Lalao Ravalomanana au naturel
Madagascar est vraiment le pays de tous les impossibles ! Voilà que, depuis aujourd’hui (3 février 2012), une station de télévision privée diffuse un spot sur le retour de Lalao Ravalomanana, épouse de Marc. Avec un graphisme de campagne électorale présidentielle. Comme si c’était une personnalité politique de premier plan qui avait changé la vie des Malgaches, en 7 ans. Qui aurait été chassée et qui reviendrait pour reconquérir le pouvoir. Bien sûr, n’importe qui peut acheter une plage publicitaire pour n’importe quel produit. Mais à propos de Lalao Ravalomanana, née Rakotonirainy, c’est tendancieux et çà trompe encore l’esprit des nombreux illettrés que comptent nos contrées de l’hémisphère sud. Mais c’est sûrement cela la communication de haute voltige selon l’agence sud-africaine Meropa de l’incontournable Peter Mann…(voir l'affiche plus bas).
Voici un article qui va aider certains à réfléchir (ou non) sur une démarche, inédite en 52 ans d’indépendance, signée Ra8. Qu’est-ce qu’une Première Dame ?
En général, il s’agit de l’épouse d’un président. On pense que son origine est anglaise, le terme « First Lady » désignant, originellement, la femme du président des Etats Unis d’Amérique. Par la suite, il a été repris et traduit dans d’autres langues, mais pas en malgache. C’est vrai. On a toujours dit femme du président (« Vadin’ny filoha ») mais jamais Première Dame (« Vehivavy voalohany »).
En France, ce terme désigne le premier personnage féminin dans un ordre protocolaire, depuis l’ère de l’empire : Reine, Impératrice, régente… Toutefois, est c’est cela qu’il faut préciser : si la Première Dame peut avoir des attributions protocolaires, par contre elle ne dispose d’aucun titre officiel. Surtout pas dans le domaine de la politique.
Et si le président de la république est une femme, son mari peut se voir attribuer un nom équivalent de Première Dame, mais toujours sans rôle à jouer dans les affaires de l'Etat. Et de nos jours, cela ne se fait que très peu. Si vous en connaissez, faites-le moi savoir.
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A Madagascar, il y a eu, en 52 ans, les personnalités suivantes, qui se sont succédées à la tête de l’Etat : Philibert Tsiranana (1959-1972), Gabriel Ramanantsoa (1972-1975), Richard Ratsimandrava(1975), Gilles Andriamahazo (1975), Didier Ratsiraka (1975-1993), Albert Zafy (1993-1996),Norbert Lala Ratsirahonana (1996-1997), Didier Ratsiraka (1997-2002), Marc Ravalomanana (2002-2009), Andry Rajoelina (2009 à nos jours).
Ainsi, pour le titre de Première Dame, il y a eu Justine Tsiranana, Yvonne Ramanantsoa, Thérèse Ratsimandrava, Thérèse Zafy, Céline Ratsiraka (deux fois donc), Lalao Ravalomanana, Mialy Rajoelina. Mais personne ne connaît le nom de l’épouse de Norbert Lala Ratsirahonana et celle de Gilles Andriamahazo. Car elles ne se considéraient pas comme des personnalités politiques et aucun Malgache ne les considérait comme telles. Ce n’est que durant l’ère de la révolution socialiste qu’ont débuté les actions socio-humanitaires d’épouse de président, commencées par Céline Ratsiraka avec ses crèches, mais sous l’étiquette du parti Arema fondé par son mari l’Amiral-aux-36-pompes.
Concernant Lalao Ravalomanana, elle n’a pas fait grand’chose -sauf un message sans lendemain tous les 8 mars- pour ne pas porter ombrage à un mari qui a occupé, à lui tout seul, un grand espace (politico-financier) mais qu’il a fini par fuir. Lalao Ravalomanana, c’est l’image même du « Kofehy manaraka fanjaitra » (fil qui suit le chemin de l’aiguille), car avec ce Marc-là (« Ilaivalo avy ao Imerikasinina») on ne rigole pas souvent.
Quant à Mialy Rajoelina, les actions sociales et humanitaires, elle les a dans le sang -c’est héréditaire- et elle les perpétue à travers son association dénommée Fitia. Mais sans aucun rapport avec les affaires politiques de son mari Andry Tgv devenu président de la transition. Tout cela pour vous faire comprendre, que la Première Dame n’a jamais, n’est jamais et ne sera jamais présidente de la république. Que ce soit pour le titre ou pour les pouvoirs conférés au Chef de l’Etat.
Marc Ravalomanana : "Lalao, j'ai dit: tu rentreras samedi !"
Mais avec Marc Ravalomanana, c’est tout comme si son épouse avait le même rang que lui. Et voilà qu’il vient de créer encore plus de confusion dans l’esprit de certains Malgaches. « Lalao, Neny, va revenir à Madagascar, samedi » (demain 4 février 2012). Et alors ? Elle ramènera avec elle la reconnaissance internationale ? La fin de la transition ? L’amnistie générale (même pour les crimes de sang) ? Le vaccin contre le Sida ? Vues d’esprits biscornus dans de grands corps malades...
La future présidente de Madagascar ? L'affiche vue dans le spot TV et certains journaux. Trop beau pour être honnête, pour être vrai. De la réclame, quoi ! Il semble même qu'elle a le visage boursouflé. Je ne sais pas mais ce n'est pas authentique tout çà ! Va-t-elle apporté le beau temps en cette saison cyclonique ?
Lalao Ravalomanana n’a jamais eu de comptes à rendre à la justice malgache qui ne l’a jamais poursuivie pour quoi que ce soit. Elle ne peut être tenue responsable des lubies criminelles de son mari qui l’a entraîné dans sa fuite, étant entendu, dans le droit civil que l’épouse doit suivre son époux. Elle serait rentré à n'importe quel moment, aucun Malgache n'aurait rien dit. En fait donc, Marc Ravalomanana utilise tout bonnement sa femme comme un bouclier. A bout d’arguments au niveau international, c’est la dernière trouvaille qu’il a trouvé pour attirer l’attention. Evidemment qu’il y aura des gens qui viendront pour accueillir « Neny ». Mais à quel titre officiel ? Molière avait raison : la vie est grand théâtre. Avec Ravalomanana, c’est du Grand Guignol. En tout cas, à la veille du troisième anniversaire du carnage du 7 février, ce retour relève d’un machiavélisme qui va réveiller les fantômes de Malgaches ("iray tanindrazana, iray rà ") assassinés sans sommation par les gardes présidentiels dont le chef suprême était Ravalomanana. Comme Ratsiraka, lors de la tuerie du 10 août 1991. Pour les gens qui ne se cultivent pas, le machiavélisme est une « conception de la politique prônant la conquête et la conservation du pouvoir par tous les moyens, y compris la manipulation ». Plus encore, Lalao signifie, en malgache : Jeu, jouet… Qui est le plus à plaindre, dès lors ?
Jeannot Ramambazafy – 3 février 2012