Palais dâEtat Iavoloha, 24 janvier 2014. Passation de pouvoir avec la remise symbolique dâune clĂ© entre Andry Rajoelina, PrĂ©sident de la Transition, et Hery Rajaonarimampianina, PrĂ©sident Ă©lu. InĂ©dit Ă Madagascar. Personne, Ă ce moment-lĂ , nâaurait cru que ce Hery « vaovao » nâĂ©tait ni un homme dâEtat ni un homme de parole. Et câest lĂ son drame qui est devenu son cauchemar au quotidien. (« Aleho enjehinâny omby masiaka toa izay enjehinâny eritreritra »). Pour lâheure, son clan lui fait faire nâimporte quoi pour tenter de consolider un pouvoir qui ne sera jamais que prĂȘtĂ© et passager (« Fahefana nindramina sy mandalo fotsiny ihany »). 11 mois se sont dĂ©jĂ Ă©coulĂ©sâŠ
Ce dossier (sans photos cette fois-ci, pour faire plus sĂ©rieux comme les rapports officiels) traite des coups dâĂ©tat propres Ă de nombreux pays francophones africains. Mais lorsque la France, pourtant ancien pays colonisateur, y met du sien, haro sur le « coup dâĂ©tat » et son auteur. Cependant, les faits historiques sont plus que tĂȘtus avec le temps. MĂȘme si celui-ci va et que tout sâen va, selon LĂ©o FerrĂ©. Ce dossier est la suite dâun prĂ©cĂ©dent que vous pourrez lire en cliquant ICI.
Madagascar, 17 mars 2009. Le matin de cette journĂ©e, un mois et demi aprĂšs le carnage devant le palais dâEtat dâAmbohitsorohitra, le prĂ©sident Marc Ravalomanana, alors rĂ©fugiĂ© dans lâautre palais dâEtat Ă Iavoloha, apparaĂźt Ă la tĂ©lĂ©vision nationale. AprĂšs avoir dissous son gouvernement, il annonce quâil transfĂšre ses pouvoirs Ă un directoire militaire inconnu dans la Constitution de la IIIĂš rĂ©publique. En fin de soirĂ©e, Ă lâEpiscopat dâAntanimena, aprĂšs des dĂ©bats houleux ayant dĂ©butĂ© par le renvoi peu diplomatique des ambassadeurs prĂ©sents, dont lâambassadeur amĂ©ricain, Niels Marquardt, qui en sait trĂšs long sur cette dĂ©mission, ledit directoire militaire prĂ©fĂšre transmettre Ă nouveau ces pouvoirs au leader de la rĂ©volution orange, Andry Rajoelina. Dans la nuit, le prĂ©sident dĂ©missionnaire sâĂ©vapore dans la nature pour rĂ©apparaĂźtre en Afrique australe dâoĂč ses mensonges Ă©hontĂ©s seront relayĂ©s par un rĂ©seau de blogs sur Internet pour Ă©tayer cette idĂ©e de « coup dâEtat ».
DĂšs sa prise de fonction en tant que prĂ©sident de la transition, dĂ©nommĂ©e alors Haute autoritĂ© de la Transition, Andry Rajoelina avait prĂ©vu de nouvelles Ă©lections dĂšs octobre 2009. Seulement voilĂ : la thĂšse de « coup dâĂ©tat » a tellement frappĂ© les esprits -des Malgaches en ont mĂȘme fait un livre dans lequel la vĂ©ritĂ© est interprĂ©tĂ©e de maniĂšre incroyable- que la communautĂ© internationale, incluant l'Union africaine, considĂšre vraiment cette prise de pouvoir comme un coup d'Ătat. Et la transition, qui nâaurait du durer pas plus de temps que celle de Zafy Albert et sa Haute autoritĂ© de la Transition (1991-1993), durera cinq ans. Pourquoi ?
Parce que la SADC et le GIC-M -forces intellectuelles agissantes de la CommunautĂ© internationale- nâont rien trouvĂ© de mieux que de faire appel Ă deux anciens prĂ©sidents qui nâavaient rien Ă voir dans cette rĂ©volution orange de 2009. Et grĂące aussi Ă des Malgaches plus colonisĂ©s que les vrais colonisĂ©s sous Gallieni. La rĂ©volution populaire menĂ©e par le maire dâAntananarivo, Andry Rajoelina, a Ă©tĂ© diabolisĂ©e et traitĂ©e Ă la sauce africaine, comme si Madagascar Ă©tait un pays oĂč la guerre civile avait fait des ravages, comme en Afrique. Dans ce climat oĂč Marc Ravalomanana nâa cessĂ© de mettre de lâhuile sur le feu, et dans lequel les Ă©lections ont du ĂȘtre repoussĂ©es sans cesse (entre le 15 avril et le 15 dĂ©cembre 2010 ; en mars 2010 ; le 12 aoĂ»t 2010 pour un rĂ©fĂ©rendum constitutionnel et des Ă©lections lĂ©gislatives et prĂ©sidentielles en novembre 2010), les Ătats-Unis, ayant un penchant flagrant pour Ravalomanana, dĂ©noncent un «climat d'intimidation qu'Andry Rajoelina fait rĂ©gner Ă Madagascar».
Que se serait-il passĂ© si les militaires avaient acceptĂ© ce transfert inconstitutionnel de pouvoir ? Il est certain que la communautĂ© internationale, comme au Burkina Faso, rĂ©cemment, aurait demandĂ© quâil soit remis Ă un civil. De prĂ©fĂ©rence de son choix. Et la thĂšse de coup dâĂ©tat, crĂ©Ă©e sur les mensonges de Marc Ravalomanana en Afrique australe, nâaurait pas fait long feu. On aurait tout de suite parlĂ© de « rupture de lâordre constitutionnel ». Mais Andry Rajoelina a dĂ©montrĂ© que lorsquâon a lâonction et la lĂ©gitimitĂ© populaires, quelles que soient les manĆuvres, on peut rĂ©sister Ă tout. HĂ©las, la CommunautĂ© internationale a eu le dessus en lâempĂȘchant de se prĂ©senter Ă lâĂ©lection prĂ©sidentielle de 2013.
Et ce qui devait arriver arriva : le candidat de substitution et sans parti politique Hery Rajaonarimampianina, de par une incapacitĂ© totale de diriger une Nation, est en train de tout remettre en question, comme sa propre lĂ©gitimitĂ©. Mais Ă©tant donnĂ© quâil a Ă©tĂ© Ă©lu dĂ©mocratiquement par le peuple, il y est et il le restera, avec le soutien dâune cour qui utilisera tous les moyens pour perdurer. Cependant, Ă force dâinsister dans une gestion clanique des affaires de lâEtat, câest la CommunautĂ© internationale elle-mĂȘme qui va perdre patience. Aujourdâhui, il suffit dâune Ă©tincelle pour que le prĂ©sident Hery Rajaonarimampianina, se retrouve dans la mĂȘme situation que tous ses prĂ©dĂ©cesseurs Ă©lus mais en un temps record. Et dire quâils espĂšrent encore un retour en fanfare. Câest plutĂŽt le temps du retour dâĂąge pour eux, nâest-ce pas ?
Niger, 18 fĂ©vrier 2010. Le prĂ©sident Mamadou Tandja, au pouvoir depuis 1999, fait lâobjet dâun coup d'Etat authentique selon la dĂ©finition mĂȘme de ce terme. Une junte militaire dĂ©nommĂ©e Conseil suprĂȘme pour la restauration de la dĂ©mocratie (CSDR) prend alors le pouvoir. La CommunautĂ© internationale se mure dans un silence complice. Sans aucune interfĂ©rence style SADC et GIC-M, la transition ne durera pas, et le 12 mars 2011, Mahamadou Issoufou, candidat du parti PNDS-Tarayya (Parti nigĂ©rien pour la dĂ©mocratie et le socialisme) est Ă©lu nouveau prĂ©sident nigĂ©rien. Il sâagissait du second tour dâune Ă©lection dont le premier tour a eu lieu le 31 janvier 2011. La pĂ©riode de transition, ici, nâaura donc durĂ© quâun peu plus dâun an. Pourquoi ? Si je vous dis sociĂ©tĂ© française Areva, Uranium, Or, Charbon, PĂ©trole⊠vous comprendrez tout. Or, paradoxalement, le Niger est l'un des pays les plus pauvres au monde, avec un IDH (Indice de dĂ©veloppement humain) classĂ© 186Ăš sur 187 pays, en 2011âŠ
Mali, 12 mars 2012. Le prĂ©sident Amadou Toumani TourĂ©, fait Ă©galement lâobjet dâun coup d'Etat authentique selon la dĂ©finition mĂȘme de ce terme. Un ComitĂ© national pour le redressement de la dĂ©mocratie et la restauration de lâĂtat (CNRDR ou CNRDRE) est crĂ©Ă©. La rĂ©action de Catherine Ashton, Haut ReprĂ©sentant de l'Union pour les affaires Ă©trangĂšres et la politique de sĂ©curitĂ©, rĂ©sume la duplicitĂ© de la CommunautĂ© internationale. Le 22 mars 2012, elle a condamnĂ© « la prise de contrĂŽle du pouvoir par les militaires et la suspension de la Constitution et demande le rĂ©tablissement du pouvoir constitutionnel ». Et comme au Niger, sans interfĂ©rence style SADC et GIC-M, Ibrahim Boubacar KeĂŻta alias IBK, du parti RPM (Rassemblement pour le Mali), est Ă©lu nouveau prĂ©sident malien le 11 aoĂ»t 2013. Ici, la transition aura durĂ© plus dâune annĂ©e seulement. Pourquoi ? Câest le mĂȘme topo quâau Niger, pays limitrophe⊠Mais les problĂšmes socio-ethniques demeurent entiers. Rappelons-nous de lâassassinat, le 2 novembre 2013, Ă Kidal, de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, deux confrĂšres journalistes de Rfi.
Burkina Faso (littĂ©ralement « Pays des hommes intĂšgres »), 30 octobre 2014. Blaise CompaorĂ©, depuis 27 ans au pouvoir, ayant tentĂ© de modifier la constitution pour pouvoir rĂ©gner Ă vie, fait face Ă un soulĂšvement populaire. Il sâenfuit en CĂŽte dâIvoire et le 1er novembre 2014, les militaires, ayant pris le pouvoir, crĂ©ent un organe de transition. Ici, la CommunautĂ© internationale demande que ce pouvoir soit remis Ă un civil. Le 16 novembre 2014, une charte de transition est signĂ©e, Ă Ouagadougou, par les forces armĂ©es, les partis politiques, les autoritĂ©s religieuses et la sociĂ©tĂ© civile. Trois candidats vont se disputer le poste de prĂ©sident de la transition.
Madagascar, mois de novembre 2014. Marc Ravalomanana dont le retour a Ă©tĂ© aussi mystĂ©rieux que sa fuite, demeure un problĂšme pour le rĂ©gime Hvm ("Hery vaovaon'i Madagasikara", parti politique prĂ©sidentiel crĂ©Ă© de toutes piĂšces). De son cĂŽtĂ©, non contente dâavoir fait perdurer une transition Ă©manant dâune aspiration populaire et lĂ©gitime de changement, la SADC revient soudainement Ă la charge pour semer encore plus la zizanie : elle veut mettre au placard la constitution qui a permis lâĂ©lection du premier prĂ©sident de la rĂ©publique (supposĂ©e marquer le retour Ă l'ordre constitutionnel et la fin de la crise), pour appliquer une feuille de route pourtant mangĂ©e des mites. Madagascar est donc encore en pleine crise et encore en pĂ©riode de transition alors ! De son cĂŽtĂ©, ce prĂ©sident Ă©lu viole une Ă©niĂšme fois cette constitution en matiĂšre de rĂ©conciliation nationale qui, historiquement, ne devrait pas avoir sa raison dâĂȘtre Ă Madagascar, en regard de ce qui se passe en Afrique. Mais, Hery Rajaonarimampianina entend aussi « prendre en mains » cette rĂ©conciliation nationale. Or, lâarticle 168 de la constitution malgache stipule que : Dans le cadre du processus de rĂ©conciliation nationale, il est instituĂ© un Conseil du Fampihavanana Malagasy dont la composition, les attributions, et les modalitĂ©s de fonctionnement sont dĂ©terminĂ©es par la loi.
A la maniĂšre et au rythme dont il a « pris en mains » les trafics de bois de rose, la nomination du Premier ministre, les problĂšmes de dĂ©lestage, sans se soucier du quotidien des Malgaches, Hery Rajaonarimampianina creuse lui-mĂȘme sa tombe politique. La patience a des limites et lorsque le peuple se rĂ©veillera, lorsque la CommunautĂ© internationale dĂ©cidera que son ticket est pĂ©rimĂ© avant terme, alors il comprendra, trop tardivement, que lâon ne construit jamais une nation sur le sable du mensonge, sur les marais instables du reniement de sa famille politique et dans les tourbillons de la ploutocratie.
Cependant, cela ne changera en rien le mĂ©pris que nous porte la CommunautĂ© internationale. MĂ©pris du au comportement toujours intĂ©ressĂ© des politiciens malgaches encore colonisĂ©s, encore versatiles, encore corruptibles, encore ignorants de la souverainetĂ© nationale et de la res publica. Et pendant que les intellectuels passent leur temps Ă dresser des plans sur la comĂšte avec de la phrasĂ©ologie savante aussi stĂ©rile quâun eunuque, les richesses du pays sâĂ©puisent car les troisiĂšmes larrons tirent toujours partis des querelles de clocher.
Madagascar, An 2060. Les Malgaches dâaujourdâhui (et mĂȘme dâautres Terriens) sont tous morts idiots, quâils soient riches ou pauvres, dirigeants ou « dirigĂ©s ». Le dĂ©veloppement de Madagascar nâa jamais eu lieu car que perdure encore cette sale mentalitĂ© de « forts en gueule mais simples dâesprit ». Pour les 50 prochaines annĂ©es, seul un cataclysme naturel dâune ampleur immense permettra de faire comprendre aux Malgaches ce que solidaritĂ© nationale, patriotisme, esprit de sacrifice et ennemi commun veulent dire.
Madagascar, novembre 2014. JusquâĂ prĂ©sent, lâennemi du Malgache est un Malgache comme lui. Allez le vĂ©rifier sur facebook et dans les forums... Quoi quâil en soit : tic-tac, tic-tac, le compte Ă rebours se poursuit inexorablement pour Hery Rajaonarimampianina qui, depuis un certain temps, nâest vraiment pas bien de sa personne : sursauts, gestes brusques et paroles soudainement enflammĂ©es dans des discours ne menant nulle part. Il y a quelque chose qui cloche quelque part⊠Jâopte pour un environnement lourd dâoccultisme quâil ne faut pas occulter, ayant consultĂ© lâavis dâun physionomiste sĂ©rieux, Ă partir de vidĂ©os. Sâil nâarrive pas Ă se ressaisir, il sera trĂšs vite rattrapĂ© par la raison dâĂ©tat de santĂ©.
A quoi sert de genre de dossier ? Bonne question amis lecteurs ! Etant donnĂ© que lâĂȘtre humain devient amnĂ©sique Ă mesure que le temps passe, seuls les Ă©crits restent une preuve de ce qui sâest passĂ© et de ce qui se passera ici-bas. Encore une fois, Madagascar n'est pas un pays maudit mais ce sont ses politiciens qui le maudissent.
Jeannot Ramambazafy â 17 novembre 2014