Le président Andry Rajoelina lors de son discours à Manjakamiadana
Le jeudi 11 avril 2019, le président Andry Rajoelina a procédé au lancement des travaux de rénovation et de finition du Rova de Manjakamiadana et du Palais de la Reine réduit en cendres, la nuit du samedi 6 novembre 1995. Ci-après des extraits de son discours en malagasy, suivis de leur traduction en français par mes soins :
« (…) Eto amin’ity toerana manerinerina ity no hibanjinan-tsika ny ho avin’ny Firenena. Ho averin-tsika amin’ny endriny taloha ny Rova ary hapetran-tsika ho isan’ireo vakoka manan-danja maneran-tany na ho angatahan-tsika ho atao « patrimoine mondial » ity toerana ity. Ho ampiasain-tsika ny teknolojia maoderina mba hampahafantaran-tsika sy hampiainan-tsika ho an’ny taranaka fara aman-dimby ny tantaran’ireo mpanjaka nifanesy amin’ny alà lan’ny « projection » sy fampiasana « hologramme ». Izany hoe, any amin’ny rihana faha-3 dia toa ireo mozea maneran-tany, dia ho alain-tsika ny horonan-tsary na hoforonintsika indray ny endrika, ny fomba na ny fitenin’ireo mpanjaka nifandimby izay nanamarika an’ny Tantaran’ny Firenena. Ho ataon-tsika maoderina, ho ataon-tsika miverina ohatry ny tamin’ny teo aloha ity Rovan’i Manjakamiadana ity. Tsy ho avelan-tsika ho fahatsiarovana fotsiny izany, izany hoe Anatirovan’Antananarivo izany fa ho antsangan-tsika eto indray, araka ny endriny fahiny. Ary ny afo izay nandoro azy dia ho solon-tsika ho Afon’ny Fitiavan-tanindrazana ao am-pontsika tsirairay. Koa ho tontosain-tsika ao anaty fotoana fohy, hoy aho, araka ny nolazaiko teo, mba ho reharehan’ny Malagasy (…). ».
Traduction libre
C’est en ce lieu vaste et élevé que nous aborderons d’un regard savant l’avenir de la Nation. Nous allons remettre en son état d’antan ce Rova dont nous rehausserons la valeur traditionnelle et culturelle, et nous demanderons qu’il soit être inscrit au Patrimoine mondial. Pour la connaissance des générations présentes et à venir, nous utiliserons les technologies modernes, comme la projection et l’hologramme, pour faire connaître et faire vivre l’Histoire des reines et rois qui se sont succédé ici. Ces technologies avancées seront installées au troisième étage du Palais qui prendra, dès lors, tous les critères des musées de par le monde. Nous y archiverons tous les documents auditifs et visuels que nous monterons de manière à révéler les us et coutumes ainsi que le langage de tous les monarques qui ont marqué l’Histoire de la Nation. Nous allons faire de ce Rova de Manjakamiadana un mixage d’authenticité et de modernisme. Anatirovan’Antananarivo (le haut lieu royal clos de palissade d’Antananarivo) ne sera pas qu’un simple souvenir mais ce sera un lieu vivant semblable à l’identique. Et le feu qui l’a réduit en cendres, nous le transformerons en une flamme du Patriotisme vibrant dans le cœur de chacun de nous. Ainsi, comme je l’ai déclaré, nous réaliserons cela dans un court laps de temps, pour en faire la Fierté des Malagasy.
Après avoir vu et vécu la renaissance de l’Hôtel de ville d’Antananarivo, le 11 décembre 2010, qui a aussi été la proie des flammes le samedi 13 mai 1972, je donne ma confiance -et les yeux fermés en plus- au président Andry Rajoelina. Ce jeune homme, quoi qu’on dise, restera dans les annales de l’Histoire de Madagascar comme un grand bâtisseur devant l’Éternel. Cependant, je le mets à nouveau en garde contre les charlatans et beaux parleurs de tous acabits qui risquent fort de freiner son élan patriotique -et, par synergie le développement tant attendu par des millions de Malagasy- avec leur incompétence et leur nombrilisme qui retomberont sur lui à la longue.
Le ministre de la Sécurité publique, Anandra Norbert, lisant à la télévision publique un rapport dans un smartphone à la main, le 24 février 2017
En passant, et, sincèrement, à titre de vieux de la vieille qui ne s’en laisse pas compter, vous avez intérêt, Monsieur le président de la république élu, à tenir compte des critiques et ne pas vous laisser influencer par un entourage qui ne lit que nos titres pour, après, vous faire des rapports à la Anandra Norbert (Cf. l’incendie des villages d’Antsakabary). Je répète : qui aime bien, châtie bien. Enfin, sans mettre en exergue la liberté de presse (régie par la loi, ne pas l’oublier), l’opinion qui fait réagir, en bien ou en mal, fait partie du jeu dit démocratique. Mais elle aide surtout à rectifier les tirs qui vont de travers, dans des situations pas toujours à votre portée. Sinon, allez faire un tour, incognito, la nuit, du Mausolée au croisement devant « Chez Nane » en passant par l’ambassade d’Allemagne. Vous m’en direz des nouvelles, ensuite. Cela n'est pas hors sujet dans ce dossier car cela fait partie aussi de l’Histoire au quotidien contemporaine, escamotée hélas, de la Capitale malagasy. Passons.
Dans son discours du 11 avril 2019, le président Rajoelina révèle aussi qu’il est féru d’Histoire : « Zava-dehibe izao lanonana atrehin-tsika androany izao satria fanajana ny fototra ary fanomezan-kasina ny loharano niaviana. Ny tenako manokana dia tia mandalina ny Tantara ary ny taranaka Malagasy dia tokony mahafantatra sy mahalala ny tantaran’ny Firenena ihany koa mba afahantsika mibanjina ny ho avy. Tsy afaka handroso mihitsy mantsy isika raha tsy mahafantatra ny hoe : avy aiza isika ary ho aiza isika ? ».
Traduction libre
La cérémonie pour laquelle nous sommes réunis aujourd’hui est majestueuse car elle marque le respect de nos racines et honore notre source originelle. Personnellement, j’aime approfondir mes connaissances en Histoire et les enfants malagasy doivent savoir et connaître l’Histoire de leur Nation afin de mieux cerner leur avenir. En effet, nous ne pourrons jamais avancer si nous ne pouvons répondre à la question : d’où venons-nous et où allons-nous ? ».
Il est certain que le président Andry Rajoelina connaît très bien l’histoire de Gisèle Rabesahala (1929-2011), première femme ministre malagasy, et même ministre de la Culture, qui a dit, un jour : « Si on ne sait pas d’où on vient, on ne sait pas où on va ».
Dans cette recherche des origines, des racines de son peuple, le président de Madagascar a été devancé (d’un mandat) par le président du Sénégal. Un proverbe malagasy dit : « Ny soa fianatra mahavokatra » (litt. : un bon exemple suivi est productif). En effet, lors de son message à la Nation sénégalaise, la veille de sa seconde investiture à la magistrature suprême de son pays, Macky a annoncé la publication de 5 premiers volumes de l’Histoire du Sénégal. Extraits : « (…) Ce soir, je voudrais saluer la publication prochaine des cinq (5) premiers volumes de l’histoire générale du Sénégal des origines à nos jours. Cette œuvre monumentale de 25 volumes sur lesquels travaille, depuis plusieurs années, une équipe pluridisciplinaire, d’éminents Historiens et Chercheurs Sénégalais, est la première du genre de notre pays. Elle vient à son heure parce que l’âme des peuples, ce qui fait leur force et leur grandeur, s’incarne dans leur histoire. N’oublions jamais que l’asservissement des peuples par l’esclavage et la colonisation a toujours reposé sur la négation absolue de leur histoire, de leur culture et de leur civilisation. En faisant le récit authentique de notre passé, nous resterons à la fois notre histoire et notre patrimoine historique et notre patrimoine culturel, et civilisationnel. Ce faisant, nous confortons notre vocation naturelle de rester un peuple libre et souverain. Tel est le sens premier de la fête de l’indépendance (…) ».
Barack Hussein Obama, premier président noir de l’Histoire des États-Unis d’Amérique, est d’origine kenyane…
Dans ce contexte hautement culturel, je suis assez étonné que le président malagasy n’a pas eu le temps d’aller sur l’île de Gorée, située dans la baie de Dakar et étant une des 19 communes d'arrondissement de la capitale du Sénégal. Question de sécurité ? Allons, gouverner c’est prévoir. Michelle et Barack Obama ont visité la « Maison des esclaves » de cette île, en juin 2013. Il apparaît donc que ses conseillers ne se cultivent pas tellement alors… Or, lorsque le président Rajaoelina parle de patrimoine mondial, on aurait dû lui faire savoir que l’île de Gorée, à 3,5 km au large de Dakar, témoigne d’une expérience humaine sans précédent dans l’histoire des peuples. En effet, cette «île mémoire» est pour la conscience universelle le symbole de la traite négrière avec son cortège de souffrance, de larmes et de mort. Sa position stratégique offrait un abri sûr pour le mouillage des navires, d’où son nom de «Good Rade» devenu Gorée par écoute et rendu phonétique.
L’île de Gorée a été classée site historique en 1944 avec des mesures de sauvegarde en 1951 (sous l’époque coloniale). Elle a par la suite été inscrite sur la liste du patrimoine national en 1975 (Arrêté N°012771 du 17 novembre 1975) et sur celle du patrimoine mondial en 1978. Un Comité de sauvegarde a été créé par arrêté en 1979. L'île de Gorée reste encore, de nos jours, un symbole de l'exploitation humaine et un sanctuaire pour la réconciliation (Source : Unesco).
Dans ce douloureux volet de l’esclavagisme, l’Histoire de Madagascar semble n’en parler que comme s’il s’agissait de contes et de légendes (« angano »). Tout n’est que bribes de bouches à oreilles alors que les esclaves malagasy ont bien existé et que leurs descendants existent jusqu’au Brésil, sans parler de l’Afrique elle-même, des îles océano-indiennes et, surtout des États-Unis d’Amérique où la grande majorité des « Afro-américains » sont descendants d’esclaves. C’est la réalité vraie. Voilà un thème sur lequel je m’attèlerai si notre président historien me donne les moyens logistiques et financiers : « Ny fanandevozana teto Madagasikara tamin’ny fanjanahantany » (L’esclavage à Madagascar sous la colonisation). Pas mal comme titre. Non ? En tout cas, ce sera un véritable défi (« velirano » aussi) qui me fera travailler comme un… nègre. Mais tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, n’est-ce pas ? Enfin, pour vous démontrer qu’effectivement je suis un peu déjanté sur les bords, je vous offre une citation très culturelle que j’ai lu quelque part : « La musique est l'œil de l'oreille ». Quel rapport, diriez-vous ? Vous ne savez pas que les « Negro spirituals » ont pour origine les plaintes chantées des esclaves dans les champs de coton du Sud de l’Amérique du Nord ? Cultivez-vous les gars, car la culture c’est tout ce qui restera, etc…
Jeannot Ramambazafy - Egalement publié dans "La Gazette de la Grande île " du samedi 13 avril 2019