Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de 2013, au début de la campagne pour le second tour du 20 décembre de cette année, voici des propos du candidat n°3, Hery Rajaonarimampianina. Ils étaient si beaux, trop beaux que cela aurait dû nous mettre la puce à l’oreille face à son comportement de très mauvais président élu en fin de course, qui a mis Madagascar dans de beaux draps :
« Mon projet de société est un Madagascar apaisé et stable pour un développement inclusif. Madagascar subit depuis quatre décennies les soubresauts de quatre crises politiques. Cette élection va permettre de rompre avec le cercle vicieux de la crise cyclique et commencer à bâtir un État fort érigé par le peuple et qui travaillera pour le peuple. L’histoire nous a enseigné qu’aucun développement ne peut être envisagé dans une situation de crise et dans un environnement anxiogène.
Ma priorité c’est de rétablir l’État de Droit, rendre effective la bonne gouvernance et instaurer la redevabilité des dirigeants. Pour ce faire, je prône l’indépendance de la justice et l’exemplarité des dirigeants. Je m’engage aussi devant le peuple pour un développement inclusif qui verra la participation de tous dans l’effort de construction et le partage équitable des fruits de la croissance. Ainsi, il nous faudra travailler de concert avec les partenaires techniques et financiers, que je remercie en passant pour leur disponibilité et leur engagement à nos côtés. Madagascar sera l’un des plus grands chantiers de l’Afrique.
A part les grands travaux, notre croissance sera basée sur le tourisme et l’agriculture avec comme cheville ouvrière le secteur privé. Mais le pays a aussi besoin de stratégies innovantes, inspirées de celles qui ont marché dans les pays émergents pour atteindre une croissance à deux chiffres et combattre la paupérisation chronique de la population. L’éducation sera au centre de notre projet de société, car pour préparer le futur il nous faut éduquer nos enfants d’aujourd’hui. Enfin les investissements directs étrangers seront encouragés et l’État jouera le rôle de facilitateur et assurera la sécurité des biens et des personnes mais surtout celle des investissements ».
Extraordinaire et mirobolante rédaction, n’est-ce pas ? Personne n’aurait fait mieux dans nos contrées. Même pas moi. En fait, le candidat n°3 n’avait aucun programme digne de ce nom pour réaliser tout cela, et son bilan, après plus de quatre ans au pouvoir, est, certes pitoyable, mais surtout extrêmement dangereux pour l’avenir immédiat du pays. S’il est encore là pour 5 nouvelles années. Aussi, réveillez-vous les morts-vivants !
En ce mois de juin 2018 qui débute, par rapport à cette prose que personne ne pourra jamais quantifier, faites une comparaison avec ce qui s’est passé, qui se passe réellement à Madagascar. Et certains me demandent de parler de ce qu’il a fait. Je ne peux pas inventer ce qui n’existe pas à l’échelle nationale. Inaugurer des écoles ; inaugurer l’installation de groupes électrogènes nuisant à la santé des riverains (nuisance sonore) ; inaugurer des portions de route détruites par le premier cyclone venu ; établir un branchement d’électricité tirée d’énergie fossile ; inaugurer des bornes fontaines… Ce ne sont et ne seront jamais des actions de développement. C’est du mauvais théâtre présidentiel car il y a des ministres chargés de ces domaines tout de même !
Non, Hery Rajaonarimampianina, en plus de quatre ans de pouvoir, n’a rien fait pour le peuple, particulièrement dans le volet social. Bien au contraire, tout à augmenter dans sa survie alors que lui, il fait de son pays une escale entre deux voyages, stériles du point de vue du « real development » mais payés par les déjà pauvres contribuables. Jusqu’à récemment, il croyait dur comme fer que sa stabilité reposait sur la politisation de l’administration et, donc, du coloriage en bleu Hvm du pays tout entier. Il n’aura rien retenu de l’Histoire de son propre pays qui fait partie aussi des îles de l’océan Indien. Oui, c’est la plus grande ! Mais de çà aussi il s’en contrebalance au plus haut point, après avoir déclaré qu’il allait se battre et se battre dur pour que les autres, les fameuses iles éparses (malgaches selon l’ONU elle-même, depuis 1979) soient restituées à Madagascar. Après lui, le déluge de dettes contractées pour rien mais laissées à trois générations de Malgaches. Et vous vous demandez encore d’où vient l’argent qui l’a rendu milliardaire ? Mais cela remonte aussi du temps où il était l’inamovible ministre des Finances et du Budget durant quatre ans de transition. Il a bien caché son jeu (d’écritures), tiens !
Or, aussi étrange que celui puisse paraître, le vendredi 22 mai 2015, 115 députés (où diable était passée la « majorité présidentielle » ?) ont rédigé une motion de déchéance conformément à l’article 131 de la Constitution qui stipule :
Article 131.
Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison, de violation grave, ou de violations répétées de la Constitution, de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat.
Il ne peut être mis en accusation que par l'Assemblée nationale au scrutin public et à la majorité des deux tiers de ses membres.
Il est justiciable devant la Haute Cour de justice * (Ndlr : la Haute cour constitutionnelle, le cas échéant). La mise en accusation peut aboutir à la déchéance de son mandat.
* Et voilà déjà un motif de déchéance. En effet, voici ce que dit l'article 167 de la même Constitution :
Article 167.
Afin de respecter le prescrit constitutionnel, le Président de la République, dans un délai de 12 mois à compter de son investiture, invite les Instances compétentes à désigner les membres qui composeront la Haute Cour de justice afin de procéder dès l'expiration de ce délai à l'installation de la Haute Cour de justice. Toute partie justifiant d'un intérêt peut saisir les institutions compétentes de demande de sanction en cas de carence.
En ce qui concerne le Président de la République, exceptionnellement, l'instance compétente est la Haute Cour constitutionnelle qui serait autorisée à prendre les sanctions qu'aurait pu prendre la Haute Cour de justice si elle était installée.
Comme cette Haute Cour de justice n'a jamais été installée dans le délai constitutionnellement imparti depuis (elle le sera sans la présence du président de la république, du moins la prestation de serment de ces membres, le 1er juin 2018, à la Cour suprême à Anosy), la balle était dans le camp du petit Monsieur co-fondateur très incisif du SeFaFi (Observatoire de la vie publique), que j'ai déjà maintes fois présenté.
En toute légalité, c’est bien à partir de ce 22 mai 2015 que ce président parjure et ne respectant pas la parole donnée, aurait dû finir comme le président Zafy en mars 1996 (empêché par sa propre majorité à l'Assemblée nationale). Mais, hélas, les mallettes magiques et l'art de la corruption constitutionnelle de Jean Eric Rakotoarisoa ont eu le dessus. C’est affreux mais tout le mal que ce personnage a fait à son propre pays, se résume en cette seule phrase dernière phrase.
Et nous sommes tous -sans exception- complices de sa trahison tous azimuts : des bailleurs de fonds au chômeur qui fume des cigarettes, qui paie donc indirectement une taxe, en passant par cette HCC qui a corrompu l’esprit même de la Constitution. Car, au lieu de le sanctionner, avec toutes les charges pesant contre lui -dont la non mise en place de la Haute cour de justice un an après sa prestation de serment comme le stipule l’article 168 de cette constitution-, cette plus haute juridiction de Madagascar lui a offert une porte de sortie qu’il n’a jamais ouverte : la mise en application d’un « pacte de responsabilité ». Et, à partir de cette décision de la HCC n°24-HCC/D3 du 12 juin 2015 relative à la mise en accusation du président de la république, Hery Rajaonarimampianina, ce dernier a cru profondément qu’il ne devait rendre de compte à personne.
Du coup, nous avons tous contribué, d’une manière ou d’une autre, à son enrichissement personnel parce qu’il était (il est toujours) « protégé » par le suffrage universel, une justice injuste à son profit et une partie des forces armées très bien « motivées » à leur sommet étoilé.... Voilà à quoi tient encore son semblant de pouvoir. Car il n’a plus aucune légitimité. Surtout à partir du 21 avril 2018 et avec tous les évènements qui s’en sont suivis jusqu’à la nomination de Premier ministre de consensus, Ntsay Christian, proposé par Andry Rajoelina, président de la transition 2009-2014 et président-fondateur du groupe politique MAPAR (« Miaraka amin’ny Prezidà Andry Rajoelina »). Ce, conformément à l’article 54 de la constitution, et après la démission de Premier ministre Mahafaly Olivier Solonandrasana qui, dans un « au-revoir », a semblé indiqué qu’il allait rempiler. Où et sous quelle forme ? Nous ne tarderons pas à le savoir car, simple citoyen, il se sent brusquement vulnérable face à des méfaits ne sortant pas d’un conte de fée… Il a l’intention de se défendre, dans tous les sens du terme.
Pour en revenir au président de la république le plus haï par son peuple, dans l’Histoire de Madagascar, il compte se représenter lors de la prochaine élection présidentielle. Mas sachant que le temps ne joue plus en sa faveur, il cherche à en gagner (du temps) en cherchant à retarder le processus. Et au sein du Hvm, on passe le temps à se réunir jusqu’aux aurores pour établir des tas de plans sur la comète. Mais rien n’aboutira, à moins d’organiser carrément un holocauste. Car, ayant totalement oublié qu’il existe une justice divine, c’est celle-ci qui va encore s’abattre sur ce ramassis de fossoyeurs de la Nation malgache. Pourquoi avoir utilisé l’adverbe de temps « encore » ? Je vous laisse sur l’équation suivante : croyant ou athée, qui de vous pourrait expliquer de manière logiquement humaine comment il se fait qu’à chaque fois, les mauvais coups de ce régime menteur, voleur et corrupteur, sont toujours mis à découvert d’une façon ou d’une autre au moment où il s’y attend le moins ?
Pourquoi j'écris tout cela ? D'abord parce que c'est bien le seul bilan vrai, réel et authentique que l'Histoire devra retenir. Ensuite, parce que si les paroles s'envolent, les écrits restent. C'est un combat contre l'amnésie collective dont seront atteints ces actuels personnages au pouvoir, d'ici quelques mois. Enfin, ils devront assumer l'entière responsabilité du sous-développement avancé qui a déferlé dans la Grande île de l'océan Indien. Et la vie est si courte...
Jeannot Ramambazafy – Article également publié dans « La Gazette de la Grande île » du samedi 9 juin 2018