M. Christian Ntsay
Du 12 au 15 mars 2013, un Programme atelier intitulé «Intégration du travail des enfants dans les plans d’éducation» a été organisé à Toamasina, à l'initiative du Bureau de Pays de l’Organisation Internationale du Travail pour Comores, Djibouti, Madagascar, Maurice et Seychelles, à travers le Programme TACKLE. Ci-après le communiqué de presse final, suivi du discours intégral d'ouverture de ce Programme atelier, prononcé par M. Christian Ntsay.
ANTANANARIVO (Nouvelles du BIT). –Le Programme international pour l’abolition du Travail des enfants (IPEC) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) dans son Programme « Tackling Child Labour through Education » sur financement de l’Union Européenne-ACP, a organisé du 12 au 15 mars 2013 un Atelier pour l’intégration des questions relatives au Travail des enfants dans les plans et programme d’Education à Madagascar.
L’éducation et l’élimination du Travail des enfants sont intimement liées. Une éducation de qualité contribuera d’une manière très importante dans la prévention du Travail des enfants.
Renforcer les capacités nationales à formuler et mettre en œuvre des stratégies de lutte contre le Travail des enfants (LTCE) constitue une des réponses aux objectifs du Programme qui vise entre autres à :
-Faciliter la prise de conscience sur le Travail des enfants et sa considération à travers le ciblage des enfants vulnérables travailleurs ou à risque de tomber dans le travail;
-Contribuer à l’élaboration et à la mise en oeuvre de politique et de programmes d’éducation sous la houlette du Ministère de l’Education Nationale, qui doivent avoir des impacts sur la protection des enfants.
La République de Madagascar fait partie des pays bénéficiaires du Programme TACKLE depuis janvier 2009 dont les objectifs sont entre autres :
-L’amélioration du cadre juridique,
-Le renforcement de la capacité nationale,
-La prévention et le retrait des enfants du travail, la mobilisation,
-La sensibilisation et le plaidoyer contre le travail des enfants.
Dans son discours d’ouverture lors de cet Atelier qui a regroupé toutes les parties prenantes du pays, - ministérielles et celles issues d’organisations non gouvernementales -, le Directeur du Bureau de Pays de l’OIT à Antananarivo, M. Christian Ntsay, a énuméré un certain nombre de constats. Le Ministère de l’Education Nationale participe aux différentes activités organisées dans la lutte contre le Travail des enfants, par l’intégration de la LCTE dans le programme de civisme des citoyens, la production de guides et de livres pédagogiques pour intégrer la LCTE, l’intégration de la LCTE dans les curricula de la 5ème année du primaire ainsi que d’autres activités au niveau des CISCO. Mais, en parcourant le Plan Intérimaire de l’Education, force est de constater que la dimension du Travail des enfants est quasi-occultée alors que presque 2 millions des enfants malgaches sont déjà travailleurs.
Parmi les sous-objectifs de l’Atelier, l’analyse des liens entre l’éducation et le travail des enfants a tenu une place majeure en vue de commencer un processus de prise de décision et des mesures pour intégrer le Travail des enfants dans la planification de l’Education.
L’Atelier s’inscrit dans le Programme Pays pour le Travail Décent de Madagascar qui, dans sa priorité 2 vise à améliorer la productivité du travail par la promotion du dialogue social, les principes et droits fondamentaux au travail et la protection sociale.
Par ailleurs, les résultats attendus contribuent à la mise en œuvre des activités relatives au Produit 2.2 du Programme Intérimaire du Système des Nations Unies : « Les réseaux des OSCs oeuvrant sur les Droits de l’Homme dans les Régions d’intervention sont structurés et dotés de connaissances pour attirer l’attention des autorités notamment sur les cas de torture, de violences à l’égard des femmes et des enfants, le droit des PVVIH et autres groupes vulnérables au VIH (travailleurs de sexe, hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes) ainsi que sur les cas de traite de personnes et de tourisme sexuel ».
Cet atelier de quatre jours s’est tenu à Toamasina, Région Atsinanana, où le Projet BIT/IPEC-TACKLE n’est pas encore intervenu et a été animé par des experts nationaux et internationaux dont le Coordonnateur Régional Afrique du Programme, le Coordonnateur National du Projet BIT/IPEC-TACKLE au Mali et des partenaires-clés de l’Education du Mali. Des représentants des ONG et Associations y ont été présents, parmi lesquels Aide et Action /Madagascar, SOS Villages d’Enfants et des associations locales ainsi que le Comité National de Lutte contre le travail des enfants et des membres du Comité Régional de Lutte contre le travail des enfants Atsinanana et les médias. A noter la grande participation du Ministère de l’Education Nationale, à travers la participation de 21 représentants des Directions Régionales de l’Education et l’équipe technique de la Direction de l’Office de l’Education de Masse et du Civisme. L’UNICEF, l’Union Européenne y ont également été représentés. Le programme de l’Atelier s’est inspiré des orientations du Manuel du BIT sur « l’intégration des questions relatives au travail des enfants dans les plans et programmes d’éducation » et adapté suivant un Atelier similaire tenu en Zambie en octobre 2011.
L’enjeu est fondamental à en juger les résultats attendus :
-Augmenter les connaissances et compréhension sur les stratégies à utiliser pour intégrer la question du Travail des enfants dans les politiques et programmes du pays,
-Renforcer les compétences à travers les bonnes pratiques des différents pays qui peuvent être adaptées pour le pays,
-Renforcer la capacité de tous les partenaires dans le domaine de l’Education et le Travail des enfants,
-Elaborer un Plan d’actions pour la poursuite du processus.
Le plan de travail pour Madagascar élaboré est orienté sur les trois axes du Plan Intérimaire de l’Education (2013-2015) : l’Accès, la Qualité et la Gouvernance.
Discours de M. Christian Ntsay,
Directeur du Bureau de Pays de l’Organisation Internationale du Travail pour Comores, Djibouti, Madagascar, Maurice et Seychelles
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Atelier sur l’intégration des questions relatives au travail des enfants dans les plans et programmes d’éducation,
Hôtel Sharon Toamasina, 12 mars 2013
Chers Partenaires, chers Collègues et chers Amis,
Je ne voulais pas faire un discours aujourd’hui car il y en avait déjà trop dans ce pays depuis des années sans effets réels, selon beaucoup d’entre nous, sur la vie des populations; or, il était temps pour agir, il était temps pour ouvrir des chantiers pour les générations futures, il était temps pour sensibiliser, partager et responsabiliser, il était temps pour suivre et évaluer.
J’inscris ma présence aujourd’hui parmi vous dans l’action, j’inscris notre engagement dans la persévérance et la constance de l’Organisation que je représente, l’Organisation internationale du Travail, en matière de promotion des droits humains, notamment des droits des enfants travailleurs, devant l’obligation de ne pas baisser les bras face souvent à l’aveuglement des adultes, face à l’irresponsabilité généralisée et face à l’inconscience de beaucoup de responsables à de différents niveaux.
Je voudrais comprendre que votre présence et votre participation, à vous tous, aujourd’hui et pour les jours à venir, s’inscrivent dans le partage de ces mêmes valeurs, dans un élan collectif de combattre le fléau du travail des enfants sous toutes ses formes et dans le témoignage,que j’aimerais saluer, de vos engagements et de votre pari pour l’avenir en faveur des droits des enfants travailleurs. Et c’est pourquoi le BIT, avec les concours de l’Union Européenne, est heureux d’organiser cet espace de réflexion et d’échanges sur la recherche des voies et moyens les plus adéquats pour intégrer les questions relatives au travail des enfants dans les plan et programme d’Education.
1. En fait, pour Madagascar, qu’est-ce qu’on a comme outils stratégiques pour lutter contre le travail des enfants ?
- Madagascar a ratifié en 2001 les Conventions fondamentales de l’OIT qui encadrent la lutte contre le travail des enfants dans le monde. Il s’agit de la Convention 138 qui définit l’âge d’admission à l’emploi fixé à 15 ans. Il en est de même pour la Convention 182 qui qualifie les pires formes de travail des enfants.
- Le pays s’est ainsi doté d’une stratégie nationale de lutte contre le travail des enfants en mettant en place un Plan National d’Action de lutte contre le travail des enfants en 2004. Un Comité National de Lutte contre le travail des enfants existe et est opérationnel pour assurer la mise en œuvre et le suivi du Plan National d’Action.
- Des réformes législatives et réglementaires ont été menées depuis pour
l’actualisation et le renforcement des législations du travail et du code pénal de Madagascar.
- Depuis 2004, avec l’appui de l’Union Européenne, des Etats-Unis, de la France, de l'UNICEF et du BIT, Madagascar a entrepris des actions concrètes de grande envergure, à travers des projets et des programmes spécifiques, pour le retrait des enfants travailleurs, le soutien psycho-médical, le retour des enfants à l’école et des jeunes à l’alphabétisation, la promotion d’initiatives de formation professionnelle ainsi que le placement de jeunes dans des milieux de travail respectant les normes internationales et la législation nationale du travail. Des résultats encourageants ont pu être obtenus avant que la crise de 2009 ne vienne perturber les engagements du pays et des partenaires, engendrant ainsi des impacts notables aggravant davantage la vulnérabilité et la pauvreté, l’abandon scolaire, le chômage des parents et le travail des enfants.
2. Mais qu’est-ce qui manque encore pour Madagascar ?
Beaucoup reste à faire dans la lutte contre le travail des enfants dans ce pays. Mais, ce qui marque l’esprit est le peu d’appropriation réelle et constante de ce combat à différents niveaux car:
-Je m’interrogerais sur le volume du budget national affecté à la lutte contre le travail des enfants dans ce pays depuis 2004 dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’Action National.
-Je serais curieux de savoir le volume du budget des régions et des communes alloué à la lutte contre le travail des enfants.
-Je m’enquerrais des engagements exacts des partenaires sociaux dans leur contribution dans le combat contre le fléau du travail des enfants.
Oui, le BIT apprécie les actions autour desquelles les acteurs nationaux apportent leur contribution, quelle que soit la forme. Oui, les partenaires techniques et financiers de Madagascar estiment importants les engagements des ONG dans l’amélioration des conditions de vie des communautés et des populations vulnérables.
Mais, il y a des étapes qui restent à surmonter, il y a des fondamentaux qui restent à poser.
L’une de ces étapes et l’un de ces fondamentaux demeurent le système éducatif.
Dans ce domaine, je sais que le Ministère de l’Education Nationale participe aux différentes activités organisées dans la lutte contre le travail des enfants,
par l’intégration de la LCTE dans le programme de civisme des citoyens, la production de guide et de livre pédagogique pour intégrer la LCTE, l’intégration de la LCTE dans les curricula de la 5ème année du primaire ainsi que d’autres activités au niveau des CISCO. Mais, en parcourant le Plan Intérimaire de l’Education, je me suis rendu compte que la dimension du travail des enfants est quasi-occultée alors que presque 2 millions des enfants malgaches sont déjà travailleurs.
3. Alors, qu’est ce qui reste à faire ?
Comme nous le savons tous, investir dans l’éducation est l’un des moyens les plus efficaces pour parvenir à la reconstruction du pays et à la consolidation de la paix. L’éducation représente le meilleur investissement qu’un pays puisse faire pour sa population et son avenir, et joue un rôle crucial dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Mais, il faut que le système éducatif tienne compte des questions liées aux enfants travailleurs.
L’amélioration de l’éducation et l’éradication du travail des enfants sont deux objectifs intrinsèquement liés entre eux dans une optique de développement socio-économique rapide et durable du pays.
Il est urgent de réfléchir et avancer des propositions sur les meilleures façons et pratiques pour intégrer les dimensions relatives au travail des enfants dans les politiques et programmes éducatifs du pays.
Je compte sur les échanges de bonnes pratiques et d’expériences de nos frères et amis du Mali pour suggérer des conseils avisés et adaptés à la situation malgache.
Je compte sur les responsables de l’éducation nationale de toutes les régions du pays qui sont ici présents aujourd’hui pour apporter leur vision et leur expérience respective pour proposer des recommandations pertinentes pour faire réussir ce processus.
Je compte sur la capacité des responsables du monde du travail, notamment du Ministère du Travail et des partenaires sociaux, pour consolider le plaidoyer et le processus de prise de décision afin que la synergie de tous, vu la taille de l’enjeu, permette de faciliter la mise en application des recommandations issues de cette rencontre de Toamasina.
Chers Partenaires, chers Collègues et chers Amis,
L’OIT a fait de la lutte contre le travail des enfants un élément central de l’Agenda du travail décent. Au niveau mondial, elle constitue un des objectifs prioritaires de très nombreux programmes par pays de promotion du travail décent.
Madagascar n’est pas en reste de ces efforts.
Cet atelier n’est que le début du processus initié par le Programme TACKLE du BIT et de l’Union Européenne. Nous avons le devoir de poursuivre les efforts pour que le pays dispose de moyens plus efficaces de lutte contre le travail des enfants à travers l’éducation.
Pour terminer, je voudrais remercier particulièrement mes frères et sœur collègues du Mali ainsi que mon collègue Coordonnateur Régional Afrique du Programme TACKLE pour le partage des expériences et pour leur expertise technique.
Toute ma gratitude s’adresse à l’Union Européenne pour sa contribution fort utile pour œuvrer aux côtés de l’OIT pour l’élimination du travail des enfants.
Je tiens également à remercier mes collègues d’Antananarivo pour leur appui pour cet atelier prometteur.
Je vous souhaite donc à vous tous un bon atelier et j’espère que votre implication et les résultats issus de ces trois 3,5 jours puissent contribuer de manière efficace à la construction d’un avenir meilleur pour nos enfants et nos jeunes qui seront les bâtisseurs d’aujourd’hui et de demain.
Je vous remercie de votre attention.