Madagascar début 2002. De g. à dr. : Tantely Andrianarivo, Premier ministre ; Didier Ratsiraka, Président ; Pierrot Rajaonarivelo, Ministre des Affaires étrangÚres depuis novembre 2001
LâHistoire politique dâun pays demeure le dernier repĂšre des gĂ©nĂ©rations Ă venir, le seul moyen de conserver une mĂ©moire collective concernant le passĂ© pour mieux apprĂ©hender le futur. Ayant remarquĂ© que Madagascar ne possĂšde pas assez dâarchives de son Histoire, Ă©crite par des Malgaches, jâai dĂ©cidĂ© de rĂ©diger un ouvrage sur les Ă©lections prĂ©sidentielles passĂ©es, de 1958 Ă 2006. Ce qui suit est un extrait de cet ouvrage pour vous donner une idĂ©e du travail de recherches sâĂ©talant sur une bonne dizaine dâannĂ©es. Certes, actuellement, Didier Ratsiraka, impĂ©nitent, sâest alignĂ© pour un dernier baroud qui nâest pas du tout Ă son honneur. AprĂšs deux exils en France. Quâimporte. Il sâagit dâHistoire et non pas dâune dĂ©marche pour lâavantager ou le dĂ©savantager. Seul lâisoloir parlera -sâil demeure candidat- mais Ă 77 ans, il ne reprĂ©sente pas du tout lâavenir des Malgaches en majoritĂ© jeunes. Mais il paraĂźt quâon nâa jamais que les dirigeants quâon mĂ©rite. Bonne lecture, en tout cas, en attendant la parution de cet ouvrage.
Jeannot Ramambazafy
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DISCOURS DE SON EXCELLENCE DIDIER RATSIRAKA
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DE MADAGASCAR
Le 11 janvier 2002 Ă Iavoloha
DIEU EST SOUVERAIN !
Monsieur le Doyen (Ndrl : câĂ©tait lâambassadeur dâAlgĂ©rie Ă lâĂ©poque), Excellences Mesdames et Messieurs,
Le dĂ©canat nâest pas nĂ©cessairement, loin sâen faut, une question dâĂąge. Câest aussi, et câest votre cas, une question dâanciennetĂ© dans la fonction ! Aussi, le privilĂšge de lâĂąge, mais aussi celui de la fonction qui est la mienne, mâautorise peut-ĂȘtre aujourdâhui Ă tirer quelques leçons du passĂ© rĂ©cent et, singuliĂšrement, de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e Ă Madagascar et dans le monde.
Au risque de me répéter, je dirai :
1- Tout dâabord : ĂŽ Tempora ! ĂŽ mores !
2- Homo Homini Lupus
3- On a toujours besoin dâun plus petit que soi
4- Nemo auditur Propriam Turpitudinem allegans
5- Et enfin, Timeo Danaos et Dona Ferentes
Mais, auparavant, je voudrais mâacquitter dâun agrĂ©able devoir, celui de vous remercier trĂšs sincĂšrement des vĆux qu.au nom de tout le corps diplomatique et consulaire, vous avez bien voulu mâadresser et, Ă travers moi, Ă tout le peuple Malgache. Les sentiments dâamitiĂ© et de fraternitĂ© que vous avez exprimĂ©s et la façon dont vous les avez formulĂ©s nous vont droit au cĆur et nous en sommes trĂšs touchĂ©s tous autant que nous sommes. Aussi, laissez-moi vous transmettre Ă mon tour, au nom du peuple Malgache, de ses Institutions, de son Gouvernement et en mon nom personnel, Ă vous-mĂȘmes, Madame et Messieurs les Ambassadeurs, aux souverains Chefs dâEtat et de Gouvernement, et aux Organisations internationales - dont certaines sont mes amies - que vous avez lâhonneur de reprĂ©senter Ă Madagascar, nos souhaits les plus ardents et les plus cordiaux, de bonheur, de santĂ©, de paix, de justice, de prospĂ©ritĂ© et de rĂ©ussite pour lâannĂ©e nouvelle, afin que le progrĂšs soit partagĂ© et profite Ă tout le monde car le partage du monde a vĂ©cu pour faire place au monde du partage.
Monsieur le Doyen, Excellences Mesdames et Messieurs,
A lâoccasion de cette cĂ©rĂ©monie traditionnelle dont la solennitĂ© le dispute Ă la convivialitĂ©, souffrez donc que Madagascar vous dise comment il voit la situation du monde dâĂ prĂ©sent, sans complaisance mais aussi sans outrecuidance. Le dĂ©but de ce 21Ăšme siĂšcle ou de ce 3Ăšme millĂ©naire a fait naĂźtre beaucoup dâespoir. HĂ©las, mille fois hĂ©las, il nâen fut rien et tant sâen faut. Il ne faut pas se leurrer, ni se cacher, derriĂšre son doigt⊠Lâattentat odieux, il faut bien lâadmettre, du 11 Septembre 2001, a changĂ© la face du monde avec toutes ses consĂ©quences incalculables car encore mal connues et mal cernĂ©es, occultant du mĂȘme coup les autres problĂšmes socio-politiques et Ă©conomiques majeurs et urgents de lâheure, mais qui, pourtant, nous interpellent tous : les inĂ©galitĂ©s, lâinjustice, la faim, la maladie, lâexclusion, les conflits, la dĂ©gradation des mĆurs, celle de lâenvironnement etc. etc. Mais la vie continue et nous devons faire face, dans une coopĂ©ration mutuellement avantageuse entre partenaires Ă©gaux en droit et non pas dans une coopĂ©ration Ă la mode du cheval et du cavalier et, en tout particulier, contre le terrorisme, la pauvretĂ© et lâinjustice, lâinstabilitĂ© et la maladie.
Monsieur le Doyen, votre pays a souffert plus que tout autre du terrorisme. LâAlgĂ©rie, nation frĂšre, fait partie des pays Non alignĂ©s, de lâOUA, de la ligue Arabe, du groupe des 77 qui sont aujourdâhui 134, autant vaut dire des pays non dĂ©veloppĂ©s et marginalisĂ©s, endettĂ©s, donc vous savez autant que personne ce que ces mots veulent dire et vous nous comprenez. Votre pays a Ă©tĂ© victime du terrorisme depuis plusieurs annĂ©es. Mais la communautĂ© internationale a Ă©tĂ© sourde Ă tous vos appels. La France elle-mĂȘme a souffert du terrorisme mais presque dans lâindiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale. Il a fallu que ce drame du 11 Septembre 2001 intervienne pour que le monde entier prenne conscience que ce danger nous menace tous. Madagascar rĂ©itĂšre donc ici sa position invariable depuis des annĂ©es. Le terrorisme aveugle est un crime que rien ne peut justifier. Quâil sâagisse de terrorisme individuel, collectif, dâEtat ou religieux, nous condamnons ce type dâactes odieux qui tuent des victimes innocentes. Aujourd'hui, le monde est Ă©branlĂ©. Tous les hommes qui rĂ©flĂ©chissent, quelles que soient leurs origines, sentent qu.ils vivent une Ă©poque de troubles, de crises et de conflits larvĂ©s ou dĂ©clarĂ©s. Il va sans dire quâĂ toutes les phases de lâhistoire, on a pu avoir un sentiment analogue qui justifie amplement cet apophtegme de CICERON qui sâĂ©criait dĂ©jĂ , il y a plus de 2000 ans «Î TEMPORA! Ă MORES!». Ce qui veut dire Ă peu prĂšs : «Mais dans quel siĂšcle vivons-nous ?» ou celui de PLAUTE, plus prĂšs de trois cent ans avant JĂ©sus Christ, qui disait «HOMO HOMONI LUPUS», quâon peut traduire librement : «lâhomme est un loup pour les autres hommes» (il leur fait du mal). Mais au dĂ©but de ce nouveau millĂ©naire, il est patent que nous vivons une pĂ©riode particuliĂšrement critique avec toutes ces armes de destructions massives et ces dĂ©couvertes phĂ©nomĂ©nales scientifiques et technologiques dont les hommes disposent. Actuellement on parle «d'hyperterrorisme». C.est une arme nouvelle, inconcevable et inconnue jusque-lĂ qui est apparue au World Trade Center d'une monstrueuse efficacitĂ© et qui pourrait comme toute nouvelle arme ĂȘtre rĂ©utilisĂ©e ailleurs, sous des formes diffĂ©rentes peut-ĂȘtre. Je touche du bois. Tous les pays, petits et grands, sont dĂ©sormais vulnĂ©rables.
Pour ce qui concerne Madagascar, pour notre lutte contre le terrorisme, outre les moyens habituels, dĂ©nonciation, condamnations, renseignements, nous avons imaginĂ© une contre-mesure simple mais efficace qui est la prĂ©vention. Nous rĂ©affirmons avec force quâil faut Ă©viter de faire un amalgame simpliste entre Islam et terrorisme. Nous avons, par ailleurs, rĂ©uni et convaincu toutes les composantes Musulmanes et ChrĂ©tiennes de Madagascar Ă sâengager solennellement et publiquement Ă ne jamais recourir au terrorisme religieux Ă Madagascar et Ă toute vellĂ©itĂ© de terrorisme religieux dans notre pays. C.est notre modeste contribution Ă la grande rĂ©sultante dans la lutte contre le flĂ©au de lâintolĂ©rance, de lâintĂ©grisme et du terrorisme aveugle. Mais sâagissant du terrorisme au Moyen-Orient, comme jâai eu lâoccasion de dire : «Nul ne peut seprĂ©valoir de sa propre turpitude». «SCHEMAA ISRAEL ADONAĂ ELOHENOU ADONAĂ EHAD». Je dis au peuple IsraĂ©lien «SHALOM AL GEHREN». Mais, souvenez-vous, c.est le Gouvernement IsraĂ©lien qui aurait (je mets au conditionnel uniquement par prudence) crĂ©Ă© le HAMAS pour affaiblir ARAFAT. Et câest le GĂ©nĂ©ral ARIEL SHARON en personne qui a provoquĂ© les Palestiniens sur lâESPLANADE de la MOSQUEE de JERUSALEM. Croyez-moi, jâai plus dâamis IsraĂ©liens ou Juifs que de palestiniens. Mais soyons rĂ©alistes mes amis si lâon veut vraiment la paix. Câest le HAMAS qui revendique la plupart des attentats suicides en IsraĂ«l. Et, non contents dâexiger dâARAFAT des actions irrĂ©alisables comme la liquidation de votre HAMAS, vos dirigeants humilient le PrĂ©sident ARAFAT (Prix Nobel de la Paix), seul interlocuteur valable, encore Ă nos yeux, de lâEtat IsraĂ©lien. En humiliant le PrĂ©sident ARAFAT, le GĂ©nĂ©ral SHARON rend ipso facto les extrĂ©mistes arbitres et maĂźtres du jeu ! Si lâon veut que le processus de paix reprenne et aboutisse, selon nous, la crĂ©ation dâun Etat Palestinien indĂ©pendant et responsable dont les frontiĂšres seraient garanties par l'ONU (forces internationales) et, parallĂšlement, la sĂ©curisation de lâEtat dâIsraĂ«l par les Nations-Unies (forces internationales) vis-Ă -vis de ses voisins, constituent la meilleure garantie d'une paix juste, durable et viable, dans lâintĂ©rĂȘt de tout le Moyen-Orient, en particulier, et du monde, en gĂ©nĂ©ral. Câest lâavis objectif dâun pays pacifique (Madagascar) qui nâa pas d'intĂ©rĂȘts particuliers dans cette partie du monde. Ne le prenez pas donc pas en mauvaise part ! Câest notre avis. Monsieur le Doyen, Excellences Mesdames et Messieurs, Madagascar est un pays insulaire, fier de son passĂ©, de sa spĂ©cificitĂ© et de ses traditions (câĂ©tait dĂ©jĂ un Etat indĂ©pendant avant la colonisation), - un des rares pays, avec le Vietnam et lâAlgĂ©rie, Ă prendre les armes aprĂšs la 2Ăšme guerre mondiale, contre le colonialisme, pour se libĂ©rer ;
- travaillant ardemment et avec un certain succÚs dans le présent ;
- et confiant dans lâavenir grĂące Ă sa jeunesse dynamique et laborieuse, grĂące Ă la stabilitĂ©, Ă la paix qui prĂ©vaut actuellement Ă Madagascar, du moins jusquâici. Les rĂ©sultats que nous avons obtenus depuis bientĂŽt cinq ans justifient amplement nos peines, nos sueurs et nos sacrifices. La statistique est lâarme la plus efficace du mensonge, disait DISRAĂLI. Il reste que les chiffres gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©s sur la scĂšne internationale sont lĂ . Madagascar est le seul pays africain Ă dĂ©passer + 6,7% de croissance par rapport au PIB en 2001 et un des quatre ou cinq rares pays du monde Ă atteindre + 6,7% de croissance, alors que le FMI et la banque mondiale ;
- Lâinflation est maĂźtrisĂ©e, les rĂ©serves de change (devises) sont confortables : 19,91 semaines dâimportation etc. - Chaque Fivondronana a son Ă©lectricitĂ© ;
- Chaque Firaisana a son dispensaire avec un mĂ©decin diplĂŽmĂ© dâEtat ;
- La paix et la stabilitĂ©, lâunitĂ© nationale, sauf provocation politicienne, sont une rĂ©alitĂ© ;
- Le taux de scolarisation est remonté de 65,3 % en 1996 à 75 % en 2001 ;
- On a créé presque 300.000 emplois en cinq ans ;
- Il nây a pratiquement plus de famine Ă Madagascar ;
- Et nous nâavons pas de prisonniers politiques, la presse est libre ;
- vous le savez autant que personne, vous ĂȘtes les tĂ©moins privilĂ©giĂ©s ;
- elle est dâautant plus libre quâelle est libre de jeter leur fiel sur le Chef de lâEtat, tous les jours ;
- Nous venons dâobtenir environ 20 millions de dollars de la Banque Mondiale pour lutter contre le SIDAÂ ;
- Les trente millions de la 2Ăšme tranche du CAS II viennent dâĂȘtre dĂ©bloquĂ©s fin dĂ©cembre 2001.
Bref, sans ĂȘtre excellente, la situation n.est pas si mauvaise que ça grĂące au labeur de nos paysans, au dynamisme de nos industries et, singuliĂšrement, les entreprises franches, mais aussi, Madame et Messieurs les Ambassadeurs, grĂące Ă vos soutiens et au soutien de nos bailleurs de fonds que je remercie ici. Notre leitmotiv politique depuis des dĂ©cennies est de privilĂ©gier lâaide qui nous aide Ă nous passer de lâaide. En 2002, au dĂ©but du jusant de ma vie, souffrez quâen soliloquant, jâĂ©mette quelques souhaits : Il est dommage, pecato, que la stima, itâs a pity, KAK JAL, que les pays riches, au lieu de donner des milliards au Gouvernement de Madagascar pour que lâorganisation des Ă©lections soit plus efficace et plus rapide, pour diminuer les anomalies, attribuent ces milliards Ă des organisations dâobservation des Ă©lections (câest-Ă -dire dâobservations des anomalies des Ă©lections). Il est vrai - et câest peut-ĂȘtre notre faute, mea culpa, mea culpa, mea culpa - que nous nâavons demandĂ© dâaides Ă personne au cours de toutes les Ă©lections quâon a organisĂ©es depuis 1997 car nous pensons toujours Ă lâadage «Timeo DANAOS et dona Ferentes», je crains les Grecs surtout quand ils me font un cadeau ou Ă la chanson Ă la mode actuelle : « Fais pas ci. Fais pas ça » de JORDY.
Dâautre part, ai-je besoin de souligner que nous respectons la stricte sĂ©paration des pouvoirs Ă Madagascar. VoilĂ pourquoi, vous me rendrez cette justice ! Jâai gardĂ© le silence jusqu'ici. Je nâai jamais jetĂ© dâhuile sur le feu et ce n'est pas le cas de tout le monde. La confrontation des PV ne me semble ni souhaitable, ni lĂ©gal. Câest un avis tout Ă fait personnel. Ce nâest pas lâavis du Chef de lâEtat, ce nâest pas lâavis du candidat, câest lâavis du simple citoyen Didier RATSIRAKA. C'est contraire Ă la loi Ă©lectorale, au code Ă©lectoral et mĂȘme Ă la Constitution. Cette mĂȘme loi Ă©lectorale, ce mĂȘme code Ă©lectoral Ă©taient dĂ©jĂ en vigueur lors des Ă©lections de maires en 1999 et, Ă ce moment-lĂ , tout le monde les a acceptĂ©s, pourquoi les remettre en cause aujourd'hui ? On ne peut pas changer de loi Ă©lectorale, on ne peut pas changer de code Ă©lectoral au cours des consultations Ă©lectorales, au cours des Ă©lections. Et, qui peut, sans erreur -errare humanum est- garantir lâauthenticitĂ© de ces PV, falsifiable Ă merci ?
Les PV originaux sont dĂ©jĂ entre les mains de la Haute Cour Constitutionnelle qui les dĂ©cortiquent, qui les analysent, en toute indĂ©pendance, en toute souverainetĂ©, en toute sĂ©rĂ©nitĂ©. VoilĂ pourquoi, Monsieur le Doyen, Excellences Mesdames et Messieurs, vous voyez que les chaises des reprĂ©sentants de la Haute Cour Constitutionnelle sont vides aujourd'hui parce quâils travaillent dâarrache-pied. Ils vivent en ville, ils sont souvent victimes dâappels anonymes et de menaces, de jets de cailloux. Ils ne sont pas lâotage du Gouvernement, ni de lâEtat. LâEtat protĂšge leur indĂ©pendance, leur intĂ©gritĂ©, morale, psychique et physique. Ensuite, rappelez-vous que lors des derniĂšres prĂ©sidentielles aux Etats-Unis, il a fallu aux amĂ©ricains plus dâun mois pour recompter les voix en Floride malgrĂ© leur avance technologique et leur «know how». Mais, en dĂ©finitive, seuls les neuf membres de la Cour SuprĂȘme des Etats-Unis ont dĂ©cidĂ© en dernier ressort et personne dâautre. Et câest lĂ -ce que jâai dit tout Ă lâheure en malgache- dans son contexte, jâadmire le peuple amĂ©ricain : Ce prĂ©sident qui est lĂ , le prĂ©sident Georges Walter Bush est le PrĂ©sident de tous les AmĂ©ricains. Les AmĂ©ricains sont toujours unis dans la diversitĂ© et ils le sont encore plus dans lâadversitĂ©. C.est un exemple Ă suivre. Combien de temps, combien de semaines, combien de mois nous faudrait-il, Ă nous Malgaches avec nos moyens, pour comparer les PV des six candidats dans 16.510 bureaux de vote ? Il nous faut peut-ĂȘtre un minimum de 3 mois et, pendant ce temps-lĂ , quâadviendra-t-il Ă notre Ă©conomie ? Quâadviendra-t-il des commandes des zones franches ? Quâadviendra-t-il de lâavenir de nos enfants, de nos Ă©coliers, de nos Ă©lĂšves, de nos Ă©tudiants, de la stabilitĂ©, de la paix, du fihavanana malgache ? C'est une question qui se pose et je la pose.
Aussi, qui peut -jâai dit : « errare humanum est »-, qui peut garantir lâauthenticitĂ© dâun PV falsifiable Ă merci, trucable Ă satiĂ©tĂ©. Et si 2 ou 3 PV ne concordent pas, qui peut arbitrer quelle partie a raison et quelle partie a tort ? Dans le doute, abstiens-toi ! Enfin, last but not least, nous avons fondĂ© un Etat de droit Ă Madagascar. Nos partenaires de la Banque mondiale et du FMI avaient lâhabitude de nous dire: Pourquoi donc faire un budget si on ne le respecte pas ? Nous devons respecter ce budget, ne pas le dĂ©passer. Alors, par parallĂ©lisme des formes, nous avons votĂ© une Constitution, nous avons adoptĂ© une Constitution, nous avons votĂ© un code Ă©lectoral, une loi Ă©lectorale, nous avons des lois en vigueur Ă Madagascar, en matiĂšre dâĂ©lections. Qui peut oser aller contre ces lois Ă Madagascar, Pays indĂ©pendant et souverain ? Je fais moi personnellement de l'indĂ©pendance, de la souverainetĂ© nationale des malgaches, de la dignitĂ© et de la fiertĂ© nationale des malgaches, une prioritĂ©.
Ce n'est pas par orgueil ; c'est pour le peuple malgache que jâagis ainsi car c'est mon devoir. Pour terminer, tous les PV originaux sont entre les mains de la Haute Cour Constitutionnelle. Câest pourquoi je mâen remets, moi citoyen RATSIRAKA Ă la sagesse de la Haute Cour Constitutionnelle, juge Ă©lectoral par excellence, seul habilitĂ© Ă proclamer les rĂ©sultats officiels des Ă©lections, tout en demandant Ă la Haute Cour Constitutionnelle d'accĂ©lĂ©rer, autant que faire se peut, la publication desdits rĂ©sultats. Et, je disais tout Ă lâheure, on a toujours besoin dâun plus petit que soi. Câest une fable de la fontaine, la fable du lion et du rat, et il se termine par : «patience et longueur de temps sont plus que force ni que rage».
Ceci Ă©tant, Monsieur le Doyen, Excellences Mesdames et Messieurs,
En matiĂšre de dĂ©mocratie et dâEtat de droit, nâoublions pas, je vous prie, que ce sont des pays dits non dĂ©mocratiques comme la Chine, lâURSS, les pays africains comme lâAlgĂ©rie, Madagascar, la Tanzanie, la Zambie, le Nigeria, le Gabon, le Mozambique, la GuinĂ©e, lâAngola, la Namibie, le Congo-Brazaville, la GuinĂ©e-Bissau, la Tunisie, la Libye, le Maroc, lâEgypte, etc., qui ont combattu lâapartheid, tandis que les pays dits dĂ©mocratiques entretenaient des relations coupables avec lâAfrique du Sud raciste de lâapartheid. Câest ce que jâai dit tout Ă lâheure dans la Fable du Lion et du Rat : « on a toujours besoin dâun plus petit que soi ». Revenant aux Ă©lections, l'expĂ©rience de ces derniĂšres annĂ©es mĂȘme dans les pays dĂ©veloppĂ©s devrait nous amener Ă plus de modestie et de modĂ©ration dans la critique des autres. Les fraudes Ă©lectorales ne sont pas lâapanage des pays africains seulement. Ce n'est pas par polĂ©mique, ne vous mĂ©prenez pas sur les sens de ce que je viens de dire. Jâai dit tout Ă lâheure que câest une cĂ©rĂ©monie officielle dont la solennitĂ© le dispute Ă la convivialitĂ©. Nous sommes ici entre amis. Si on ne peut pas se dire la vĂ©ritĂ© entre amis, Ă quoi ça sert de se rĂ©unir entre amis ? Plus concrĂštement, si vous permettez, je voudrais rappeler que : - quand jâai perdu les Ă©lections prĂ©sidentielles de 1992, jâai fĂ©licitĂ© de la façon la plus solennelle mon adversaire Ă©lu, le professeur ZAFY car jâai demandĂ© au PrĂ©sident de la Haute Cour Constitutionnelle de lâĂ©poque - une Haute Cour Constitutionnelle dont six membres sur neuf Ă©taient nommĂ©s par mes adversaires ; seuls trois membres sur neuf nommĂ©s par moi - Je nâavais pas de doute ni de suspicion Ă cette Haute Cour Constitutionnelle lĂ . Je lui ai fais confiance jusqu'au bout et j'ai demandĂ© au PrĂ©sident de cette Haute Cour Constitutionnelle-lĂ , le PrĂ©sident Norbert Lala Ratsirahonana, de lire mon message de fĂ©licitations au Pr ZAFY Albert, pour que nul ne lâignore. Et, pendant mon exil volontaire parisien, pendant cinq ans, jâai gardĂ© le silence. Je nâai jamais donnĂ© dâinterview Ă aucun journaliste Ă©tranger, je nâai jamais jetĂ© dâanathĂšme sur les dirigeants de mon pays, je n'ai jamais demandĂ© lâaide de lâĂ©tranger pour dĂ©stabiliser les dirigeants de mon pays car les linges sales se lavent en famille. Je sais que ces choses-lĂ doivent ĂȘtre dites un jour et ça mâa soulagĂ© de vous le dire aujourd'hui.
Revenu aux affaires en 1997, jâai respectĂ© mes adversaires malheureux. Au 2Ăšme tour, les rĂ©sultats officieux publiĂ©s par le MinistĂšre de lâIntĂ©rieur me donnaient plus de 53%. Puis, Ă mesure que les rĂ©sultats parviennent des provinces, mon avance fondait comme neige au soleil. Mais jâai attendu sagement, patiemment, les rĂ©sultats dĂ©finitifs proclamĂ©s par la Haute Cour Constitutionnelle de lâĂ©poque, qui a jugĂ© toutes les Ă©lections jusquâen 1999. Jâai Ă©tĂ© finalement crĂ©ditĂ© de 50,71%, mais je ne me suis jamais permis de me proclamer PrĂ©sident avant la publication des rĂ©sultats officiels et je nâai pas fait descendre les gens dans les rues. Je pense que câest mon statut de responsable et de Chef dâĂ©tat. Je ne me suis jamais permis de saccager des usines, ni de molester des travailleurs, des Ă©tudiants ou des Ă©lĂšves - «patience et longueur de temps font plus que force ni que rage» - et, surtout, je nâai jamais appelĂ© les «grandes dĂ©mocraties» Ă mâaider, je nâai jamais appelĂ© les Eglises Ă la rescousse. Jâai toujours eu, j'ai toujours confiance Ă la sagesse, Ă la sagacitĂ© du peuple malgache et je crois au Fihavanana malgache. Respectueux de lâEtat de droit et des lois de la RĂ©publique, mettant lâintĂ©rĂȘt national, la paix, la stabilitĂ©, la souverainetĂ©, la dignitĂ© et lâunitĂ© nationale au-dessus de mon ambition personnelle, je ne me suis jamais arrogĂ© le droit de compromettre la cohĂ©sion nationale et la libertĂ© de mes concitoyens. Tel jâai Ă©tĂ©, tel je suis et tel je resterai.
Monsieur le Doyen, Excellences Mesdames et Messieurs,
En demandant Ă Dieu de nous aider et de nous Ă©clairer dans toutes nos actions, en vous assurant de ma disponibilitĂ© permanente Ă coopĂ©rer loyalement avec vous tous, je vous souhaite de tout cĆur une bonne et heureuse annĂ©e.
Recueillis par Jeannot RAMAMBAZAFY â Mis en ligne sur www.madagate.com le 11 juin 2013
Extraits de lâouvrage intitulĂ© «Madagascar : LâHistoire des Ă©lections de 1958 Ă 2006 » qui paraĂźtra trĂšs bientĂŽt. Si Dieu le veut.