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Madagascar. Vous avez dit Gouvernorat ?

Le Président Andry Rajoelina lors de son investiture à Mahamasina, le 19 janvier 2019

Lors de son discours d’après son investiture, le 19 janvier 2019 au stade de Mahamasina, le Président Andry Rajoelina a annoncé la mise en place de gouverneurs pour chacune des actuelles régions de la Grande île. Ces gouverneurs remplaceront les chefs de région dont les décrets de nomination ont été abrogés. Déjà, cela me fait tiquer car ces gouverneurs seront encore nommés et non élus. Certains l'ont déjà été. A mon sens, cette procédure est aux antipodes de la notion même de démocratie qui implique le suffrage universel direct (électeurs) ou indirect (grands électeurs). Mais le tir a été rectifié car il paraît qu'ils ne seront là qu'à titre provisoire et qu'il y aura, ultérieurement (quand?), des élections à leur sujet. Mais quel est le rôle exact de ces gouverneurs de région de Madagascar nommés ? Quelle est aussi l'histoire de ce système ailleurs et dans la Grande île ? Dossier mémoire enrichissant.

Le Président Andry Rajoelina en a touché un mot, à l'aéroport de Beravina, à Fianarantsoa, le 27 février 2019. Ainsi, pour le Chef de l’État, “la mise en place des gouverneurs de région participera à une décentralisation effective ainsi qu’à un développement répondant aux besoins de chaque localité de Madagascar”. Dans cette optique, un budget d’un milliard d’ariary sera alloué à chaque gouverneur de région pour la construction d’infrastructures au niveau de leurs communes telles que les routes, les marchés, les écoles. A long terme, ce budget sera réajusté selon les besoins de chaque localité. Et, selon le communiqué de la Direction de la Communication et des Relations Publiques à ce sujet: “Les projets réalisés par chaque gouverneur de région seront évalués régulièrement à travers des paramètres quantifiables et mesurables (nombres d’écoles et hôpitaux construits, étendues de routes réhabilitées,…). Par ailleurs, un conseil du gouvernorat se tiendra régulièrement, entre le Président de la République, le gouvernement et les gouverneurs, pour, à la fois, un suivi des actions menées dans chaque localité mais également pour répondre aux besoins de la population”.

Mais, au fait, qu'est-ce qu'un gouvernorat ? De manière simplifié, c'est le territoire ou la zone de compétence d'un gouverneur. Selon wikipédia, “Gouverneur” est un titre qui a désigné différentes fonctions suivant les pays et les périodes. En règle générale, le gouverneur est la personne qui détient le pouvoir exécutif civil ou militaire, ou les deux, d'une province, d'un État (dans le cas d'une fédération) ou d'une colonie.

Le gouverneur répond le plus souvent à une autorité supérieure, bien souvent le chef de l'État ou le gouvernement du pays pour lequel il agit. Dans un État fédéral, il gouverne au nom du pouvoir central s'il est nommé ou de manière autonome s'il est élu (cas par exemple des États d'Amérique du Nord).

Ce titre était également donné à des représentants locaux de compagnies qui commandaient une place forte, un château, une citadelle, une forteresse ou encore une région militaire. Enfin, le titre de gouverneur peut aussi être attribué à une personne, souvent nommée par l'État, dirigeant une grande institution ou une banque, comme la Banque Centrale de Madagascar.

Pour le Président Andry Rajoelina, “les gouvernorats de région auront un rôle plutôt économique. Ils seront ainsi dotés de gros budgets d’investissement”. Il est donc intéressant de vous emmener faire un voyage dans le passé et vous aurez une idée plus large et une connaissance plus approfondie de cette histoire de gouvernorat et de gouverneurs à Madagascar. Car ce système et ces personnalités ne sont pas une nouveauté dans la Grande île.

Madagascar a connu le système de gouvernorat sous la période de colonisation au cours de laquelle le Gouverneur Général détenait un pouvoir quasi absolu car, nommé par le Ministre des colonies, il représentait le Président de la république française.


Mais avant la colonisation des gouverneurs militaires malagasy avaient été nommés, à l'instar de Ramaka, Ratovelo, Rainitavy à Ambohimarina (Diego Suarez) en 1887. Ce poste a été remis au goût du jour sous la période transitoire dirigée par le Général Gabriel Ramanantsoa, en mai 1972.

Au cours de la 3è République, après son retour au pouvoir, le Président Didier Ratsiraka, pour des raisons de politique pure, a fait réviser la Constitution du 18 septembre 1992 par le referendum du 15 mars 1998. Ainsi, au niveau de l’organisation administrative, le pays s’est acheminé vers la mise en place des provinces autonomes. La fonction exécutive de ces provinces devait être exercée par un Conseil de Gouvernorat composé d’un Gouverneur et de Commissaires Généraux. Le Gouverneur devait être élu par le Conseil Provincial parmi ou en dehors de ses membres pour un mandat de cinq ans renouvelable. Ce Gouverneur serait le Chef de la Province autonome, donc il allait devenir le Chef de l’Administration dans sa province. Il aurait le pouvoir de nommer les Commissaires Généraux librement et de mettre fin à leur fonction librement. Ce système de gouvernorat a été abandonné après l'élection de décembre 2001 qui a abouti à l'accès au pouvoir, le 6 mai 2002, de Marc Ravalomanana qui, avec son slogan “Premier tour dia vita”, a renié les accords de Dakar pour l'organisation d'un second tour suite à l'élection présidentielle de décembre 2001.

Mais avant le coup d'état qui ne dit pas son nom perpétré par Marc Ravalomanana, il ne faut pas oublier que les personnes suivantes avaient bel et bien été nommées (et non élues) par l'Amiral Didier Ignace Ratsiraka comme étant gouverneurs de province devenue subitement “état fédéré” : feu Gara Jean Robert (Antsiranana), Razafindehibe Etienne Hilaire (Mahajanga), feu Pascal Rakotomavo (Antananarivo) qui a abandonné par la suite, Lahady Samuel (Toamasina), Emilson (Fianarantsoa), Maharante Jean de Dieu (Toliara) actuellement en fuite en France. Plus encore, la ville de Toamasina est devenue Capitale “provisoire” de Madagascar. Cette même année 2002, Didier Ratsiraka avait également nommé des gouverneurs militaires pour les six chefs-lieux de province. Mais celui d'Antananarivo, le Général Léon Claude Raveloarison, a préféré démissionné peu de temps après sa nomination.


Le 11 décembre 2010, la Constitution de la 4è République de Madagascar est proclamée. Dans son article 143, ce texte fondamentale stipule que les collectivités territoriales décentralisées (CTD) de la République sont les Communes, les Régions et les Provinces. Leur création et leur délimitation doivent répondre à des critères d’homogénéité géographique, économique, sociale et culturelle. Elles sont décidées par la loi. Conformément aux dispositions de l'article 145, la représentation de l’État auprès des CTD est régie par la loi. Et l'article 154 précise que la fonction exécutive est exercée par un organe dirigé par le Chef de Région élu au suffrage universel… Il est indéniable que si le Président Andry Rajoelina entend respecter cette Constitution de la 4è République dont il est le second président, pour changer le terme “chef de région”, prévue par l'article 154, en “gouverneur de région”, une révision de ce texte fondamental demeure incontournable.

Par ailleurs, une autre question qu'on se pose c'est le statut du Gouverneur de région. Est-ce qu'il sera la réplique du Chef de région actuelle ou celle du Chef de région d'avant 2014 où son statut bicéphale lui conférait le titre du chef de la collectivité et du représentant de l'Etat en même temps ?

Cette deuxième option génère inéluctablement la disparition du représentant de l’État au niveau de la région (Préfet) qui est, par contre, prévu par la loi. De plus, conférer le pouvoir de contrôle, exercé normalement par un représentant de l’État (un fonctionnaire du Ministère de l'intérieur) à un chef de l’exécutif d’une collectivité territoriale décentralisée, viole les principes de la décentralisation. Normalement à chaque niveau de décentralisation (Communes, Régions, Provinces) doit correspondre un niveau de déconcentration (District, Préfectures, Commissariats Généraux). Et, selon Jacques Moreau, agrégé des facultés de droit et professeur émérite en droit, décédé le 24 juin 2019 : “Dès que l’on met en place la décentralisation, il faut nécessairement et simultanément renforcer la déconcentration au sein de l'administration afin que les dossiers restent le plus possible à la base et ne remontent pas au sommet”. Ainsi, la déconcentration doit accompagner la décentralisation afin de la renforcer. En devenant chef de l’exécutif d’une collectivité et en même temps représentant de l’Etat, le Gouverneur de la région accapare tous les pouvoirs en étant juge et partie. C’est la raison qui avait poussé l’État à séparer les fonctions du Chef de région, en sa qualité du chef de l’exécutif, à celles du Préfet qui est le représentant de l’État (c’est-à-dire du Premier Ministre et des Ministres membres du Gouvernement).

Quoi qu'il en soit, et selon l'ami Saïd Jaffar : “Ainsi, afin de faire avancer les choses et de mettre sur les rails tous les dispositifs requis, le Président de la République aura l’opportunité de faire d’une pierre deux coups en proposant par voie référendaire la révision de la Constitution actuelle en tenant compte de ses promesses électorales et éventuellement de son programme politique”. Ainsi soit-il...

Pour parfaire et/ou approfondir votre culture générale, comme je l'ai écrit plus haut, je vous livre la liste de tous les gouverneurs français à Madagascar, depuis son annexion jusqu'au retour de son Indépendance. Et, en ce qui concerne ce genre de gouverneur, sachez que, dans une colonie, il gouverne au nom de l'État alors situé en métropole, la distance lui accordant alors de très larges prérogatives. Ainsi, les gouverneurs envoyés par la métropole, ne regardant pas le pays qu'ils administrent comme celui où ils doivent passer leur vie entière, goûter le repos et jouir de la considération publique, n'ont aucun intérêt à y faire germer le bonheur et la vraie richesse. Ils savent qu'ils seront considérés dans la métropole en proportion de la fortune qu'ils y rapporteront, et non en raison de la conduite qu'ils auront tenue dans la colonie. (in Say, Écon. pol.,1832, p. 236). Passons.


Le 6 août 1896, la Grande île de Madagascar est annexée par la France. Le 28 février 1897 a marqué la fin officielle du protectorat de Madagascar et la création de la colonie de Madagascar et dépendances. Ci-après le nom de tous les gouverneurs et la période de l'exercice de leur fonction:

Joseph Simon Gallieni : Gouverneur militaire (6 août 1896 - 31 juillet 1897) puis Gouverneur général (31 juillet 1897 - 25 avril 1899)

Théophile Noël Daniel Pennequin : Gouverneur général par intérim (25 avril 1899 - juillet 1900 )

Joseph Simon Gallieni : Gouverneur général (juillet 1900 - 11 mai 1905 )

Charles Louis Lepreux : Gouverneur général (11 mai 1905 - Décembre 1905)

Victor Augagneur : Gouverneur général (Décembre 1905 - 13 décembre 1909 )

Hubert Auguste Garbit : Gouverneur général (13 décembre 1909 - 16 janvier 1910)

Henri François Charles Cor : Gouverneur général (16 janvier 1910 - 31 octobre 1910)

Albert Jean Georges Marie Louis Picquié : Gouverneur général (31 octobre 1910 - 5 août 1914)

Hubert Auguste Garbit : Gouverneur général, 2è mission (5 août 1914 -24 juillet 1917)

Martial Henri Merlin: Gouverneur général (24 juillet 1917 - 1er août 1918)

Abraham Schrameck : Gouverneur général (1er août 1918 - 12 juillet 1919)

Marie Casimir Joseph Guyon : Gouverneur général (12 juillet 1919 - 22 juin 1920)

Hubert Auguste Garbit : Gouverneur général, 3è mission (22 juin 1920 - 13 mars 1923)

Auguste Charles Désiré Emmanuel Brunet : Gouverneur général (13 mars 1923 - 20 février 1924)

Marcel Olivier : Gouverneur général (20 février 1924 - 30 janvier 1929)

Hugues Jean Berthier : Gouverneur général (30 janvier 1929 - 1er mai 1930)

Léon Henri Charles Cayala : Gouverneur général (1er mai 1930 - 22 avril 1939)

Louis Maurice Valentin Réallon : Gouverneur général (22 avril 1939 - 10 juin 1939)

Jules Marcel de Coppet : Gouverneur général (10 juin 1939 - 30 juillet 1940)

Léon Henri Charles Cayla : Gouverneur général, 2è mission (30 juillet 1940 - 11 avril 1941)

Armand Léon Annet : Gouverneur général (11 avril 1941 - 30 septembre 1942)

Victor Marius Bech : Gouverneur général (30 septembre 1942 - 7 janvier 1943)

Paul Louis Victor Marie Legentilhomme : Gouverneur général (7 janvier 1943 - 3 mai 1943)

Pierre de Saint-Mart : Gouverneur général (3 mai 1943 - 27 mars 1946)

Robert Boudry : Gouverneur général (27 mars 1946 - 19 mai 1946)

Jules Marcel de Coppet : Gouverneur général, 2è mission (19 mai 1946 - 27 octobre 1946)

Le président Philibert Tsiranana et Jean Foyer, secrétaire d’État français, le 26 Juin 1960 à Mahamasina Antananarivo, jour de la proclamation du retour de l’indépendance de Madagascar.

A partir du 27 octobre 1946, Madagascar devient un TOM (Territoire d'outre-mer de l'Union française). Le gouvernorat s'achève pour laisser place au Haut-Commissariat. Les voici:

Jules Marcel de Coppet : Haut Commissaire (27 octobre 1946 - FĂ©vrier 1948)

Pierre Gabriel Adhéaume de Chevigné : Haut Commissaire (Février 1948 - 3 février 1950)

Robert Issac Bargues : Haut Commissaire (3 février 1950 - Octobre 1954)

Jean Louis Marie André Soucadaux : Haut Commissaire (Octobre 1954 - 14 octobre 1958)

Le 14 octobre 1958, l'annexion de Madagascar est abrogée et Madagascar devient une république. Jean Louis Marie André Soucadaux sera le dernier Haut Commissaire français jusqu'au 1er mai 1959.

Le 26 juin 1960, le retour de l'Indépendance est proclamé. Philibert Tsiranana devient ainsi le Premier Président de la Première République de Madagascar.

Dossier de Jeannot Ramambazafy

Remerciement Ă  SaĂŻd Jaffar, Administrateur civil en chef

Mis Ă  jour ( Jeudi, 27 FĂ©vrier 2020 18:35 )  
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