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Home Vie politique Chronique Madagascar Kéré. De formidable à forts minables

Madagascar Kéré. De formidable à forts minables

En 2014, douze mois plein, au lieu de passer son temps à "asseoir un socle au niveau politique", en violant maintes fois la Constitution, le président élu aurait pu -aurait du- trouver une solution à des phénomènes cycliques (cyclone tous les ans, "Kéré" tous les deux ans). Car gouverner, c'est prévoir

L’importance des archives historiques c’est de démontrer s’il y a eu des avancées ou non, vers un développement effectif, au sein d’une nation. Eh bien, les faits sont là, têtus : Madagascar, en l’espace de plus de 23 ans (1992-2015) est resté au stade de pays sous-développé, de sous-nation sahélique... Et pour longtemps encore avec Hery Rajaonarimampianina, champion des palabres stériles sous le tamarinier ("kabary eo amban'ny kily"). Le comble est que les dirigeants actuels font comme si leurs actions sont inédites, qu’ils sont les champions, les leaders en matière de solidarité nationale.

Bibliothèque nationale, Anosy, matin du samedi 07 février 2015. Franchement, on aurait dit une scène de présentation de condoléances à un illustre personnage. A l'extrême-gauche, le ministre Solonandrasana Olivier

En tête, le ministre de l’Intérieur, Solonandrasana Olivier, animateur en direct à la TVM, ce samedi 07 février 2015. Mais l’Histoire leur donne totalement tort et prouve qu’ils n’ont aucun esprit d’innovation, de créativité mais continuent à alourdir le fardeau de la pauvreté que porte les Malgaches depuis un demi-siècle. Et ils ont réussi à faire d’une pierre, deux coups mais de manière opportuniste. En effet, au départ, ce « téléthon » était prévu pour les sinistrés de la tempête tropicale Chedza. Mais, n’ayant pu faire face au phénomène Kéré dans le Sud, cette famine endémique a été intégrée pour faire encore plus pitié, en invoquant la « fibre patriotique ».


Ainsi, en matière de Kéré dans le grande Sud de Madagascar, le meilleur moyen de démontrer un patriotisme sans faille aurait été que les représentants du peuple, ces députés élus, consacrent spontanément une partie de leur salaire pour aider leurs compatriotes du Sud, au lieu de marchander sur des 4X4 qui valent des millions d’ariary. Passons…

400.000 euros avaient été collectés en... 2007 pour lutter contre cette famine devenue endémique et chronique car sans solution pérenne

Voici l’histoire du Kéré que j’avais intitulé « Royaume du Kéré » dans le magazine « Marovany » (hélas disparu), il y a 22 ans.


Il y a de çà plusieurs années déjà (1992), lorsque Daniel Ramaromisa était ministre des Transports, une levée de dons et de fonds avait été organisée pour les victimes du « Kéré » dans le sud. Un phénomène pourtant devenu endémique, à cause de l’inconscience des dirigeants passés et présents qui n’ont jamais réussi à mettre en place des infrastructures et des structures pérennes. Je m’en vais vous donner un exemple précis.


Sur les hauteurs d’Andatabo, à quelques kilomètres à l'entrée de Toliara, il existe un village dont les habitants font du charbon de bois. Là où ils vivent, il n’y a pas d’eau potable depuis la nuit des temps. En 1969, lors de mon premier passage dans cette région, des villageois de tout âge creusaient des trous au bord de la route pour y recueillir de l’eau de pluie. A mon passage au même endroit, le 20 mars 2010, les descendants de ces mêmes Malgaches étaient en train de faire la même chose. Incroyable, inouï ! Il faut aussi dire que le litre d’eau potable s’y vend à prix d’or. Où vont alors les recettes recueillies par ces camions citernes, dons de la coopération japonaise ? En ce mois de février 2015, les mêmes scènes demeurent. Enfin, vous n’allez pas me faire croire qu’il n’existe aucune nappe phréatique que l’on pourrait forer. Le premier satellite venu est capable de déceler ce genre de réserve vitale comme l’eau…


Ces deux paragraphes résument la vision de la situation à Madagascar par les « vazaha » : coloniser perpétuellement -par le ventre cette fois-ci- les Malgaches, du Sud surtout, en se vantant pour démontrer qui sera le premier dans ce concours de « donation » (tu parles !) pérenne. Entre ces deux « géants », madame Krystyna Bednarska, alors représentante permanente du Programme Alimentaire Mondial (PAM) dans la Grande île, qui se charge de la distribution, non pas d’espèces sonnantes et trébuchantes pour acheter des matériels et outils de production agricole, mais celle des surplus américains surévalués. Bravo !

Cochenille Dactylopius coccus

Mais pourquoi attendre que tous ces gens crient « kéré !» (famine en langue antandroy ) pour venir les « aider » ? Et c’est sans honte aucune que Rudolph Thomas, alors Directeur général de l’Usaid avait déclaré : « L’aide alimentaire du peuple américain arrive à temps et trouve sa raison d’être dans les circonstances actuelles ». Non mais des fois… Comment peut-on être aussi cynique ? En plus, cela n’a jamais été et ne sera jamais un « scoop ». Que ces zorros des chiffres à plusieurs zéros sachent que le « Kéré » sévit dans le Grand Sud de la Grande île de l’Océan Indien depuis 1930. Oui : 1930 ! Cette partie du pays n’était toujours pas désertique mais, en guise de représailles, face à des peuplades rebelles à l’autorité coloniale française (ce n’est pas la version officielle mais c’est la vérité absolue), la cochenille Dactylopius coccus y a été introduite.


Cet insecte phytophage produit le rouge carmin destiné surtout à la cosmétique. Entre 1925 et 1929, cette cochenille a détruit toute autre végétation à très grande échelle, entrainant la mort de nombreux zébus et amenant à une famine prolongée (in Decary : « la destruction des cactus par une cochenille à Madagascar : ses conséquences économiques et sociales », Lyon 1929). Par ailleurs, cela est précisé par lucile Allorge et Danièle Matile-Ferrero (fac-similé ci-dessus) in "Cactus et cochenilles introduits à Madagascar: mise au point à l'appui des collections historiques du MNHN à Paris".

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Raketa Mena (sortie en 2007). Résumé du film. Ce cactus rouge répond au nom scientifique tout à fait charmant d’Opuntia stricta. Le « raketa mena » est une plante hautement invasive introduite au XXème siècle, qui a profondément modifié leur environnement. Les dunes s'étendent, le « raketa mena » envahit les terres arables et assèche les puits. Une histoire de changement climatique au présent racontée par ceux qui le vivent.

 


Hery A. Rasolo est, hélas, décédé le 21 septembre 2008


Seul a donc résisté le « Raketa » (Opuntia), une cactée cuite avec de la chaux pour calmer momentanément la faim, mais qui a occasionné tous ces ventres ballonnés. L’importation intentionnelle de cette cochenille a donc eu des conséquences économiques voire humanitaires et écologiques extrêmement graves jusqu’en ce XXIème siècle.


Ce fut effectivement un désastre écologique et environnemental que tout le monde a tu, et non pas une « catastrophe silencieuse » ou encore « des circonstances actuelles ». Tous les deux ans, depuis, la situation s’aggrave, avec une démographie galopante. Et tous les deux ans aussi, on se complait à ressasser que « la situation n’a jamais été aussi catastrophique ». Mais les Antandroy (habitants de la région épineuse de l’Androy) dont le vocable « Kéré » est désormais devenu universel, sont coriaces. Seulement, devant un environnement de plus en plus hostile, les hommes et les femmes en mesure de pratiquer la culture et l’agriculture -si on leur donnait les moyens- se voient dans l’obligation d’émigrer vers d’autres régions. Où ils deviennent, hélas, tireurs de pousse-pousse ou gardiens de nuit… Aucun dirigeant passé ne s’est préoccupé de rétablir un retour à l’ordre environnemental d’avant 1930, en drainant l’eau des fleuves qui ne manquent pas alentour, et en dotant ce peuple de moyens et d’infrastructures pour pratiquer la culture, l’agriculture et l’élevage.

Je suis persona non grata à Point Liberty à Andranomena depuis l'arrivée de Brett Bruen

Aussi, cessez de vous moquer d’eux en parlant chiffres à plusieurs zéros. Le peuple américain a le droit de connaître cette triste histoire coloniale pour aider ces compatriotes que les décideurs de ce monde confondent avec les peuples du Sahel. Je ne trouve pas rigolo du tout le fait d’aller les faire aligner pour quelques graines à grignoter le temps d’un ou deux mois en attendant l’année suivante et les dons du Pam, avec des « remerciements pour le peuple américain ». Et cette vérité n’est tellement pas bonne à dire que pour l’ambassade US d’Andranomena, je suis devenu un journaliste à éviter plutôt qu’à inviter. Tant mieux, cela m’évitera la paranoïa à l’entré de ce bunker qui est un vrai défi au terrorisme international. Car on dirait qu’un trésor y est caché…


Le pire c’est que le « Kéré », vécu à longueurs de décennies par ce peuple malgache du Sud, n’a été révélé publiquement qu’au début des années 1990. L’éco-système avait été si bien détruit que les impluviums et autres puits forés n’ont servi à rien tout, comme le projet AES (Adduction d’eau dans le Sud). Il s’agit d’un organisme d’État installé dans le Sud pour ravitailler en eau potable les communes et les gros villages. En camions citernes (dons de la coopération japonaise -JICA-) qui roulent avec du carburant.


Vous imaginez le coût du baril d’eau, dès lors ! En 1992 donc, Daniel Ramaromisa, alors ministre des Transports et de la Météorologie, face au désastre, avait lancé le premier téléthon à la Tvm, sous l’appellation SOS Sud. Devant la spontanéité de tous mes compatriotes, je me rappelle sa phrase célèbre : « Vous êtes tous formidables ! ». C’était une solution, certes temporaire, mais malgacho-malgache tout de même. Hélas, les archives de cette séquence sont sûrement parties en fumée le 26 janvier 2009, lors de l’incendie des locaux de la Rnm et de la Tvm. Mais le pire (encore) est que l’opération n’a plus été reconduite que sporadiquement.

Collectif famine à Madagascar : solidarité avec les populations en détresse, en février 2011-ICI-

Qu'est devenue l'Association Kéré ?

Toutefois, des associations plus ou moins douteuses se sont créées pour « sauver » ces affamés. Comme, par exemple, à La Réunion où je ne sais plus où en est l’Association Kéré. Passons.

Latimer Rangers, 75 ans bien sonnés à présent. Journaliste formé au CFJ à Paris, il a été nterdit d'antenne à la RNM durant 11 ans sous le régime de Didier Ratsiraka, pour avoir laissé les gens, à travers tout Madagascar, crier la réalité des situations dans lesquelles elles pataugent au quotidien, sans aucune lueur d'espoir

Le plus enrageant dans cette triste histoire, c’est qu’en 1993, Latimer Rangers, d’origine Antandroy, alors ministre de la Culture, m’avait emmené avec lui pour me faire comprendre son idée : drainer les eaux du fleuve Efaho, à quelque 80 km d’Amboasary Sud vers Fort Dauphin, pour arroser la région d’Ambovombe, à travers un système de pipelines. Si le projet avait été réalisé, le grand sud, à l’heure actuelle, serait devenu une oasis verdoyante. Si, seulement si… Dix ans plus tard, voilà que les Japonais ont parlé de ce même système de pipelines mais à partir d’un autre fleuve. Puis, plus rien. Le projet a été bloqué par les... dirigeants de l'époque. Incroyable mais vrai.

 

Un coup médiatique de l'Etat sous le régime Rajaonarimampianina qui joue sur la "fibre patriotique" des pauvres Malgaches et des plus nantis qui veulent se donner bonne conscience.

Et plus de vingt ans plus tard, le régime actuel a fait un fort minable bond en arrière, avec ce « téléthon » à la Bibliothèque nationale », ce 07 février 2015, avec des Malgaches d’une autre génération, ignorant l’Histoire du « kere ». Et tout le monde va donner pour se donner une bonne conscience.

Rotary International District 9920, XVIIIè Conférence et XIX Assemblée, Carlton Anosy, du 30 avril au 03 mai 2014. Les couples Rajaonarimampianina et Ravelonarivo (qui attendait donc son heure de gloire)

Rotary Club Antananarivo Ainga. Avec un astérisque rouge, de haut en bas: Jean Ravelonarivo, Rivo Rakotovao, Hery Rajaonarimampianina

Les mêmes, au centre, de g. à dr. : Jean Ravelonarivo promu Général de Brigade et désigné Premier ministre; Hery Rajaonarimampianina, élu Président de la République; Rivo Rakotovao, rescapé (son éviction aurait été le scoop du siècle!) du gouvernement Kolo Roger et nommé ministre d'Etat en charge des projets présidentiels, des Infrastructures et de l'Aménagement du territoire. Pas de copinage, hein, Môssieur Rajaonarimampianina ?

Et qu’importe le montant en espèces engrangé et le nombre de dons autres -montant qui sera annoncé en grande pompe comme une « victoire », un « succès » (« Fahombiazana ») du régime HVM-Rotary- ce ne sera jamais qu’une solution passagère.

Et en voyant tous ces fonctionnaires, leur ministre de tutelle en tête, défiler et prononcer des mots de circonstance à l’occasion d’un deuil, je ne peux que penser à ce qu’a dit Molière : « la vie est un grand théâtre »… Et la vie est donc aussi un éternel recommencement d'une absurdité sourde, aveugle mais pas muette. Attention, je ne suis pas contre ce genre d’initiative, mais il ne s’agira jamais que d’une solution de facilité sans le moindre coût pour le budget de l’Etat déjà faible. Un coup médiatique d'un Etat qui joue sans complexe le rôle de Monsieur Loyal…


Or, tout pourrait changer si les dirigeants et la communauté internationale avaient la ferme volonté d’appliquer toutes les solutions proposées depuis belle lurette. A savoir forages trèss profonds et drainages hydrauliques. Ce ne sont pas les nappes phréatiques et les cours d’eau qui manquent comme le montre la photo ci-dessus. Rêvons un peu: imaginons que les milliards du groupe Filatex soient injectés dans ce genre de projets, au lieu de servir à construire des immeubles luxueux inaccessibles aux Antandroy qui n'en seront que les gardiens jusqu'à la fin de leur temps... Tu rêves, Jeannot ! En "affaires", le mot philanthropie n'existe pas. Dans ce monde, même la gratuité à un prix.

Situation au 06 février 2015



De l'autre côté du Royaume du Kéré, c'est le contraire qui se produit. Tempête Fundi, ce 07 février 2015, en fin d'après-midi: Toliara, Morondava et Morombe sous les eaux

Dossier de Jeannot Ramambazafy – 07 février 2015

* Madagascar Solidarité Chedza et Kere. 170.370.650 ARIARY collectés à la Bibliothèque nationale (Source BNGRC, 07.02.2014, 18h30)

Mis à jour ( Mercredi, 07 Octobre 2020 13:18 )  
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