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une ambiance nauséabonde au royaume de la vanille

photo Madagascar-Jeannot Ramambazafy-Tsangam-bato Antalaha

La ville d’Antalaha, royaume de la vanille de la Grande île (lire portrait de Fanja Roger Arinjaka, par ailleurs) se situe à 1h20 de la Capitale malagasy, en ATR d’Air Madagascar. C’est une bourgade paisible. Mais en apparence seulement. Car une ambiance nauséabonde d’injustices sociales y prédomine. Investigations de notre envoyé spécial Jeannot Ramambazafy.

 



photo -Madagascar-Antalaha

photo-Madagscar-Antalaha-Borne kilométrique arrivé à Antalaha

 Photo- Madagascar-panneau d'indication d'Antalaha
 
Après moins d’une heure de route, sur cette superbe voie bitumée reliant Sambava à Antalaha, quelque 80 km, nous arrivons dans une ville assez peu animée, si on compare avec la frénésie tananarivienne. Etant sur la côte nord-est de la Grande île de l’océan Indien, la mousson y envoie du crachin en intermittence et même que des pluies diluviennes se sont abattues lors de mon séjour dans cette ville de près de 80.000 habitants répartis dans 16 "Fokontany" (quartiers) sur 80 km². Après avoir réglé les problèmes d’hébergement, avec un confrère, nous sommes allés aux nouvelles. Arrivant sur la place du marché, nous sommes tombés sur les graffitis suivants.


photo-madagascar-Tag de Ravalomanana miala
Ravalomanana intermédiaire : dehors !

photo-madagascar-Tag   de Hetra tsy zaka
On ne peut plus supporter les taxes et impôts. Ravalomanana : dehors !

Pourquoi les murs ont-ils parlé ? En passant, ce sont les seuls graffitis que nous avons pu prendre en photo, tous les autres ayant été effacés rapidement sur nombre de murs et de bâtiments. Contrairement à avant -c’est-à-dire il y a dix ans- les gens n’ont plus peur de parler à des journalistes. A condition de garder l’anonymat et de ne pas être pris en photo. Pour ce qui concerne le bois de rose, qui implique des tas de gens, il apparaîtrait que la situation va en s’améliorant. Mais c’est au niveau des impôts et autres taxes professionnelles que rien ne va plus. Et c’est le service des contributions directes qui est pointé du doigt. Quel est le mécanisme infernal que même une mission de Bureau indépendant anti-corruption (Bianco) récemment descendue sur place, n’a pu résoudre ?

photo-Madagascar-la plaque du cordonnier capable
Un artisan capable et non coupable

Sous prétexte que tout le monde doit s’acquitter de ses devoirs de contribuables, des équipes du dit-service vont chez les gens pour normaliser leur situation. Et là, c’est l’arnaque pas possible. Une dame propriétaire de maison : « J’avais à payer 3 millions 500 pour ma maison. Ils m’ont donné un reçu où le montant était de… 2 millions 500 ». Un marchand du marché : « Comment voulez-vous que je paie 1,9 million alors que la valeur de mes marchandises n’atteignent même pas ce montant ? Certains marchands ont vu leurs marchandises confisquées sans espoir de retour ». Actuellement, alors que la loi sur les impôts n’est pas tout à fait comprise par le commun des Antalahais, la grande majorité des marchands n’ont pas de carte professionnelle rouge. C’est-à-dire qu’ils sont à la merci de la moindre « saute d’humeur » de ces équipes des contributions directes. Même le premier magistrat de la ville semble désarmé, ligoté… Du coup, c’est directement le président Ravalomanana qui est donc pris à parti, par graffitis interposés. Parce qu’ici, les gens ont une peur bleue des agents de l’administration (« Olom-panjakana ») qui usent et abusent donc de leur pouvoir.

 

photo-Madagascar-borne kilométrique-Antalaha-Aerodrome

Sur la route, malgré le nombre augmentant d’accidents mortels, vous verrez des Renault 4 où s’entassent une petite quinzaine de personnes ! Alors qu’il existe des agents de police en ville et des éléments de la gendarmerie sur la RNT 53. Faut-il vous faire un dessin ? Ici, la corruption est reine mais les gens ne veulent pas témoigner. C’est sûrement pour cela que la récente mission du Bianco a fait chou blanc. A moins que… Mais n’y pensons pas. Disons qu’elle a dû se contenter de rapports trompeurs et n’a trouvé personne pour venir témoigner. Et pour cause. Le meilleur moyen de débloquer cette situation vraiment puante d’injustices est que les vrais responsables soient punis, entrainant les gens à parler. Mais cela devient un cercle vicieux. En tout cas, ce que nous décrivons plus haut n’est que la partie émergée d’un iceberg de passe-droits inimaginable. Sur un autre plan, nous avons aussi été déçus. Nous qui comptions ramener des « voan-dalàna » (souvenirs) sous formes de produits marins (crevettes, crabes, langoustes…) nous n’avons rien trouvé de tout çà. Ni au marché ni en boutique. Le fait était tellement curieux pour une ville située en bord de mer, que nous sommes aussi allés aux nouvelles à ce sujet.

 

photo-Madagascar-les chercheurs des pieuvres sur la mer
Ces gens cherchent des pieuvres qu'ils vont vendre sur le marché, à défaut de crevettes

photo-Madagascar-tailleur service rapide à Antalaha
Ah, si la justice était aussi rapide que le service de ce tailleur en ville...

photo-Madagascar-commune urbaine d'Antalaha-Mairie
La Mairie de la ville. Mais M. Le Maire semble ligoté dans ces actes d'assainissement même

photo-Madagascar-les zébus au bord de la mer
Puisqu'on ne peut pas se baigner dans cette mer toujours démontée, laissons la place aux zébus !

La raison de cette « disparition » de produits de mer à Antalaha est simple mais féroce. Une authentique mafia possédant de gros camions rafle, à moindre prix des tonnes et des tonnes de ces produits à leur source. C’est-à-dire au Cap Est, distant de 50 km. A l’entrée de ce fameux Cap Est où foisonnent les crevettes (« makamba ») et compagnie, a été construit, récemment, une sorte de portique pour empêcher que des véhicules de gros tonnage passent. Peine perdue : le portique en question a été détruit intentionnellement. Du coup, ce sont les richesses naturelles même de la région qui disparaissent au vu et au su des autorités soit disant compétentes. Sans aucun profit pour la population, le grand nombre. Hors campagne de vanille donc, on se demande vraiment de quoi les Antalahais survivent. Ici, peu de distractions saines, pas de circuit touristique qui vaille le coup, une mer tellement démontée qu’on se demande si elle n’est pas aussi en colère contre toute cette injustice, tous ces abus de pouvoir qui ne font que paupériser de plus en plus, une population qui n’en peut plus de vivre dans la peur.

 

photo-Madagascar-une vue du phare de la plage
Une vue du phare, de la plage mouillée par la mousson, de la jetée et du "port" au loin

photo-Madagascar-Antalaha
Cette jeune fille de 16 ans ne sait plus quoi faire de sa vie et va aller à l'église. C'était samedi matin à 6h. Elle est adventiste

photo-Madagascar-vue de la mer d'Antalaha
Ne vous demandez plus pourquoi tous les trafics par voie maritime sont possibles...

photo-Madagascar-une manche de cuillère sur la luute conte le SIDA-
Ici, tout de même, la lutte contre le Sida va très loin. Même sur les ustensiles de table. "Malagasy faisant front au Sida" peut-on lire sur le manche d'une cuillère dans un hôtel

Aucun des journalistes qui m’ont accompagné là-bas n’osera écrire un article à ce sujet, c’est certain. Mais ils sont tous au courant de ces injustices qui prédominent, jusqu’à empuantir la bonne senteur de la vanille. Je ne leur jetterai pas la première pierre… Pourquoi moi, dès lors ? Tout simplement parce qu’à un moment ou un autre, il faut bien que quelqu’un fasse vraiment son métier de journaliste. Qui est celui d’informer et de communiquer. A 54 ans, le 6 août prochain, après avoir été otage dans cette même région il y a 16 ans, ma lutte contre toutes les formes d’injustice ne saurait faiblir. Il ne s’agit pas de renverser le pouvoir actuel mais de l’informer de faits tout à fait aux antipodes de sa propre conviction qui est la justice pour tous. Voilà les vraies raisons de ces graffitis qui interpellent directement le président de la république. Certains veulent faire croire qu’il s’agit d’un mouvement d’opposants. Avec ce raisonnement, c’est toute la population d’Antalaha qui est opposante. Pas au président lui-même mais aux pratiques nauséabondes de quelques-uns qui entendent lui faire porter le chapeau. Alors ? Si l’attrait de l’argent est plus fort que la volonté de se développer de manière durable, Madagascar est mal partie et restera sempiternellement un pays en très bonne voie de sous-développement. Enfin, il est certain aussi que le royaume de la vanille n’est pas la seule ville où ce genre d’abus en tous genres prévaut. Mais qui donc a intérêt à ce que les descendants des Malagasy de la prochaine décennie subissent les malversations de ce début du troisième millénaire ? La balle est dans le camp de Marc Ravalomanana lui-même, désormais. Mais les informations parviendront-elles jusqu’à lui, sur le départ pour Beijing ? C’est vraiment le moment de croire et de prier pour ces pauvres Antalahais.

 


Votre serviteur qui ressemble vraiment à Don Quichotte

Jeannot RAMAMBAZAFY

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Mis à jour ( Mardi, 07 Octobre 2008 20:29 )  
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