Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, quelle que soit sa position sociale, l’argent ne pourra jamais cacher sinon escamoter des actes passés qui ont et auront des impacts destructeurs dans le présent et le futur. Qui plus est lorsqu’on est un personnage public, et que l’on prétend savoir diriger tout un pays. Ainsi de ce Hery Rajaonarimampianina, expert-comptable devenu ministre des Finances puis président de la république par substitution.
L’affaire touche l’OTIV (Ombona Tahiry Ifampisamborana Vola - Société coopérative d’épargne et de crédit à capital et personnel variables), une institution de micro-finance dont la raison d’être se résume en ceci: pratiquer l’épargne pour assurer l’avenir. En déposant son argent à l’OTIV donc, c’est conserver une partie de son revenu pendant une période donnée, en évitant de tout dépenser. Et, avec les intérêts, vous pourrez assurer les imprévus, financer des projets… en un mot, assurer votre vieillesse.
Et c’est bien pourquoi, à partir de 1990, année de la création de l’OTIV de Toamasina qui fait partie du réseau ACOA « Robista » (Association des caisses orientées autonomes), près de 45.000 personnes y ont déposé leur argent en toute confiance. Or, près de 10 ans plus tard, des détournements y sont constatés, amenant cette OTIV à mettre la clé sous le paillasson, mettant aussi sur la paille tous ces actionnaires. Mais de l’argent point de trace.
Il faut remonter un peu le temps pour comprendre l’implication directe de l’actuel président de la république de Madagascar. Il faut d’abord savoir que, conformément à son statut, l’OTIV de l’ACOA « Robista » est dirigé par un bureau élu par l’assemblée générale de ses membres. Mais le 18 juin 2009, suite à la découverte du détournement cité plus haut, la Coordination nationale de la microfinance (CNMF) -représentant le ministère des Finances et du Budget (MFB)- a mandaté le Cabinet CGA-Auditeurs Associés pour assurer la mission d’Administrateur Délégué (AD) au sein de l’ACOA.
Qui osera dire encore que c'est un faux?
Ainsi, les dirigeants légitimes des 44 caisses affiliées à l’ACOA ont été, de ce fai,t suspendus de leurs fonctions. Pour ce qui est de l’ACOA « Robista », lors de la passation entre ses dirigeants et l’AD -qui a pris des fonctions le 30 juin 2009-, elle avait dans ses comptes (banques, Caisse d’épargne, et autres) la somme de 585 millions d’ariary. D’où sort cet AD et qui l’a nommé? Selon la lettre de nomination n°001/CNMF/2009 (facsimilé ci-dessus), Oliva Andrianonizaka, consultant certifié en gestion-risque, a été nommé le 18 juin 2009 par Hery Rajaonarimampianina, expert-compable dirigeant du Cabinet CGA-Auditeurs Associés. Celui-ci succèdera à Benja Razafimahaleo en tant que ministre des Finances et du Budget, en septembre 2009.
Une fois en place, l’AD Oliva Andrianonizaka va démontrer sa manière de gérer les « risques ». Selon l’accord de partenariat signé entre l’OTIV Toamasina «Zone littorale », le MFB et l’ACOA, il est stipulé: «le MFB s’engage à fournir les moyens financiers pour la prise en charge des honoraires (vivres, déplacement, logement, etc.) de l’AD dans sa mission». Des investigations, menées par des confrères, ont amené à la découverte de nombreuses opérations financières effectuées par ce responsable pour s’acheter des vivres et autres. Ainsi, par exemple, les 10 et 11 février 2010, il a procédé deux retraits respectifs de 200.000 ariary et 100.000 ariary pour l’achat de «provisions».
Mais le plus grave est ceci: parce que cet Oliva Andrianonizaka avait dépassé le délai imparti pour l’exécution de sa mission, une plainte contre lui a été déposée auprès du Conseil d’Etat, le 30 mars 2010, lequel a prononcé sa suspension. Cependant, bien que démis de son titre et qu’une passation de fonction ait eu lieu, l’ancien AD, au cours des 5 mois qui ont suivi cette décision du Conseil d’Etat, a continué à retirer de l’argent des comptes bancaires de l’ACOA « Robista». Ainsi, du 3 mars 2010 au 27 juillet 2010, les retraits qu’il a effectués s’élèvent à 619.980.000 ariary. Mais durant près de deux ans, cette affaire n’a connu aucun écho, aucun rebondissement, aucun changement, malgré des démarches qui se sont donc avérées vaines. Malgré une légère aide financière apportée au réseau par le pouvoir de transition en juin 2010. Ainsi, pour l’opinion publique et, surtout, ceux qui ont déposé leur argent en toute perte, la complicité de la CNMF est flagrante dans cette affaire de détournement qui les a ruinés. Et Oliva Andrianonizaka semble s’être volatilisé.
Et voilà que le 11 décembre 2013, en pleine campagne électorale, le candidat n°3, Hery Rajaonarimampianina, débarque à Toamasina. Là il promet que, s’il est élu président de la république, l’argent sera restitué sans délai : « Rehefa lany ho filoham-pirenena aho, dia haverina tsy misy atak’andro io vola io ». Cela signifie surtout qu’il était au courant de cette malversation mais qu’il n’a pas bougé un seul petit doigt. Et décidément, dans ce cas encore, l’espoir fait vivre les imbéciles. Une fois effectivement élu président de la république, Hery Rajaonarimampianina a encore failli à la parole donnée.
Puis, plusieurs fois, il est revenu à Toamasina: en début juin 2016, en tant que Chef d’Etat, il a encore promis que « les problèmes qui les ont fait souffrir durant le régime de Transition vont être dénoués dans les plus brefs délais ». Du coup, l’équipe dirigeante de l’OTIV ACOA « Robista » a réuni tous les membres encore disponibles pour leur donner d’amples explications sur ces déclarations du président de la République, ainsi que la promesse que ce dernier a faite, suggérant que le problème sera résolu avant la célébration de la Fête nationale. Espoir encore: «Nous pouvons maintenant espérer un nouveau départ et espérer un meilleur avenir», avait alors confié un des membres.
Par la suite, le président Rajaonarimampianina est encore revenu à Toamasina en août, septembre et octobre 2016. Mais pour y procéder à des inaugurations d’infrastructures. Plus aucun mot sur l’affaire de l’OTIV… Or, le problème reste entier avec un total, à présent -et avec le temps qui est de l’argent-, de 13,5 milliards d’ariary qui ont disparu dans la nature, selon Rakotomalala Henri alias Riri Be, ancien membre du parti Hvm et président d’honneur de l’entité GMT «Gasy mandidy amin’ny taniny Toamasina», représentant ces près de 45.000 personnes qui ont tout perdu. « Cette somme d’argent détournée est mise aux oubliettes. C’est inacceptable », a-t-il vociféré, en ayant ajouté : « Il n’est plus question de se laisser intimider et de faire plaisir aux personnes de grande influence ou encore aux autorités. Nous en avons assez et la population en souffre ».
Lorsqu’un des membres de l’actuelle équipe dirigeante de cette OTIV ACOA «Robista» a déclamé: «Malgré les difficultés, place maintenant à l’apaisement. Evitons de baigner dans l’instrumentalisation politique», il ne croyait pas si bien dire. En effet, il est certain que le président Rajaonarimampianina -qui ne tient jamais sa parole- va faire de cette affaire de détournement, un cheval de bataille pour sa campagne électorale à la présidentielle de 2018, qu’il a déjà entamé depuis des mois.
Il va donc y avoir du sport, mais toutes ces personnes victimes d’un protégé de Hery Rajaonarimampianina, resteront toujours des… victimes. Mais elles ne tomberont jamais dans l’oubli grâce aux archives de madagate.org
Jeannot Ramambazafy – 13 Novembre 2016