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Madagascar Travail. « Pour le BIT, la croissance n’est pas une fin en soi », dixit Christian Ntsay

M. Christian Ntsay

Rappel : OIT- Emploi des jeunes


Le Programme sur l’emploi des jeunes de l’OIT, institution spécialisée de l’ONU, opère à travers un réseau mondial de spécialistes travaillant dans les différents départements techniques de l’OIT, au siège de l’Organisation à Genève et dans plus de 60 bureaux à travers le monde. Le programme assiste les pays souhaitant développer des interventions cohérentes et coordonnées en faveur de l’emploi des jeunes.


Hôtel Colbert, 13 mai 2014. Lancement des résultats de l’Enquête sur la Transition des Jeunes vers la Vie active -ETVA-


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Lancement du Rapport de l’Enquête nationale sur la Transition des jeunes vers la Vie Active (ETVA) à Madagascar : Transition relativement rapide des jeunes vers des emplois précaires et vulnérables.


De g. à dr.: Le Directeur de l'INSTAT, le Ministre de l’Enseignement Technique et de la FormationnProfessionnelle, le Directeur du Bureau Pays de l’OIT pour les pays de l’Océan Indien

Communiqué de presse | 13 mai 2014

Antananarivo (Nouvelles du BIT).- Les résultats de l’Enquête nationale sur la Transition des jeunes vers la Vie Active (ETVA) à Madagascar ont été officiellement lancés à l’hôtel Colbert, Antananarivo, Madagascar, le 13 mai 2014. Cet évènement a vu la présence de Monsieur Horace Gatien, Ministre de l’Emploi, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, de M. Christian Ntsay, Directeur du Bureau Pays de l’OIT pour les pays de l’Océan Indien et de M. Paul Gérard Ravelomanantsoa, Directeur Général de l’INSTAT. Cette enquête est le fruit de la collaboration du BIT et de la Fondation MasterCard et a été menée par l’INSTAT au niveau national. L’objectif est de recueillir des informations détaillées sur la situation du marché de travail des jeunes et de connaitre les difficultés auxquelles ils font face pendant la période de transition vers la vie professionnelle.

Depuis 2009 et particulièrement ces derniers temps, le BIT n’a cessé de lancer des appels forts pour que toutes les parties prenantes soient conscientes de l’urgence de prendre des mesures pour faire face à la crise de l’emploi des jeunes à Madagascar.

Par ailleurs, ce rapport arrive à point nommé après la crise traversée par le pays où les besoins de définir des politiques nationales de développement centrées sur l’emploi et d’entreprendre des actions directes se font fortement ressentir.

Parmi les résultats de l’enquête figurent les aspects suivants :

* Trois quart des jeunes se trouvent en milieu rural, notamment dans l’agricul­ture et dans les activités de commerce.

* 7 jeunes sur dix proviennent de ménages pauvres.

* Le niveau de scolarisation des jeunes est assez faible : 3% ont atteint le niveau du supérieur, 40,1% ont terminé le secondaire, 40,5% ont atteint le primaire et 16,5% n’ont jamais été scolarisés. La non-scolarisation des jeunes malagasy s’explique principalement par la pauvreté.

* 69,4% des jeunes malagasy ont un travail non régulier compte tenu de l’importance du secteur informel dans l’économie de Madagascar. Les jeunes femmes sont plus touchées par cette ir­régularité de l’emploi.

* Plus de la moitié des jeunes chômeurs ont passé un an ou plus au chômage.

* La moi­tié des jeunes travailleurs sont des aides familiaux non rémunérés. Seulement 4% d’entre eux sont des employeurs. Dans l’ensemble, 75,7% des jeunes travailleurs se trouvent dans le secteur de l’agri­culture.

* Les conditions de travail des jeunes restent précaires dans les em­plois salariés et rares sont ceux qui bénéficient des avantages sociaux fondamentaux. Ainsi, seulement 5,3% d’entre eux sont payés pour leurs heures supplé­mentaires de travail.

* L’inadéquation formation/emploi touche 6 jeunes sur 10 : 12% s’es­timent surqualifiés et 48,4% ressentent des lacunes dans leurs connaissances ou leurs capacités.

Dans ce contexte, il est préconisé certaines mesures à l’endroit des acteurs-clé à titre de recommandations dans le rapport ETVA, notamment :

* La conception d’une politique macroéconomique favorisant une croissance riche en emploi avec un accent particulier sur le développement du secteur agricole

* La mise en place d’un système d’information sur le marché du travail (bureaux de l’emploi) accompagné des dispositifs d’appui et d’accompagnement des jeunes

* Le renforcement des entités en charge de la promotion de l’emploi

* L’amélioration des conditions de travail des jeunes travailleurs

* Le soutien aux employeurs à prendre une part active dans la création d’emplois décents pour les jeunes (récompense sous diverses formes : fiscale, etc.)

* Le renforcement des mécanismes de soutien à la création d’entreprises et aux entreprises informelles pour la facilitation de leur transition vers le formel

* La promotion des coopérations techniques sur l’emploi des jeunes pour le développement des modèles d’action efficaces.

Le BIT réitère la déclaration selon laquelle il ne pourrait jamais y avoir une croissance réelle ni une croissance inclusive à Madagascar dans les 10 années à venir sans l’implication des jeunes qui constituent des partenaires incontournables au développement du pays. A titre de rappel, les expériences des vingt dernières années ont montré que le pays s’est engouffré de plus en plus dans la pauvreté massive et généralisée malgré la croissance économique obtenue.

Par conséquent, il est temps d’agir et les résultats de cette enquête constituent une base scientifique pertinente pour redresser la situation et éviter l’explosion de cette bombe à retardement que constitue la crise de l’emploi des jeunes à Madagascar.

Une fois de plus, le BIT lance un appel à l’endroit des acteurs majeurs pour que la priorité soit accordée aux politiques et stratégies visant à promouvoir la jeunesse et l’emploi des jeunes. L’espoir est de voir l’engagement ferme et confirmé du gouvernement ainsi que des organisations d’employeurs et des travailleurs à faire valoir et soutenir cet agenda avec l’appui des partenaires de développement.

****************************

Allocution intégrale de M. Christian Ntsay, Représentant de l’OIT, Directeur du Bureau de Pays de l’OIT pour les Comores, Djibouti, Madagascar, Maurices et les Seychelles


" Monsieur le Directeur Général de l’INSTAT,

Monsieur le Directeur Général du Travail et des Lois Sociales,

Mesdames et Messieurs les Responsables des Organisations des Employeurs et Chefs d’entreprises,

Mesdames et Messieurs les Responsables des Organisations des Travailleurs et Dirigeants syndicaux,

Mesdames et Messieurs les Représentants des Ambassades et des Organisations Internationales,

Chers Collègues du Système des Nations Unies et Chers Collègues du BIT,

Chers Amis Journalistes,

Honorables Invités,

Mesdames et Messieurs,

Après six mois d’enquête conduite par l’INSTAT à travers le pays, nous voici réunis aujourd’hui pour prendre connaissance des résultats de l’Enquête sur la Transition des Jeunes Travailleurs vers la Vie Active et en discuter pour identifier ensemble les pistes de solutions qui conviennent à cette situation de chômage des jeunes Malgaches, oui j’ai bien dit « chômage des jeunes Malgaches » car selon le résultat de cette enquête, seuls 4 jeunes actifs sur 10 (donc moins de 50%) trouvent que leur emploi est adéquatement conforme à leur formation, en d’autres termes, 60% des jeunes actifs sont confrontés à des problèmes d’emploi à Madagascar.

Comme il l’a été précisé par le Directeur de l’INSTAT, cette enquête répond à notre besoin commun de vouloir connaître la situation du marché de travail à laquelle les jeunes Malgaches sont exposés et d’apprécier le cheminement de leur sortie de l’école jusqu’au marché du travail. Cette enquête nous confirme avec des données précises qui seront présentées tout à l’heure par l’INSTAT ce que nous savons plus ou moins déjà, c’est-à-dire, le passage de l’école au travail est relativement court mais, malheureusement, il ne s’agit que des emplois précaires et vulnérables car la majorité de ces jeunes opèrent dans l’économie informelle de l’agriculture et du commerce.

Malgré ce tableau sombre pour les jeunes Malgaches, j’ai noté avec beaucoup d’espoir que 4% des jeunes sont quand même des employeurs ; cela voudrait dire que les jeunes ont la capacité de créer des entreprises et de les gérer avec réussite.

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs,

Je m’appuierais sans doute sur cet important à mes yeux de « 4% des jeunes qui sont des employeurs » pour relancer mon idée sur la nécessité de mieux valoriser les capacités et les compétences des jeunes Malgaches afin que le marché du travail leur ouvre des portes avec confiance et dans un cadre global de contrat social.

Comme vous tous, j’avais entendu la semaine dernière, que le gouvernement vise la création de 500.000 emplois sur une période de 24 mois, c’est-à-dire avant décembre 2015. Le BIT est heureux de prendre connaissance de cet objectif, certes ambitieux, mais dont le pays ne pouvait pas faire l’économie aujourd’hui. Vu le taux de sous-emploi à Madagascar touchant 8 actifs sur 10, un sous-emploi qui n’est en fait que du chômage déguisé dans ce pays, pouvoir créer 500.000 emplois dans une si courte période deviendrait un défi qui réclame des imaginations novatrices, qui réclame des initiatives multiples et rapides d’effets, qui réclame un plan nation d’action clair, consensuel, mobilisateur, engageant et efficacement gouverné.

Dans cette perspective, je suis heureux d’annoncer, ici, que le BIT appuiera, dans les semaines qui viennent, l’initiative du Ministère de l’Emploi, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle pour l’organisation à Antananarivo des Etats Généraux de l’emploi à Madagascar. Ces Etats Généraux vont, entre autres, nous permettre d’avoir ce plan national d’action dont j’ai parlé tantôt et qui nous éclairera sur tous les choix retenus pour parvenir à l’objectif de 500.000 emplois nouvellement créés avant décembre 2015.


Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs,

D’ores et déjà, j’aimerais partager avec vous mon opinion personnelle sur la nécessité pour Madagascar de se doter d’une vision claire et précise qui sous-tend ce plan national d’action. Cette vision devrait reposer sur la valorisation à tous les niveaux des capacités et des compétences des jeunes. Il faudrait que le pays tout entier croie et voie que les jeunes Malgaches, aussi bien urbains que ruraux, ont le sens de la créativité, de l’invention, du travail et de la performance.

Justement, nous sommes témoins au quotidien de leur performance comme employés et cadres dans les entreprises privées, dans les entreprises publiques et para-étatiques, dans l’administration publique, dans les établissements privés, dans les associations et les ONGs, dans les projets et les programmes de développement… nous sommes témoins au quotidien de leur réussite dans la création et le développement des micro et petites entreprises.

Cette vision devrait amener à un engagement national pour supprimer sans délai les barrières multiples et souvent insurmontables à leur recrutement, notamment l’exigence de 2, 3 ou 5 années d’expérience pour les simples emplois salariés, notamment l’imposition des conditions dissuasives au financement de leur projet de création d’entreprise pour l’importance voire l’exagération de 30% d’apports personnels exigés et des 100% à 130% de garanties réclamées.

Cette vision mise en œuvre à travers le plan national d’action devrait faire un focus sur la nécessité de prendre des mesures urgentes de valorisation de ressources humaines par l’encadrement juridique du système d’apprentissage et de mise en stage professionnel des jeunes. Devenir Apprenti ou Stagiaire à Madagascar nécessite, aujourd’hui, un parcours de combattant avec usage de la corruption, du favoritisme, du clientélisme voire des pratiques morales douteuses, et cela doit cesser. C’est la raison pour laquelle un encadrement juridique est devenu plus qu’une urgence et plus qu’une obligation. L’enquête ETVA nous renseigne que 7 jeunes sur 10 proviennent de ménages pauvres et, justement, ces pratiques honteuses constituent un réel frein pour combattre la pauvreté et une réelle entrave pour casser la transition de la génération des parents pauvres vers la génération des enfants pauvres.

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs,

Vu l’énorme effort demandé au secteur privé, pour relancer les activités économiques et les investissements après les 5 années de crise, vu l’engagement quasi-philanthropique demandé au secteur privé d’affecter une partie de leur rentabilité pour la création d’emplois en faveur des jeunes, j’estime fondamental et urgent, en contrepartie de ces efforts exceptionnels, de desserrer la pression fiscaliste sur les entreprises, à travers des mesures concrètes et rapides visant à accroître leur confiance, leur productivité et leur compétitivité. Pour cela, je proposerais au gouvernement de réunir, dans des délais convenables, le secteur privé avec toutes ses composantes pour partager cette vision nationale, pour participer au plan national d’action, pour convenir d’un nouvel élan et d’un sursaut économique et social dans le sens de l’objectif fixé d’ici décembre 2015.

Dans cette même perspective et sur le court terme, je suggèrerais que, dans le cadre de cette vision nationale, le plan national d’action repose également sur des mesures concrètes de recrutement massif, par l’Etat, des jeunes dans les secteurs sociaux de base pour couvrir les déficits de performance dans l’Education, la Santé, la Sécurité, la Nutrition et la Gestion des catastrophes naturelles.

Cela nécessiterait, bien entendu, un système d’observation et d’information efficace du marché du travail qui aidera à mener des analyses prospectives pour les différents emplois d’avenir, en fonction des politiques de développement et des investissements publics et privés, à renseigner sur les offres et les demandes d’emplois existants, à suggérer des types de services pouvant conseiller, former et accompagner les jeunes dans leur démarche de recherche d’emploi et à comptabiliser les emplois réellement créés.

Monsieur le Ministre,

Chers amis,

Mesdames et Messieurs,

Les jeunes constituent, aujourd’hui, le réservoir le plus important en matière de capital humain et le potentiel immense en terme de compétence par rapport aux besoins de l’économie et aux défis sociaux et environnementaux. Sans les jeunes comme moteur des activités économiques, sociales et environnementales du pays, il ne pourrait y avoir de croissance réelle ni une croissance inclusive à Madagascar, aujourd’hui et dans les années à venir. Les expériences des vingt dernières années ont montré que le pays s’est engouffré de plus en plus dans la pauvreté massive généralisée estimée aujourd’hui à 76%, malgré la croissance économique obtenue.

Tout cela m’amène à vous remercier sincèrement Monsieur le Ministre, Cher Ami Gatien, pour votre disponibilité à écouter notre appel à l’action en faveur de l’emploi des jeunes et aussi pour votre disponibilité à nous partager tout à l’heure votre point de vue, vos messages et vos recommandations. Ce qui nous anime et ce que nous partageons en commun est ce noble défi de

 

 

 

Je voudrais exprimer ma sincère gratitude à l’INSTAT, à son Directeur Général et à l’équipe du Directeur, M. Faly Rakotomanana, pour la qualité du travail abattu, pour l’expertise et l’excellente collaboration dont l’INSTAT a fait montre tout au long du processus de l’enquête.

Je ne saurais omettre d’adresser mes reconnaissances à vous, Cher collègue Yves Perardel, pour votre expertise et aussi pour votre engagement à accompagner l’INSTAT dans la réalisation de cette enquête. Je vous prie de transmettre à notre collègue Azita Awad, Directrice du Département des Politiques de l’Emploi, mes remerciements les plus cordiaux pour sa décision d’accepter d’allouer une partie des ressources, objet du partenariat entre l’OIT et la Fondation MasterCard, pour ces travaux ô combien utiles pour Madagascar en cette période de reprise et de relance de l’économie.

Merci aussi à vous tous, Collègues du BIT d’Antananarivo, pour votre professionnalisme, votre engagement et votre dévouement pour rendre toujours effectif l’Agenda du travail décent à Madagascar.

Enfin, je voudrais remercier au nom du BIT, vous tous et sans exception, venus participer à cet atelier de lancement des résultats de cette enquête ETVA sur l’emploi des jeunes.

Pour le BIT, la croissance n’est pas une fin en soi et seul l’emploi est le levier le plus efficace permettant d’éliminer réellement et de façon pérenne la pauvreté pour un pays à faible revenu comme Madagascar.

Pour le BIT, votre présence nombreuse, aujourd’hui, témoigne de votre intérêt et de votre engagement à œuvrer en faveur de la jeunesse malgache, à créer des opportunités en faveur de l’emploi des jeunes et à devenir des partenaires actifs aux côtés de tous ceux qui ont la conviction que Madagascar a besoin de réunir la force de sa jeunesse par l’emploi pour vaincre la pauvreté.

Je vous remercie./. "

Un dossier de Jeannot Ramambazafy-www.madagate.com-14 mai 2014

Mis à jour ( Jeudi, 15 Mai 2014 16:26 )  
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