15 décembre 2008-15 décembre 2010. Eh oui, cela faisait deux ans -et 12 ans hier 15 décembre 2020 - déjà que l’émission « Anao ny fitenenana » existait (et existe toujours de nos jours, mais sur la radio Free FM 104.2). Quelle est donc la genèse de cette émission ?
C’est très simple : aux moments forts de la révolution orange, lorsque le régime Ravalomanana devenait de plus en plus répressif sinon mortel, cette émission « Anao ny fitenenana » (littéralement : à vous la parole), sur Viva radio FM 98.8, a réellement joué un rôle important sinon décisif. En effet, à travers elle, tout se savait grâce aux appels des gens de tous les âges et de toutes les conditions. Ainsi, elle a permis au Maire de l’époque, Andry Rajoelina, de pouvoir se déplacer sans jamais avoir été appréhendé. Mais Il s’agissait également de faire revivre en direct les dérives du régime de Marc Ravalomanana déjà en fin de parcours prématurée.
Les journalistes qui ont créé cette émission « Anao ny fitenena » sont : Lalatiana Rakotondrazafy, Rolly Mercia, Jean Paul Randrianiaina, Fidèle Razara Pierre et Soava Andriamarotafika. Ils ont tous roulé pour la révolution orange. Comme la majorité des Malagasy, d’ailleurs. Sauf ceux… d’ailleurs. Et quoi qu’il arrive, désormais, nous aurons vécu intensément cette étape douloureuse de l’Histoire de notre patrie commune, Madagascar, avec leurs voix. Mais que sont-ils devenus ? Voici voilà .
Lalatiana a créé sa propre radio (Free FM 104.2), son propre parti (Freedom) puis son propre journal (Free News). Elle a été candidate malheureuse à la Mairie d’Antananarivo, en 2015, face à Lalao Ravalomanana. Entre-temps, Lalatiana s’est remariée et est devenue Mme Lalatiana Rakotondrazafy Andriatongarivo, ministre de la Communication et de la Culture depuis le 24 janvier 2019. En politique, il n’y a pas d’amitié ou d’inimitié, il n’y a que des intérêts communs en jeu.
Rolly Mercia -qui a commencé le métier de journaliste sur le tas chez « Midi Madagasikara », avant d’entrer à « Madagascar Tribune », en 1988, et de passer à « La Gazette de la Grande île » en 2003 (et bien d’autres journaux par la suite)- est un ancien Conseiller du Maire Andry Rajoelina ; ancien membre du parti Tgv ; ancien Directeur de la Communication de la Présidence de la Transition ; dernier Ministre de la Communication sous la période de Transition dirigée par Andry Rajoelina puis dernier Ministre de la Communication sous le régime de l’ex-Président Hery Rajaonarimampianina, car devenu membre du bureau politique du parti Hvm présidé par Rivo Rakotovao dont Rolly a été un Conseiller au Sénat. Notons qu’il a aussi été coordonnateur du MAPAR (« Miaraka amin’ny Prezidà Andry Rajoelina ») pour la province de Mahajanga, puis Directeur général des médias du groupe de presse de la société Sodiat de Mamy Ravatomanga qui deviendra sa tête de turc durant tout le mandat de Rajaonarimampianina, à travers les médias du groupe de presse RLM créé par Mbola Rajaonah. Pour quelques ariary de plus, hélas.
Le 15 juillet 2020, Rolly Mercia est arrêté à son domicile sis à Ambolokandrina et placé en détention préventive à la prison d’Antanimora. Il est inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État et d’offense au chef de l’État. Le 14 octobre 2020, le tribunal correctionnel le condamne à 44 mois de prison ferme. Motifs : complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État, et de manifestation sans autorisation. Sa famille a interjeté appel…
Jean-Paul Randrianiaina, après avoir prêté sa voix à la Radio Don Bosco (RDB), entre autres, a été présentateur à la télévision Viva mais aussi membre du Cabinet du Ministre de la Communication Rolly Mercia. Son histoire est une sale histoire. Durant tout l’après-midi du lundi 6 février 2012, ma boîte e-mail a littéralement été envahie de messages concernant une opération de mise en ruines de la Capitale de Madagascar. Le texte est rédigé en malgache et l’opération a pour nom, texto : « Opération Kaôtik, « No Pitié », « Black out » comme en Iran et en Irak ». Avec la participation de pas moins de… 5.000 individus. Impliquant un indo-pakistanais… Le plus étrange est que je ne l’ai pas reçu directement mais par le système de Fwd (forward). C’est-à -dire que ce sont des gens (famille, amis, connaissances) qui, après l’avoir reçu, me l’ont renvoyé. En bas de ce texte, le nom du confrère Jean Paul Randrianiaina avec ses trois numéros de téléphone. Plus haut : « Cette information est à considérer comme à 1000% sûre » (mille pour cent, vous avez bien lu). Ecrit en malgache: « Hatrany amin'ny 1000 isan-jato ny fahamarinany, araka ny loharanom-baovao azonay ». Immédiatement, j’ai appelé Jean-Paul : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Pourquoi tu ne m’as pas appelé directement ? Tu as intérêt à aller à la Tvm t’expliquer sinon tout va retomber sur toi et tu auras des problèmes ». Il répondit : « J’ai parlé avec X (je ne dirais pas, ici, le nom de la personne citée). J’étais en train de finaliser l’enquête. Je suis moi-même surpris de ces mails ». Je lui rappelle que son nom est cité en bas du mail. Sa réponse : « J’irai à la Tvm demain… ». Et son téléphone a été coupé. D’ailleurs, il n’a plus répondu à mes appels suivants. Ironie du sort : j’allais lui dire d’aller voir le Ministre de la Communication. Mais c’était trop tard pour lui. Le même 6 février 2012, le Ministre Rolly Mercia signe le communiqué de presse suivant :
COMMUNIQUE DE PRESSE
Limogeage d’un membre du Cabinet du Ministère de la Communication
Jean Paul RANDRIANIAINA étant l’auteur du tract non fondé ayant gravement perturbé l’ordre public ce Lundi 06 Février 2012, le Ministre de la Communication, RAHAJASON Harry Laurent, a pris ce jour même l’arrêté le limogeant en tant que membre du Cabinet du Ministère de la Communication. Par ailleurs, le Ministre de la Communication va saisir le Parquet d’Antananarivo sur son cas.
Antananarivo, ce 06 Février 2012
Le Ministre de la Communication
Du jour en lendemain, Jean-Paul se retrouve chômeur. A un moment, il fut même en cavale. Or, c’est lui qui a été l’auteur d’une enquête sur le trafic de bois de rose sous Marc Ravalomanana diffusé sur Viva Tv, en octobre 2008. C’est encore Jean-Paul Randrianiaina qui, le 12 décembre 2008, a fait diffuser en intégralité le Vcd de l’Amiral Didier Ratsiraka, enregistré à son domicile de la région parisienne. La fermeture immédiate de la télévision Viva, suite à cette diffusion, sera le déclencheur de la révolution orange conduite par le propriétaire de cette station, également Maire élu de la ville d’Antananarivo. Mais il faut dire que Jean-Paul Il a été piégé et bien piégé. Auteur de l’ouvrage « Dans les revers du journalisme malgache : le parcours d’un militant », pour marquer ses 30 ans de métier (1984-2004), Jean-Paul Randrianiaina est actuellement à Antsirabe où il travaille dans une station de radio privée.
Fidèle Razara Pierre. Venu de nulle part, c’est l’émission « Anao ny fitenenana » de la radio Viva FM 98.8 qui l’a vraiment fait connaître du public. On ne s’attarde pas sur un mercenaire (individu qui n'agit que pour un salaire, qui n’est inspiré que par le profit) qui corrompt le métier de journaliste au quotidien. Actuellement, il est député élu à Ambatondrazaka sous l’étiquette du parti TIM de Marc Ravalomanana qu’il a pourtant traité de tous les noms. Actuellement, c’est le président Andry Rajoelina qui est sa tête de turc. Et cet infidèle va de mensonges en désinformation sur AZ (« Akon’ny Zatovo ») radio, un héritage matériel laissé par feu le groupe RLM. Fidèle Razara Pierre ne perd rien pour attendre. Car tout a une fin et tout se paie ici-bas. Le meilleur comme le pire…
Soava Andriamarotafika. Il est le fils de Georges Rakotondrasoava, journaliste nationaliste qui a créé l’hebdomadaire « Telo Noho Refy », entièrement rédigé en malagasy. Au décès de son père, Soava a repris la relève, tout en étant présentateur du journal de 13h sur radio Viva FM 98.8. Mais il écrit également pour « La Gazette de la Grande île ». Avec Soava, je reste rassuré du fait que certains confrères des générations présentes et à venir auront pour héritage le courage, la fierté, le patriotisme et la volonté de dire la vérité, et, ainsi, arriveront à éradiquer cette culture de haine, de désinformation et d’insultes qui prévaut actuellement. Et je reste persuadé que la relève -malgré l’intox et la médisance-, est assurée pour le changement des mentalités, l’amour du beau, du juste et de l’équité. « Ny omby afatrotry ny tadiny, ny olombelona afatrotry ny teniny ». Apprenez donc la langue malagasy.
Jeannot Ramambazafy - Egalement publié dans "La Gazette de la Grande île" du mercredi 16 décembre 2020
