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Home Vie politique Dossier Antananarivo. L’Histoire sous Marc Ravalomanana, il y a 10 ans jour pour jour

Antananarivo. L’Histoire sous Marc Ravalomanana, il y a 10 ans jour pour jour

Policia n’est pas malgache. On dit Polisy à Madagascar… Et Jing Cha ? Donnons notre langue au… chat

Les évènements dont j’ai été témoin et que je relate pour vous ici, amis lecteurs assidus ou non, font partie de ce qu’on appelle Histoire et non pas histoires à dormir debout ou encore historiettes. Ce ne sont pas des racontars ni des rumeurs mais des faits authentiques vécus. Ils se sont produits il y a dix ans, jour pour jour aujourd’hui, et ont précédé la démission puis la fuite du président Marc Ravalomanana. Qu’avait-il donc à se reprocher, pour ne pas y avoir fait face en restant au pays ?

Radio VIVA mis à sac par des éléments en uniforme

Affreux. C’est l’adjectif qui convient à la fin de la semaine passée dans la ville d’Antananarivo. Surtout la nuit du samedi 7 mars et la journée du dimanche 8 mars 2009. Lors de l’émission « Paroles du président » (« Tenin’ny Filoham-pirenena ») à la Rnm et à la Tvm, Marc Ravalomanana a parlé de sérénité, de paix sociale et de concorde nationale. Or, la veille des éléments en uniforme, commandés par un homme en tenue civile, sont venus en force pour démanteler le matériel de la radio Viva à Ambodivona. Tous les téléspectateurs de la TvPlus ont vu trois fois cette scène nocturne digne d’un cambriolage et d’une mise à sac en règle. Manque de bol pour le régime, l’essentiel avait déjà été déménagé ailleurs. Ce qui fait que, peu de temps après, radio Viva émettait en d’autres lieux même si le brouillage persistait. Ce lundi 9 mars 2009, radio Antsiva a également été brouillée et le siège de TvPlus a failli être la proie d’une mise à sac, sans l’arrivée rapide d’une nouvelle entité : la FIGN pour Force d’intervention de la gendarmerie nationale.

Division réelle au sein de l’armée malgache

Un sportif reconnu par de nombreuses personnes

En parlant de forces de l’ordre, justement, elles sont bel et bien divisées et les jours prochains ne s’annoncent pas sereins. D’un côté, le colonel Rakotonandrasana Noël qui a, avec lui, les sous-officiers ; de l’autre côté le général Rasolomahandry Edmond, chef de l’Etat-major général des armées malgaches ou Cemgam et quelques étoilés du moment, en active. Le premier au Capsat (Corps des personnels et des services administratifs et techniques) de Soanierana a parlé vrai. C’est-à-dire que l’armée a pour mission de veiller à la sécurité et de protéger les personnes et leurs biens et non de servir une entité seule en faisant des actes de barbarie avec l’utilisation de mercenaires. Le colonel Rakotonandrasana donne 48h aux militaires travaillant à la Présidence, à la Primature, à l’Assemblée nationale et au Sénat de rentrer dans leur corps d’origine. Par ailleurs, ce colonel qui n’a pas froid aux yeux demande que la Rnm et la Tvm soient ouvertes à tous et que cessent ces brouillages des stations privées. Le second, parlant comme le Chef suprême des armées, a minimisé la gangrène qui ronge la Grande muette, en parlant de lieux communs. Bref, en parlant pour ne rien dire. De son côté, Talbot Antonin, le Directeur général de la police nationale n’a pas été en reste pour énoncer la même tirade, la même récitation. Il est détestable d’entendre et de voir des gens qui se prennent brusquement au sérieux alors que tout ce qui s’est passé aurait très bien pu être évité si chacun avait pris ses vraies responsabilités. Mais…

Nerf de la guerre et tuerie aveugle

Poursuite jusque dans les moindres recoins de la ville

En fait, cette division larvée repose sur une question de nerf de la guerre et d’avancement. Les murs, qui ont des oreilles, racontent que six personnes en tenue militaire « bordel » ont rencontré Marc Ravalomanana», l’autre jour, et auraient reçu 2 milliards. Quant aux éléments de la garde présidentielle (Régiment de Sécurité Présidentielle ou Resep), ce serait deux millions par semaine que leurs femmes auraient été allées chercher du côté de Miarinarivo (à 80 km d’Antananarivo dans le moyen ouest) pour les transporter ensuite dans des fûts à lait. Enfin, en un laps de temps rapide, certains capitaines sont rapidement devenus colonels plein. Trop rapidement même pour pouvoir affirmer que la démarche a bien respecté le tableau d’avancement. Sans compter ces éléments en tennis et ces miliciens enrôlés pour aller jusque dans les ruelles et même à l’université d’Antananarivo pour tuer les gens, sans discernement, aveuglément. Car rappelons qu’une jeune étudiante issue de la région de la Sofia (province de Mahajanga) a été atteinte d’une balle en plein cœur dans sa chambre d’étudiante à Ankatso. Enfin, des cadavres ont été déterrés par des chiens errants du côté d’Ambatolampy, sur la RN7, où des gens avaient aussi été amenés mais relâchés par la suite.

Encore des « touristes » en vue

Le chef des « touristes » sur la place du 13 mai : un Sud-africain Afrikaner pur-sang

Quoi qu’il en soit, la place du 13 mai s’est vidée de toutes présences militaires et les révolutionnaires « orange » ont pu tenir un meeting en toute tranquillité durant la matinée de ce lundi 9 mars 2009. De son côté, le parti Tim a rameuté ses partisans devant le stade de Mahamasina pour les exhorter à ne pas se laisser faire afin de « préserver la paix ». Cela ne présage vraiment rien de bon. Entre ces deux meetings, des gens sont allés piller systématiquement deux grandes surfaces du côté de Tanjombato où la cavalerie, en l’occurrence la FIGN, est arrivée trop tard. Quid de l’Emmo/nat (Etat-major mixte opérationnel national) à présent ? On n’en parle plus et c’est devenu un nom générique lourd à porter. Où sont passés les six « touristes » de nationalités israëlienne, sud-africaine et africaine ? Mystère. Mais aux dernières nouvelles transmises par Monja Roindefo (premier Premier ministre de la période de transition), d’autres «touristes» auraient débarqué du côté de Morondava (côte sud-ouest de la Grande île passoire). Voilà en ce qui concerne le déroulement malgacho-malgache. Et du côté des négociateurs et autres médiateurs ?

Un appel à une trêve lu par Mgr Odon Razanakolona

Mgr Odon Razanakolona face aux journalistes

« Le Ffkm et l’Organisation des Nations Unies appellent les parties malgaches à œuvrer à l’installation d’un climat apaisé en vue de la tenue, dans de bonnes conditions, d’un dialogue élargi pour sortir de la crise actuelle. Le ffkm et l’Onu invitent tous les acteurs publics malgaches à observer une trêve pour donner toutes les chances de succès aux prochaines assises qui vont se dérouler du 12 au 14 mars 2009 et créer l’environnement pour préserver la stabilité et le prestige de Madagascar ainsi que la relance de l’économie malgache et l’approfondissement de la démocratie ». Ambohimanambola, le 9 mars 2009

Déclaration de M. Tiébilé Dramé, Emissaire permanent des Nations Unies dans la crise malgache

Messieurs Tiébilé Dramé et Andry Rajoelina

« Après deux entrevue avec le président Marc Ravalomanana, le samedi 7 et le lundi 9 mars. Il a été question de faire un bilan des négociations effectuées depuis et de l’organisation des assises pour trouver une solution à la crise. Durant la dernière entrevue, M. Ravalomanana a promis qu’il garantirait la sécurité de M. Andry Rajoelina et de ses proches collaborateurs. Le président a déclaré qu’ils pouvaient circuler librement et qu’il n’y aurait aucune arrestation à leur encontre.

Andry Rajoelina, alors Maire de la ville d’Antananarivo

Pour sa part, M. Rajoelina a informé les ambassadeurs venus le voir le vendredi 6 mars 2009 de sa crainte concernant sa propre personne. Ainsi, a-t-il décidé de mettre Andry Rajoelina sous protection de l’Onu dans une résidence diplomatique à Antananarivo ». Ambohimanambola, le 9 mars 2009

Déclarations de Mgr Augustine Kasujja, Doyen du corps diplomatique

Mgr Augustine Kasujja lors des obsèques du Cardinal Armand Gaëtan Razafindratandra en 2010

« Les représentants de la communauté internationale à Madagascar le soutien et l’appel en faveur de la conférence consultative nationale de Madagascar que viennent de lancer conjointement le Ffkm, les émissaires du président de la république de Madagascar et de M. Andry Rajoelina. Cette avancée significative autorise l’espoir de l’émergence d’une solution de consensus à la crise politique qui secoue Madagascar depuis le mois de janvier. Les représentants de la communauté internationale à Madagascar saluent cet effort constructif et essentiel à la poursuite du dialogue en vue de rétablie la stabilité dans un esprit de réconciliation et dans un cadre constitutionnel élargi et démocratique. Les représentants de la communauté internationale à Madagascar sont convaincus que la participation d’éléments représentatifs de la société malgache est essentielle pour résoudre les problèmes de fonds qui sous-tendent la crise politique actuelle. Elle reste disposée à accompagner le peuple malgache dans ses efforts à transcender les divergences et à trouver une paix durable dans le progrès et le fihavanana ». Antananarivo, le 9 mars 2009

Pacte avec le diable

Etait-ce le même homme, sept ans après ?

Tout cela est formidable mais trop beau pour être respecté. Comment accompagner le peuple malgache en restant les bras croisés, et en s’interdisant toute immixtion alors qu’énormément de promesses n’ont pas été tenues de la part de Marc Ravalomanana ? Qui n’a pas respecté les termes à l’issue de la première entrevue à Antanimena ? Qui a fait défection le premier, minimisant cette crise, en allant à Toamasina puis à Mahajanga pour parler d’armes de guerre à importer ? Tous ces ambassadeurs le savent mais il est dit que diplomatie est synonyme d’hypocrisie. Et que tout ce beau monde va finir par être, en deux mots, cons vaincus. Car le doute n’est pas permis : Marc Ravalomanana cherche à gagner du temps pour sauver SON sommet (mais finalement pour cause de crise, le XIIIème sommet de la Francophonie, prévu en 2010 à Antananarivo, a été déplacé à Montreux, en Suisse, en décembre 2009) car énormément d’argent est en jeu. Or, il ne faut pas perdre de vue aussi que, depuis le début de la crise, près de 150 personnes ont perdu la vie, des dizaines sont portées disparues corps et âmes, et des centaines ont été blessées. Le culte de l’impunité demeure vivace.

Cependant, la mentalité des Malgaches a changé et c’est cela qui va compliquer les choses. Au fil de ces trois mois de crise, Marc Ravalomanana s’est conduit comme un pompier venu éteindre un feu, qu’il a lui-même allumé, avec de l’essence. A-t-il sincèrement la conscience tranquille, lui qui ne parle plus de foi et de croyance ces derniers temps ? Aussi, quoi que disent les têtes pensantes et les faiseurs de rumeurs qui ne vivront jamais ce que vit le peuple malgache, le danger est permanent et, demain, tout risque de basculer d’un coup. Car pour la majorité, les promesses de Marc Ravalomanana n’ont jamais été tenues durant ce premier trimestre de cette année 2009. Et de trop belles déclarations masquent des coups bas, vils, saupoudrés de gros sous et de gros bras.

A Antananarivo, par exemple, les citadins attendent toujours la suppression de cette décision anticonstitutionnelle qu’a été la nomination d’un Président de délégation spéciale (Pds) pour remplacer le maire élu, Andry Rajoelina. Ils attendent encore que la Rnm et la Tvm parlent d’autre chose que de reportages soporifiques de développement de façade, et donnent la parole aux autres. Les 4 tonnes de riz par fokontany (quartier) à 700 ariary le kilo n’ont duré que deux jours. Et l’Himo (Haute intensité de main-d’œuvre) ne sera jamais pérenne. Les gens sont pauvres monétairement et semblent jouent ce jeu, malsain qui ne sera jamais à leur avantage, mais cela ne signifie pas qu’il porte ce président devenu dictateur dans leur cœur. Tôt ou tard, celui-ci aura des comptes à rendre et tout ce qu’il a fait subir à un peuple trop confiant ou inconscient, il le paiera au prix fort. Cela, c’est la rançon de tout pacte avec le diable. Le peuple est versatile mais il n’oublie jamais le mal qu’on lui fait. Pour l’heure, le danger est permanent et les journalistes malgaches eux-mêmes sont vraiment dans le rouge.

Jeannot Ramambazafy – Journaliste

Dossier rédigé le mardi 10 Mars 2009, il y a dix ans à aujourd’hui et publié également dans "La Gazette de la Grande île" de ce samedi 09 mars 2019

Mis à jour ( Dimanche, 17 Mars 2019 02:05 )  
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