Barack Obama, un candidat extraordinaire !
Tel a été le constat de SEM l’Ambassadeur des USA à Madagascar, Niels Marquardt, lors d’une émission spéciale sur Viva Télévision Antananarivo, dimanche 9 novembre 2008.
Premières impressions :
J’étais ici, dans ma résidence (Ndlr : à Ambaranjana, dès 5h du matin, le 5 novembre 2008), avec beaucoup d’amis, beaucoup de Malgaches, beaucoup d’Américains, pour vivre en direct cette élection historique. J’ai été très fier d’être Américain, très fier de mes compatriotes, du processus par lequel ils ont élu notre nouveau président. J’étais aussi très très fier au moment des discours des deux candidats John Mc Cain et Barack Obama ; de la façon à laquelle ces deux candidats qui avaient fait lutte l’un contre l’autre pendant plusieurs mois, vraiment une lutte acharnée. Et au moment de la du résultat démocratique du peuple américain, l’un (Mc Cain) a tendu la main à l’autre (Obama), cela a été accepté et je crois, maintenant, que le peuple américain est très uni autour de la présidence qui va venir de Barack Obama.
A propos de la hausse du taux de participation des électeurs américains :
Je pense que c’est plusieurs choses à la fois. D’abord, à l’évidence, Barack Obama s’est montré comme un candidat très attractif, intelligent, jeune, dynamique avec beaucoup d’idées ; avec une famille exemplaire. Il y avait beaucoup d’éléments attirants dans sa candidature. Le Président Elect, Barack Obama a aussi évoqué la situation précaire aux Etats-Unis et dans le monde dans son discours. Il a dit que le chemin devant nous ne sera pas facile. Donc, je pense que les Américains ont bien compris les enjeux. Ils ont compris qu’il fallait s’engager dans ce choix parce que la démocratie c’est la participation et la responsabilité. J’avais vraiment l’impression, en parlant avec mes amis, ma famille, les Américains, que l’on se sentait très concernés et responsables. Et je pense aussi qu’au niveau de la jeunesse américaine, il y a eu beaucoup de citoyens qui n’avaient pas participé auparavant : ou bien parce qu’ils étaient trop jeunes ; ou bien parce qu’ils ne voulaient pas. Cette fois-ci ils étaient convaincus de la nécessité de la participation. En tant que père, j’ai quatre filles et deux d’entre elles ont pu voter pour la première fois cette année. C’était très intéressant de voir jusqu’à quel point elles étaient intéressées. J’ai reçu des e-mails après. Ils disaient combien elles étaient ravies du processus et, je peux le dire aussi, du résultat.
Pourquoi ce rush extraordinaire vers un candidat démocrate ?
Comme je le disais, Barack Obama était un candidat extraordinaire, vraiment extraordinaire. Il rappelle à beaucoup de monde l’élection de 1960 avec John F. Kennedy. Moi, j’étais encore tout petit mais je m’en souviendrais toujours. Il y avait aussi la candidature de son frère en 1968, Bobby Kennedy. Comme on disait, il y avait beaucoup d’électricité dans l’air. J’ai éprouvé la même chose autour de Barack Obama cette année. Mais aussi son organisation, sa façon de faire du found leasing pour financer sa campagne ; et l’organisation au niveau des grass roots à travers notre pays. J’ai parlé avec un ami qui m’a dit que sa femme avait reçu cinq appels de l’organisation de Barack Obama pour lui offrir une voiture pour l’amener au bureau de vote. Ce n’est qu’un exemple de cette forte organisation. Car parfois les gens ont l’intention d’aller au bureau de vote mais finalement n’y vont pas. Cette année tout le monde a été mobilisé et l’esprit de corps des Américains a été très fort envers la participation. Il fallait voter ! Voyez sur le revers de la veste de Barack Obama : I voted, c’est-à -dire j’ai voté. Et tout le monde voulait voter cette année.
Change we need ! Cela explique-t-il la conversion des états qui n’avaient jamais encore voté pour les démocrates ?
Encore une fois, plusieurs facteurs étaient en jeu. Barack Obama était un très bon candidat. Je pense que les gens ont bien évalué. Nous avions les débats dans chacun des candidats, les débats entre les co-listiers ; moi-même, comme des dizaines de millions d’Américains, j’ai regardé et écouté ces débats pour, justement, faire l’évaluation entre les deux candidats. La situation actuelle dans le monde avec deux guerres, en Irak et en Afghanistan, la réputation de notre pays un peu en baisse, avec la situation financière très difficile, etc. Tout cela, je pense, a convaincu le peuple américain de l’importance de son choix. Il fallait vraiment bien choisir l’individu le plus capable de gérer cette situation. Je pense que Barack Obama -ce n’est pas seulement lui car un président ne gère pas seul- est l’homme qu’il faut. On est convaincus et ses actions ont déjà commencé avec son choix du directeur de cabinet à la Maison Blanche. ET on attend qu’il fasse encore de très bons choix comme ministres, comme secretaries dans notre gouvernement. Son organisation, son found leasing a été très puissant cette année. Tout cela ensemble a fait en sorte qu’il y a eu une hausse de presque 20% de la participation électorale par rapport à l’élection d’il y a quatre ans. Il faut aussi dire que dans notre système c’est normal. Il y a cette pendule qui passe, pas entre les deux extrêmes mais entre les deux partis. Après huit ans de républicains à la Maison Blanche avec tous les problèmes qu’il y a dans le monde, le résultat n’est pas surprenant. Ce n’est pas surprenant que nous, Américains, ayons opté pour un changement qui nous permettra peut-être de mieux gérer ces circonstances difficiles.
Comment Barack Obama et son équipe vont-ils redresser la situation économique des Etats-Unis ?
C’est çà la grande question parce qu’on a beaucoup parlé, lors de la campagne électorale, des impôts. Les Américains, sur le plan général, ne veulent pas une hausse des impôts mais en même temps nous avons des déficits qui sont troublants. Cela va à l’encontre de nos valeurs de transmettre d’une génération à la suivante les dettes de notre gouvernement. On a fait cela il y a dix ans, dans l’administration de Bill Clinton. On est passés d’une situation déficitaire à une meilleure situation. C’est toujours possible, les Américains sont très croyants dans les possibilités, mais je pense que ce sera un défi très très difficile et la libération ne va pas venir du jour au lendemain, çà c’est certain. Mais il y a aussi la politique annoncée dans les débats du sénateur Barack Obama de mener à terme la guerre en Irak le plus vite possible. Cela nous coûte très cher et c’est donc lié à notre situation budgétaire. Je pense donc qu’il sera pressé. Il ne va pas attendre longtemps et même, dès le 20 janvier 2009, on saura, à travers ses choix de ministres, etc. On saura quelles seront les grandes lignes de sa politique, enfin de ses politiques quoi.
Oui, je crois que c’est vraiment un rendez-vous historique pour le peuple américain. Nous connaissons notre histoire… On sait qu’il n’y a pas si longtemps, les Noirs américains étaient les esclaves de notre pays. Ils ont été émancipés il y a, à peine, 40 ans. Depuis lors, ils ont eu du mal à avoir leurs droits civiques, pouvoir voter réellement… J’ai beaucoup d’amis qui n’auraient jamais cru voir un président afro-américain pendant leur vie. Donc, c’est un moment vraiment émouvant pour nous, de voir jusqu’à quel point nous sommes allés au-delà de cette question de race. Je pense que c’est surtout çà que l’on a pu constater dans les réactions des gens comme Jessie Jackson. Pas seulement les afro-américains mais aussi les blancs. Nous avons vécu trop longtemps avec cette question de race. Maintenant nous pouvons espérer. Ce n’est pas encore fini mais on peut vraiment espérer. Nous avons fait un saut en avant et, comme l’a dit Barack Obama hier (8 novembre 2008) : « chaque américain, quelle que soit la couleur de sa peau, peut envisager, peut espérer de faire tout ce qu’il veut dans sa vie sans discrimination ». Cela est extraordinaire pour tous les Américains !
Vivre l’American Dream ?
Le rêve américain est tout à fait vivant dans notre pays et, maintenant, on constate que çà s’applique à tout le monde. On a aussi vu, à travers la candidature d’Hillary Clinton que les femmes auraient pu facilement être présidente. La lutte était très serrée pour être candidat des démocrates entre Hillary Clinton et Barack Obama. On a vu aussi la candidature de Sarah Palin comme vice-présidente des Etats-Unis. C’est très important parce que c’était la première fois et je pense qu’il n’y a pas d’Américain, aujourd’hui, qui peut se permettre de se limiter dans ses aspirations. Ce rêve américain est fort, il existe toujours. Nous avons souvent eu des présidents qui n’étaient pas nés dans des circonstances favorables. Certes, ils ont été plus bénis par les circonstances mais je crois que le rêve américain est toujours fort.
Recherche d’accalmie, d’apaisement de la part des Américains ?
Evidemment. Je crois qu’il y a beaucoup de monde qui veulent des changements. Etant convaincus qu’à travers la présidence de Barack Obama, ils auront ces changements. C’est dans l’air, c’est dans l’attente de beaucoup de monde.
Obama, mixage de Martin Luther King et John F. Kennedy ? Signal fort vers le monde ?
Ce n’est pas à travers la couleur de sa peau que Barack Obama envoie un signal fort. Je pense que c’est à travers ses mots. Il a déclaré, lors de sa campagne, que la réputation des Etats-Unis à travers le monde était en baisse, que nous sommes considérés comme trop arrogants, trop unilatéralistes, etc. Il a reconnu tout çà et il a promis de lancer une consultation avec le monde, surtout avec nos amis afin d’arriver aux meilleurs solutions aux problèmes auxquels tout le monde fait face actuellement. Je pense que tout çà répond aux exigences, aux aspirations, aux demandes des populations à travers le monde.
Quid de la politique étrangère sous l’administration Obama ?
Dans sa campagne, il a beaucoup parlé de l’importance d’une action concertée et multilatérale dans le monde. Pas d’actions unilatérales, beaucoup plus de dialogues, beaucoup plus d’écoutes à ce que disent nos amis mais aussi ceux qui ne sont pas nos amis, pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Je pense que nous verrons cela. Nous verrons beaucoup plus d’ouverture envers l’extérieur et je dois aussi dire que, de notre côté, viendront aussi des attentes. C’est-à -dire que si on va consulter nos amis, on va le faire dans l’attente à ce que nos amis vont apporter des choses en tant que solutions aux problèmes que nous allons essayer de résoudre ensemble. Donc ce n’est pas seulement de la concertation mais c’est aussi l’attente d’une meilleure coopération réelle.
Que peuvent espérer les pays africains de l’administration Obama ?
Je pense que, symboliquement, que l’élection de Barack Obama est très importante pour les Africains. J’ai passé beaucoup de temps de ma vie en Afrique. J’y ai été lorsqu’il (Obama) a fait son voyage en 2006 au Kenya. Il avait d’ailleurs fait un discours qui était très direct. Il avait demandé beaucoup de responsabilité de la part des Africains. Ce n’est pas seulement les aides qu’il faut attendre mais aussi la responsabilité. Je pense qu’il va dire les choses telles qu’il les voit. Mais comme je le constate -comme je le disais, je suis en Afrique, pas en permanence mais j’y ai fait beaucoup de va-et-vient depuis plus de trente ans-, j’étais volontaire de la paix au Rwanda : je n’aurai jamais pu imaginer la visite d’un président américain au Rwanda. Le peuple américain ne savait pas où était le Rwanda. Cette année même, nous avons eu la visite du président Bush à Kigali. Mais il a aussi visité beaucoup de pays africains. Pas seulement sur ce voyage mais à une autre époque. Je me souviens de sa visite au Ghana, en 1998, je crois. Il y avait peut-être deux millions de personnes qui l’avaient accueilli. Il a visité bien d’autres pays africains. Le président Bush a aussi beaucoup visité l’Afrique. Depuis presque deux décennies, çà devient normal qu’un président américain visite l’Afrique, fasse attention aux besoins de l’Afrique, s’engage avec les leaders de l’Afrique, les écoute et fasse sa politique en concertation avec ses confrères africains. Sous l’administration Bush, nous avons multiplié par quatre les ressources américaines destinées au continent africain. C’est quand même énorme que de quadrupler nos contributions ! Sans parler des fondations américaines comme Gates et d’autres, et sans parler des actions bénévoles des citoyens américains au quotidien. Il y a donc beaucoup d’engagement américain sur le continent africain. Ce que j’attends, est que cet engagement continue. Nous n’allons pas lâcher et on va continuer à essayer de renforcer, en Afrique, la démocratie, les marchés libres, attirer les investissements. On va combattre les fléaux comme la corruption, le vih sida, le paludisme et d’autres maladies qui rendent la vie très difficile pour les millions d’Africains. Donc, je pense que Barack Obama est bien africain dans son origine ; son père venait du Kenya c’est une grande pour les Africains mais aussi pour moi. Mais je pense qu’il faut être réaliste et que ce sera une continuation de la politique américaine actuelle
Quid de la coopération américano-malagasy sous Barack Obama ?
Je pense que Madagascar a bien trouvé sa place sur la carte du monde aux Etats-Unis. J’en ai parlé à l’occasion du 4 juillet (Independence Day) : le fait que nous avons des traités d’amitié et de commerce avec Madagascar depuis 140 ans maintenant. Cependant, ces liens ne sont pas renforcés pendant ces 140 ans comme il l’aurait fallu. Beaucoup de raisons à cela mais je pense que maintenant Madagascar est un pays démocratique ; c’est un pays qui est ouvert au monde ; qui essaye d’attirer l’intérêt de tous sur les possibilités ici ; il y a beaucoup plus de Malagasy qui vont leurs études aux Etats-Unis comme dans d’autres pays du monde ; nous avons fêté, la semaine dernière, le quinzième anniversaire du Corps de la Paix à Madagascar. Il y a, maintenant, des centaines d’Américains qui parlent le Malagasy, qui ont vécu à Madagascar, qui sont presque comme une diaspora américano-malagasy qui habite aux Etats-Unis. Et autour de ces gens, se créent vraiment des associations qui sont là pour renforcer nos liens. Mais il faut faire plus parce qu’il faut rattraper le temps perdu pendant ces décennies… perdue si vous voulez… Je suis là pour çà , je veux vraiment renforcer les liens dans l’éducation, l’anglais comme langue nationale, ce qui est d’autant plus important parce que les Malagasy étudient chez nous, entre autres. Mais il y aussi l’amélioration du climat d’investissement à Madagascar pour faire en sorte que les investisseurs américains viennent massivement investir et créer des emplois pour les Malagasy qui en ont besoin.
Liana Herisoa, rédacteur en chef du Jt de Viva Télévision
Transcription et mise en ligne :
Jeannot Ramambazafy, journaliste
Pour madagate.com
Lundi 10 novembre 2008