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Nathalie Yamb. « L’arnaque de M. Macron où on prend de la dette nouvelle pour payer les intérêts de la dette ancienne »

Voici la transcription intégrale de la vidéo en français (il y a une version en anglais) de Nathalie Yamb sur ce qu’elle a appelé « L’arnaque de M. Macron ». Il s’agit d’un décryptage sous forme de vidéo du « Sommet sur le financement des économies africaines », organisé dans le Grand Palais Éphémère à Paris, le 18 mai 2021, en pleine pandémie du covid-19 meurtrier.

Nathalie Yamb est une suisso-camerounaise diplômée en sciences politiques et en journalisme. Depuis 2007, elle est membre du parti politique ivoirien Lider (Liberté et démocratie pour la République) et conseillère exécutive de du fondateur Mamadou Koulibaly. Le 24 octobre 2019, lors du Sommet Russie-Afrique, l’activiste parle d’identité africaine et remet en cause le rôle joué par la France sur le continent. En décembre 2019, elle est expulsée de Côte d’Ivoire, accusée de mener des activités incompatibles avec l’intérêt national. Cependant, Nathalie Yam reste très active sur les réseaux sociaux, tenant des propos toujours aussi virulents contre le gouvernement Ouattara et la politique française en Afrique. En février 2020, la militante déplore le silence de l’Union africaine par rapport aux thématiques qu’elle aborde. Concernant ce sommet organisé par Emmanuel Macron à Paris, voici son introduction dans sa vidéo :


« Je m’appelle Nathalie Yamb. Hier (Ndt :18 mai 2021), s’est tenu à Paris, sur invitation d’Emmanuel Macron, un sommet sur le financement des économies africaines auquel les présidents de 18 pays du continent ont participé. Cette énième escapade de nos dirigeants à Paris, avec leur conjoint, devrait focaliser toute notre attention. En effet, cette rencontre est une nouvelle entourloupe de l’agité de l’Élysée qui, en situation inconfortable sur le plan intérieur, et voyant l’influence de la France se réduire comme peau de chagrin à l’international, essaie de trouver les voies et moyens pour se rendre intéressant et mobiliser les fonds pour sa campagne présidentielle. J’ai été interrogé sur ce sujet par la BBC Londres et je vais, aujourd’hui, vous expliquer les tenants et aboutissants de cette réunion à laquelle des gens sont allés parler en votre nom, et prendre des décisions qui vous engagent mais sans vous consulter, afin que nul n’en ignore ».


Décryptage du Sommet de Paris par la Dame de Sotchi

Pourquoi cette appellation de « Dame de Sotchi » ? Il faut savoir que lors du sommet Russie-Afrique qui s’est tenu les 23 et 24 octobre 2019 à Sotchi, Nathalie Yamb avait déclaré : « La France considère toujours le continent africain comme sa propriété. Nous voulons sortir du franc CFA, nous voulons le démantèlement des bases militaires françaises qui,  sous le couvert d'accords de défense bidons, ne servent qu'à permettre le pillage de nos ressources, l'entretien de rebellions, l'entraînement de terroristes et le maintien de dictateurs à la tête de nos États ». Le 2 décembre 2019, suite à cette intervention, elle est expulsée de Côte d’Ivoire où elle était installée depuis des décennies. Il lui a été reproché des «activités politiques subversives que lui interdit son statut d'étrangère, et incompatibles avec l’intérêt national ivoirien». Passons à la suite de son décryptage :


« Nous sommes à un an de l’élection présidentielle française. Monsieur Macro, que ses concitoyens avaient élu en 2017, pour résoudre et s’occuper de leurs problèmes, mais qui a totalement failli ; Monsieur Macron, qui n’arrive pas à gérer l’équation du chômage, de la migration, de la dette et de la désindustrialisation de la France, prétend vouloir donner des conseils aux pays africains et les aider à faire face à leurs problèmes économiques, alors que la France est le pays le plus endetté d’Europe, en termes de dettes sur PIB, et qu’il est incapable de manager aussi bien le financement public de l’économie française que les aspects structurels liés à sa propre dette. Vous conviendrez avec moi que c’est une vaste plaisanterie.


Macron veut utiliser le continent africain pour régler ses problèmes internes. Pour comprendre les enjeux de ce qui s’est passé hier (Ndt : 18 mai 2021) à Paris, il faut savoir ce qu’est la dette africaine. Et je vais vous l’expliquer très simplement en une phrase : la dette africaine c’est l’argent que les pays développés prêtent à l’Afrique, pour que les Africains achètent les produits des pays développés. On ne prête pas de l’argent à l’Afrique pour qu’elle puisse se transformer, s’industrialiser ou qu’on puisse acheter des choses qui nous plaisent, ou bien réaliser des projets qui nous arrangent. Non ! Une fois que vous avez bien intégré cela, vous allez voir que le reste va devenir d’une évidence limpide.


Quand vous entendez la France, les médias français geindre à longueur de journée que la Chine détient 20% de la dette africaine, ça veut dire, en français facile, que la Chine prête massivement de l’argent à l’Afrique pour qu’elle puisse acheter des produits chinois. Et ça, ça ne plait pas du tout à Paris. Les Suisses, les Norvégiens, les Allemands, les Britanniques, les Suédois n’ont pas l’air de pleurnicher sur ce que la Chine fait en Afrique. Mais Macron, lui, se lamente à propos de la mise en danger des monopoles, des marchés qu’il pensait captifs pour l’éternité, du fait de la colonisation. Hélas pour lui, le monde avance et, aujourd’hui, son pays se retrouve avec des concurrents comme les États-Unis, le Brésil, la Chine, l’Australie qui, eux aussi, sont des acheteurs de matières premières sur le continent [africain]. Et la France est incapable de bloquer l’expansion chinoise sur ce qu’elle considère, à tort, comme son pré carré. Et c’est ainsi que Macron convoque les Chefs d’États africains et, sous le prétexte de vouloir les aider, leur propose un mécanisme qui va encore plus nous aliéner.

Dans sa communication, l’Élysée nous a fait savoir que la France veut, je cite : faire profiter l’Afrique des Droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI), des instruments de change qui permettent, notamment, de financer des importations. Fin de citation. Vous voyez, c’est dit clairement, ce n‘est même pas caché : l’argent qu’on va débloquer c’est pour financer les importations, pour acheter des choses que d’autres produisent chez eux et puis nous vendent. La suite est encore plus perverse. Je cite : le FMI devrait décider en juin, une émission massive de DTS de 650 milliards de dollars, dont 34 milliards pour l’Afrique (24 milliards pour l’Afrique subsaharienne). Fin de citation. Vous voyez l’arnaque ? Ils prennent le nom de l’Afrique et l’utilisent pour justifier l’émission de ces DTS massifs mais quand vous regardez bien, vous voyez que l’Afrique n’en reçoit que 05%. Où vont les 95% restants ?


Si l’Afrique reçoit 34 milliards, qui reçoit les 616 milliards restants qui vont être débloqués ? Où est le Sommet pour ces bénéficiaires-là ? Comme je vous l’ai dit, Macron veut utiliser le continent africain pour résoudre ses problèmes internes. Mais il ne peut pas nous tromper. Je ne peux pas faire cette vidéo sans parler de la responsabilité de nos Chefs d’État. Parmi ceux qui se sont rendus à Paris, il n’en a eu que 18 sur 54, preuve de la perte de l’influence française. Combien avaient eu l’aval de leur population pour aller à cette discussion ? Quels sondages ont été faits sur le continent pour identifier les réelles inquiétudes et urgences des populations ? Quel est le business key de cette rencontre ? Quelles politiques sont mises en place pour s’assurer que cet argent, qui va arriver, atteigne effectivement le but ; qu’il ne soit pas détourner pour des commissions et des rétro-commissions, qu’il va réellement produire des retombées financières et économiques durables, sans quoi ce ne serait qu’une énième dette appauvrissante.


Rien de cela ! En complices zélés de notre exploitation, ces bons à rien qui nous gouvernent se dépêchent de bondir dans leurs avions pour aller faire du tourisme de mendicité à Paris. On prend de la dette nouvelle pour payer les intérêts de la dette ancienne. Et pourtant… Alors qu’on les baratine avec des projets d’annulation de leurs dettes publiques et d’accès privilégiés à 34 milliards de dollars de DTS, on a 88 milliards de dollars en moyenne qui sortent frauduleusement de l’Afrique. Ce n’est pas moi qui dis ça, c’est l’ONU. Vous allez mendier 34 milliards là-bas, alors que vous avez 88 milliards ici. Je vous recommande, d’ailleurs la lecture de deux livres sur cette thématique, qui sont : « La dette odieuse de l’Afrique », publié par Amalion, de Léonce Nkudimana et James K. Boyce et « L’aide fatale », aux éditions JC Lattès, de Dombisa Moyo.


La France a une manie de vouloir s’approprier de façon docte et pernicieuse, la tutelle des problèmes africains, sans avoir eu une once de succès depuis qu’elle y fourre son long nez. Elle a pu démocratiser combien de pays en Afrique depuis le discours de Mitterrand à La Baule en 1990 ? Extraits de ce discours : « Il est évident que cette aide traditionnelle déjà ancienne sera plus tiède en face de régimes qui se comporteraient de façon autoritaire sans accepter l’évolution vers la démocratie ». 30 ans plus tard, Mitterrand est mort, Chirac est mort, Sarkozy est passé, Hollande s’en est allé sur son scooter, Macron est en train de terminer son mandat. Quel est l’état de la démocratie sur le continent ? On en est où avec la lutte contre le terrorisme ? Avec toutes ces bases militaires sur le continent ? Avec toutes les opérations militaires qu’elle nous impose ? Le terrorisme a-t-il reculé en Afrique ? Mais bien sûr que non ! C’est même le contraire que nous constatons. Partout où les soldats français passent, la paix trépasse et les djihadistes avancent. C’est normal puisque c’est Paris qui les financent et qui les entraîne.


Elle a été impliquée dans beaucoup trop de dossiers en Afrique, sans succès depuis des décennies pour qu’on lui donne encore l’occasion de venir se mêler de nos affaires. Il est inacceptable que la France prenne l’initiative de la réflexion, de l’action, de l’accompagnement de l’action et de l’expertise pour les pays africains. La France de Macron n’a ni légitimité, ni capacité de proposer un nouveau deal à l’Afrique qui va mettre en avant l’intérêt des populations africaines, le respect de leurs droits fondamentaux : des droits de l’homme, des droits de propriété, des libertés, de leur souveraineté. Ce qu’il a fait hier, c’est servir un produit périmé dans un nouvel emballage. Confirmant sa réputation notoire de petit gangster sans idées, après avoir volé le nom ECO à la CEDEAO, il plagie le concept de Théodore Roosevelt, en appelant aujourd’hui « New Deal » ce qu’ils ont présenté, il n’y a pas longtemps, comme l’Initiative PPTE (pays pauvres très endettés) qui, avant çà, était nommé Programme d’ajustement structurel, et encore avant çà Programme d’aide au développement.


Ces dernières années, le monde entier a pu constater la montée en puissance de ce qu’ils appellent « le sentiment anti-français ». En Afrique mais pas seulement. Macron, en se croyant malin, a décidé de blaguer les gaous en disant : oh, moi je ne vais pas faire comme les autres ; je vais organiser un sommet mais je ne vais pas rencontrer de Chefs d’État mais plutôt « les sociétés civils africaines ». Cet évènement est pensé comme une foire de recrutement d’un nouveau personnel Françafricain parce que les anciens sont de plus en plus essoufflés, de moins en moins crédibles, et ont été démasqués ou grillés. Mais cette rencontre qui vient d’être repoussé pour la deuxième fois au mois d’octobre, n’est en fait que la partie émergée, la partie marketing du vrai sommet Françafrique avec les Chefs d’État, qui a bel et bien eu lieu hier à Paris. Vous constaterez que la situation et les dispositions sanitaires qui ont servi de prétextes pour envoyer aux calendes grecques la rencontre avec la société civile, prévue en juillet, n’ont pas empêché la tenue du sommet des Chefs d’État hier, alors que la situation sanitaire est plus tendue aujourd’hui que demain. Tout simplement parce que c’est lui le seul, le vrai sommet France-Afrique, celui qui compte parce qu’il a pour résultat la France-à-fric, grâce à la Françafrique.


En 1931, a eu lieu à Paris l’Exposition coloniale internationale qui donnait aux habitants de la Métropole, l’occasion de voir des exemples de villages, d’habitants ou d’animaux des colonies. En ce temps-là, c’était les médailles, les décorations données par le colon qui réjouissaient certains Africains. 91 ans plus tard, en 2021, modernité oblige, l’Exposition coloniale de Montpellier, si elle se tient, donnera à voir son zoo humain de personnages alambiqués et tortueux qui frétillent de plaisir et d’impatience, adoubés par l’Élysée, et de servir la Françafrique. Je tiens à leur dire, ainsi qu’à Monsieur Macron, et à tous ceux qui lisent cette transcription de ma vidéo, que ce n’est pas d’un moratoire sur le service de la dette dont nos pays ont besoin. C’est un moratoire avec la France. Le moratoire, c’est la suspension d’une action, d’un paiement ou d’une relation. La France n’a absolument aucune légitimité à discuter de notre dette, de notre avenir, de nos choix politiques, économiques et diplomatiques. Le seul deal qu’Emmanuel Macron peut nous proposer, c’est de sortir de notre monnaie et de ne plus s’ingérer dans la politique africaine et le quotidien des Africains ; que lui et son pays nous fichent la paix, une fois pour toutes ! C’est la seule proposition qui pourra avoir une résonance auprès des populations d’Afrique.

A bientôt ».

Transcription : Jeannot Ramambazafy

Mis à jour ( Samedi, 22 Mai 2021 19:06 )  
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