Une fois de plus, la diaspora malgache ne pourra pas voter! Le constat est clair, objectif, et indépendant de tout apparentement à telle ou telle machine politique partisane.
L’approche de l’échéance de l’élection présidentielle malgache confère évidemment une dimension supplémentaire à cette situation de fait qu’il convient de qualifier juridiquement, sans hypocrisie sur les termes convenants, de violation manifeste du principe d’égalité entre les citoyens! Mais au-delà de ce constat du réel et de la carence juridique qui en émane, il importe aussi d’apporter les nuances explicatives adéquates et complémentaires, car tout n’est pas si simple, et tout n’est pas du seul fait des gouvernants actuellement en place.s
Notons au préalable que sur un sujet de cette envergure, aucune réflexion, aucune analyse n’aurait de sens et d’intérêt effectif, si elle sombre lamentablement dans une critique politicienne aveugle de l’Etat, et donc non constructive. Par contre, et c’est dans ce sens que je vous invite à vous inscrire, notre réflexion et notre revendication sur la mise en place de cette participation électorale prendra toute sa plénitude et sa juste mesure, si elle vise à éclairer et orienter fermement les décisions politiques futures des gouvernants sur cette question. L’objectif est noble, car il tend strictement à satisfaire les exigences inconditionnelles de la démocratie concernant l’exercice de notre droit de vote, et non pas à plaire ou déplaire aux ambitions politiques personnelles des uns ou des autres.
L’étude de l’environnement électoral est essentielle car d’une part, elle a toujours constitué la clé de voûte pour certifier la gradation démocratique d’un régime politique, et d’autre part, c’est toujours à partir de l’environnement électoral qu’on peut déduire les qualifications et qualités spécifiques propres au pouvoir politique en exercice.
Si on puise notre réflexion au plus profond des arcanes délicieuses de la mythologie grecque, le mot démocratie signifie clairement, et tout simplement, « gouvernement du peuple ». Venant en éclairage de cette définition, la formule la plus usitée dans le paysage juridico-politique est celle précisant que « la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple ».
A la lumière de cette équation reconnue de l’esprit démocratique, et au regard de la question du vote de la diaspora soulevée sur Madagate par Augustin ANDRIAMANANORO, la première interrogation que notre automatisme intellectuel est en droit légitime de se poser est la suivante: « est-ce que la diaspora participe au gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple malgache, telle que le principe fondateur de la démocratie représentative l’exige ? » La réponse est non, et nul ne pourrait apporter une réponse contraire, sauf à ignorer l’équation juridique précitée! En effet, au-delà d’être l’acte politique majeur d’une démocratie, la participation électorale pleine des citoyens en âge de voter est non seulement un droit fondamental constitutionnalisé, mais c’est aussi le seul acte qui puisse valablement, sur le plan politique, attester de l’appartenance de celui qui l’exerce, à son peuple de référence! En effet, quel est l’intérêt politique pour un citoyen de posséder la nationalité d’un pays, quelque soit ce pays, si dans les faits il est écarté de la vie politique de celui-ci ?
Aujourd’hui, les citoyens de la diaspora participent uniquement à la formation de l’opinion politique malgache puisqu’ils peuvent s’exprimer librement. Mais, puisqu’ils ne votent pas, ils ne sont donc pas des acteurs décisifs de la vie politique malgache, comme le sont les citoyens malgaches résidents à Madagascar.
Ce constat de carence démocratique est certes amer, mais il serait injuste d’attribuer le fait de ce manquement au seul pouvoir actuel, sachant déjà que tous les chefs d’Etat qui se sont succédé depuis 1960 ont été bien plus silencieux que le Président RAVALOMANANA sur cette question.
Mais pour autant, nos gouvernants ne doivent plus ignorer la règle fondamentale selon laquelle «une démocratie n’est conforme à son principe constitutif d’existence que si tout le peuple, soit tout ceux qui sont en âge de voter, peuvent désigner les représentants qui gouverneront en son nom». C’est le fondement même de la démocratie représentative!
Quelles sont donc les perspectives envisageables ? Dans tous les pays où l’Etat malgache est politiquement présent, car diplomatiquement représenté par une Ambassade, les citoyens malgaches devraient être en mesure de voter! Pour autant, il est inutile de se ruer auprès de nos représentations afin de solliciter l’organisation de ce droit de vote, car nos diplomates ne possède pas la compétence d’organisation de ce vote, tant que celle-ci n’a pas été expressément prévue par la loi électorale en vigueur, et bien évidemment budgétisée par la loi de finances. La clé de solution se situe donc au niveau hiérarchique supérieur de l’Etat, et qu’il faut décrypter !
Puisque notre loi électorale actuelle ne prévoit pas le vote des citoyens malgaches résidents dans les pays étrangers où l’Etat malgache est pourtant représenté, la conclusion semble limpide: cette loi électorale n’est pas conforme ni à l’esprit ni aux principes édictés par la Constitution!
En effet, l’article 6 de notre Constitution est explicite en précisant d’une part, que « la souveraineté appartient au peuple, source de tout pouvoir… » et que d’autre part, « …sont électeurs tous les nationaux des deux sexes… ». Le principe d’égalité est donc un principe constitutionnalisé dont la force juridique ne se négocie pas! Ce même article 6 de la Constitution confie d’ailleurs à la loi électorale le soin de déterminer non pas qui sont les électeurs ( puisque la Constitution précise elle même que ce sont tous les nationaux des deux sexes), mais plutôt le soin d’organiser l’application du principe général constitutionnel de participation électorale de tous les nationaux des deux sexes.
Sur le plan strictement politique, la crédibilité et la légitimité de l’élu est directement dépendant de la qualité de la procédure et de l’organisation du vote. Nul ne pourra donc prétendre être le représentant élu de « tous », si ce « tous » n’a pas obtenu la possibilité de voter.
Sur le plan strictement juridique, la loi électorale, pour être l’expression de la volonté générale, ne peut exprimer le moindre désaccord avec le principe constitutionnel d’égalité entre tous les citoyens et entre tous les électeurs.
Conformément à ce qui a été dit plus haut, tous ces développements confirment effectivement que tout n’est pas si simple et que tout n’est pas du seul fait du pouvoir en place. Effectivement, à y voir de plus prés et de manière plus fine, il revient strictement aux juges de la Haute Cour Constitutionnelle de déclarer l’inconstitutionnalité des lois et décrets d’application qui ne sont pas conformes aux principes édictés par la Constitution, en l’espèce ici le principe constitutionnel d’égalité entre tous les citoyens et entre tous les électeurs!
Encore faudrait-il que la Haute Cour soit saisie de cette question, et qu’elle puisse s’exprimer de manière indépendante ce que, pour l’instant, et ce depuis quatre ans, nous n’avons aucune raison de douter.
La réalité juridique est donc tout aussi désarçonnante que la nuance suivante qu’il faut retenir: en vertu de la Constitution malgache la diaspora possède et a toujours possédé le droit de vote au même titre que tous les citoyens malgaches, mais par contre elle n’a jamais eu la possibilité d’exercice de ce droit de vote sur son territoire de résidence!
Indépendamment de toutes les considérations politiques et juridiques développées ici, cette carence démocratique en matière de vote opère implicitement une dichotomie flagrante entre le peuple malgache de Madagascar et le peuple malgache de l’étranger. Cette considération territoriale divisante qui, espérons le, n’est pas délibérée, est certainement encore plus nocive que toutes celles que l a diaspora pourrait subir, ou être exemptée malgré elle, sur le plan du droit et de la politique.
André Haja RESAMPA.