Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
A Madagascar, au lendemain des élections de décembre 2013, les Malagasy, toutes tendances politiques confondues et quel que soit leurs appartenances sociales ou communautaires, avaient soif de changement, de justice, de paix et de stabilité. En effet, dans l’esprit de tous, y compris d’ailleurs de la Communauté Internationale et de nos Partenaires Techniques et Financiers, Madagascar devrait constituer un havre de paix, de confiance et de bonheur. Mais après deux années de rétablissement du soit disant retour à l’ordre constitutionnel, la grande majorité des malagasy constate que le pays est malade.
La pauvreté a augmenté et sa prévalence est maintenant parmi les plus élevées au monde. Nous habitons dans l’un des pays les plus pauvres de la planète. La majorité de nos compatriotes vit au jour le jour et se trouve dans l’insécurité totale. Rien ne s’est amélioré depuis. Les principes et les droits universels, les engagements internationaux de Madagascar sont pratiquement bafoués, notamment l’Accord de Cotonou, la Charte Africaine de la Démocratie, de la Gouvernance et des Elections, l’Agenda post 2015 d’Abuja pour le Développement, en remplacement des Objectifs du Millénaire, et l’Agenda 2063 de la Commission Africaine. Le régime pratique les mêmes méthodes de mauvaise gouvernance qui ont été les principaux moteurs des crises que notre pays a traversées au cours de ces dernières et ce nonobstant les conclusions du 1er Rapport de Crisis Group sur Madagascar qui qualifiait les actes et le comportement institutionnel de nos Chefs d’Etat comme ceux d’un « Président monarque », le comportement était, en fait, selon ledit Rapport cité supra, l’agent vecteur pathogène des crises récurrentes malagasy.
Par ailleurs, les dirigeants actuels ont montré leur incapacité quasi-chronique à prendre les décisions de politique, économique et sociale nécessaire à la réussite du Programme universel de développement durable de 2030. Comme dans tous les régimes qui se sont succédés, la pratique de non-droit, l’injustice, la censure de la presse, l’exclusion, le renforcement de l’inégalité, l’utilisation des forces de l’ordre pour la protection des intérêts particuliers, le mensonge, le népotisme, l’affairisme caractérisent le régime actuel, la plupart de ces maux étant déjà dénoncés par « La lettre des Evêques du mois de Novembre 2015 », ainsi que par la Société Civile. Il est patent que ce régime veut un contrôle absolu sur l’appareil de l’Etat pour assouvir ses intérêts particuliers d’exploitation économique et de pillage de nos ressources.
De ce fait, Madagascar représente un échec, symboliquement fort, pour la Communauté Internationale. Elle semble piégée par son indifférence historique face à la falsification et au détournement des valeurs fondamentales de la démocratie, condition de réussite d’un vrai développement. Ces valeurs sont sacrifiées pour des raisons de soit disant stabilité et maintien de la paix. Afin d’éviter l’irréparable, car la patience a des limites, des voix se sont élevées pour dénoncer les mauvaises pratiques et pour trouver une issue démocratique à la situation avant qu’il ne soit trop tard. Malheureusement, elles n’ont pas été prises au sérieux par les tenants du régime actuel qui ont préféré les considérer comme de simples activistes. C’est pour cela que nous avons demandé au Président de la République d’écourter son mandat afin de permettre d’organiser une élection anticipée conformément à la constitution de la République. Cette décision donnera l’opportunité de refonder la nation sur de bonnes bases et d’œuvrer réellement pour la réussite du Programme universel de développement durable. Il est temps d’agir.
Et il nous vient à l’esprit votre pertinente intervention, à Rio+20 en Juin 2012, et qui sonnait comme une alarme et une injonction à faire autrement: « Nous reconnaissons que le vieux modèle de développement économique et de progrès social ne marche plus. Depuis le début de la crise, 200 millions de personnes ont perdu leur travail, accentuant les inégalités et la pauvreté tout en freinant le développement. Le temps est venu d’établir un nouveau paradigme, de bâtir sur ce qui a fonctionné et d’écarter ce qui ne l’a pas été ».
Si ce régime ne change pas, si la Communauté Internationale ne réagit pas comme il l’a courageusement et lucidement fait dans d’autres pays, alors le pire n’est pas loin. Aussi le Parti Liberal Démocrate de Madagascar recommande au Secrétaire Général d’affirmer avec fermeté le soutien du Secrétariat général des Nations-Unies au renforcement de la démocratisation de Madagascar au travers:
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(i) l’annulation de son projet de visiter Madagascar prochainement et
(ii) l’appel à l’organisation d’une élection générale anticipée à Madagascar.
En attendant que vous usiez de votre haute autorité pour que justice soit rendue, nous vous prions, Excellence, de croire à notre haute considération.
Antananarivo, le 19 avril 2016
Saraha RABEHARISOA
Présidente du Parti Libéral Démocrate – Madagascar