puissances coloniales et de la Guerre froide notamment. Les décennies du développement et les rapports internationaux qui les enfantent sont caractéristiques des évolutions suivantes des conceptions de la «solidarité» internationale.

Après la crise (et la diminution) de l’aide publique au développement dans la décennie 1990 et les mouvements sociaux en faveur de l’annulation de la dette des pays «pauvres», les Objectifs du Millénaire et l’accord de Monterrey approuvés dans le cadre onusien et l’accroissement de l’aide dans les toutes premières années du xxie siècle constituent sans doute non pas les éléments d’un consensus stable mais les indicateurs d’un aggiornamento idéologique. Dans les cycles de préjugés et de retournement d’arguments qui caractérisent la pensée du développement et ses liens avec l’aide au développement, toutes les conditions sont réunies pour une nouvelle critique «de gauche» des illusions de l’accroissement de l’aide au développement.

Des termes comme « adjuvant » et « adjudant », qui pour l’un désigne un soutien et pour l’autre un commandement, ont une étymologie commune : aide. Ceci exprime son ambiguïté, née d’une opposition entre la solidarité fondée sur la réciprocité des engagements et des actions d’un côté et la protection assise sur la redistribution et la domination de l’autre (Servet, 2007c, 2010). Cette ambiguïté, ce double visage de l’aide au cœur de toutes les interventions de ce type, a sans nul doute permis au terme de résister à l’usure des mots, beaucoup mieux que d’autres expressions.

Chaque partie prenante de l’aide peut se réfugier dans le sens qui l’arrange, selon les circonstances et les interlocuteurs, voire s’illusionner elle-même sur la véritable nature de ses interventions et pratiques. Mais, du fait d’une telle ambiguïté, il est difficile de s’afficher comme un opposant de l’aide.

Pourtant, devant l’échec de plus en plus annoncé des Objectifs du Millénaire, il serait temps de revoir les illusions de l’aide. Il convient de dénoncer la confusion entre bonne intention et bien lui-même. Un transfert de ressources à défaut d’une mobilisation des ressources internes locales est devenu une partie du problème lui-même que l’aide devait résoudre.

Le diagnostic en avait déjà été fait il y a plus de trente ans : «Maintenir, en s’appuyant sur quelques exemples douteux, que l’aide extérieure peut jouer un rôle décisif pour mettre fin au sous-développement risque de justifier l’emploi de méthodes aussi dangereusement ambiguës que le serait le traitement d’une colonne vertébrale déformée par la fourniture de meilleures béquilles». (Mende, 1975, p. 55-56).

« Il n’y a rien de plus trompeur que la bonne intention, car elle donne l’illusion d’être le bien lui-même ». Emmanuel Bove [1935], Le Pressentiment, Paris, Le Castor Astral, 2006, p. 105.

Pour en revenir à Jean Michel Servet, parmi ses domaines de recherche, citons les politiques d’inclusion financière, l’économie sociale et solidaire et l’histoire de la pensée économique et financière. Prolixe dans son discours, il l’est également dans sa production d’écrits. Parmi ses ouvrages, on peut retenir « L’Euro au quotidien, une question de confiance » (1998), « Banquiers aux pieds nus » (2006), « Le Grand renversement » (2010) ou encore son dernier livre « Les Monnaies du lien » (2012).


Loin de se contenter d’observer et d’étudier à distance les usages de la monnaie dans le monde, Jean-Michel a déjà vécu dans des bidonvilles et côtoyé la pauvreté ; cela lui donne une humanité, un rapport aux autres et un sens de la réalité peu communs.

Mis à jour ( Mardi, 20 Mai 2014 16:55 )  
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